Gérard Kleczewski. Une plaque à côté d’elle-même

Le 9 novembre, à Nogent-sur-Marne la ville où est née en novembre 1951 Lucie Attal, devenue Sarah Halimi (zal), où elle a vécu toute sa jeunesse, a été inauguré un jardin en son honneur et en celui de Mireille Knoll (zal), assassinée un an après elle.   

Sur la pierre grise du jardin Sarah Halimi et Mireille Knoll, réunies à jamais dans ce lieu de mémoire, est écrit : « Jardin Sarah Halimi 1951-2017 et Mireille Knoll 1932-2018 » et en dessous : « Lâchement torturées et assassinées parce que Juives. Victimes parmi toutes les victimes d’un islamisme radical, de la haine antisémite et de l’obscurantisme ». 

Pourquoi, alors qu’on pourrait être heureux et reconnaissant que ces deux femmes assassinées et torturées « lâchement », comme le dit le texte, soient honorées, une véritable gêne peut nous envahir à la lecture de ce texte sonnant visuellement comme une épitaphe ? 

Mes explications. 

Il y a « Victimes parmi toutes les victimes » d’abord qui sonne bizarrement. Comme si elles avaient été sélectionnées, choisies parmi toute une liste possible de victimes de la barbarie. 

Puis vient l’expression « un islamisme radical ». Décomposons cette expression. 

  • « Un ». Pourquoi « un », parce qu’il y a plusieurs « islamismes radicaux » ? Alors pourquoi ne pas avoir choisi un article défini plutôt qu’indéfini ? « L’islamisme » aurait été plus judicieux.
  • Continuons… Comment être plus dans le pléonasme qu’en parlant « d’islamisme radical ». S’il y a un islam qu’on peut considérer comme modéré, certains pourraient dire « quiétiste » quand bien même cela recouvre une réalité légèrement différente, ne peut-on pas se contenter ici de dire « islamisme », synonyme « d’Islam politique » ? Quelle est l’utilité de lui accoler l’épithète « radical » ?  A un homme de bien qui, commentant sur Facebook la photo diffusée par William Attal sur le groupe « Agissons pour Sarah Halimi », se félicitait de cette mention, j’ai répondu : « C’est un pléonasme et un terrible contre-sens au contraire. On pourrait donc supposer qu’il y a un islamisme qui ne l’est pas, radical ? L’épithète “radical” peut être accolé à “islam”, mais “islamisme radical” c’est comme dire qu’il y avait un “nazisme radical” ou un “stalinisme radical”… »
  • Et puis je suis aussi mal à l’aise devant cette espèce de fourre-tout qu’est l’expression « haine antisémite et de l’obscurantisme ».  Les tueurs sont des haineux, ça ne fait pas de doute. Ils haïssent les Juifs cela me parait évident, même s’il faut bien admettre qu’ils sont aussi sémites la plupart du temps car arabes en plus d’être musulmans. Ils se haïraient donc autant qu’ils haïssent les Juifs….
  • Enfin quel rapport y a-t-il entre le massacre de Sarah Halimi puis de Mireille Knoll et l’obscurantisme, qui est – selon sa définition en vigueur dans les meilleurs dictionnaires – « un projet visant à s’opposer à la diffusion au sein de la population, et notamment parmi les classes populaires, des Lumières, des connaissances scientifiques et du progrès ». En quoi Sarah et Mireille sont-elles des symboles du progrès scientifique ou humain ? Ce sont deux femmes remarquables, l’une étant sensiblement plus âgée que l’autre, l’une sensiblement moins pratiquante que l’autre, et toutes deux ont été massacrées parce que Juives. Pas parce qu’elles incarnent quoi que soit d’autre. N’est-ce pas suffisant pour en rajouter ?  

Car le mieux est ici comme toujours l’ennemi du bien, et vouloir trop en faire en pensant faire plaisir ne fait pas in fine forcément plaisir et n’apporte rien au moulin du combat « sisyphien » contre la haine des juifs.

Alors oui à un jardin Sarah Halimi et Mireille Knoll. Oui à honorer leurs mémoires et à considérer qu’elles sont les victimes de la barbarie islamiste et antijuive. Mais pas plus ! C’est déjà énorme. 

Ce texte imprécis m’a fait penser, en moins grave certes, à la grille du parc Simone Veil inauguré récemment à Ermont. L’enseigne, heureusement retirée à la suite de la vague d’indignation qui s’était élevée sur les réseaux sociaux, par sa forme ondulée faisait immanquablement penser au « arbeit macht frei » du camp d’Auschwitz Birkenau…

On me dira que nous autres Juifs sommes hypersensibles à ces questions de forme. Qu’on pourrait juste se contenter d’être respectés et honorés. Oui, peut-être, mais en ces questions comme en tant d’autres, il faut conserver à l’esprit cette fameuse maxime : « L’enfer est pavé de bonnes intentions ». 

© Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski est citoyen et journaliste

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3 Comments

  1. Les victimes du 13 novembre n’ont pas eu hélas le droit à l’appelation terrorisme islamique ou islamisme radical, elles n’ont été que des victimes d’attentats ! Mais qui a bien pu commettre ces attentats ?

  2. “Alors pourquoi ne pas avoir choisi un article défini plutôt qu’indéfini ? « L’islamisme » aurait été plus judicieux.” Tout à fait, mais c’est certainement voulu. Le mot “indéfini” signifie qu’on ne sait pas précisément ni de qui ni de quoi il s’agit et permet donc de rester dans le flou, un flou qui ne fait pas de vagues et fait mine d’oublier ce que préconise le Coran à propos du sort à réserver aux mécréants (juifs et chrétiens).

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