Alain Finkielkraut : « Léon Blum n’aurait pas sa place dans la Nupes »

L’académicien réagit à l’entrée massive de députés Nupes à l’Assemblée nationale et s’inquiète de l’antisémitisme grandissant au sein de la gauche radicale.

Le philosophe livre ses premières impressions à la suite du second tour des élections législatives faisant de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) la première force d’opposition à l’Assemblée nationale – même si le RN devient le premier parti d’opposition avec ses 89 députés. Celui qui continue à se définir comme un homme de gauche s’inquiète du rapport ambigu entretenu par une gauche radicale avec les juifs, le judaïsme et Israël. Pour l’académicien, les polémiques dont Jean-Luc Mélenchon s’est fait une spécialité n’ont rien d’anecdotiques. Et, selon lui, la droite n’a pas le monopole de l’antisémitisme. Même si la gauche républicaine et universaliste, bradant ses principes, a cédé aux sirènes d’une alliance électorale, Alain Finkielkraut refuse d’y voir un acte définitif.

Entretien

Le Point : Jean-Luc Mélenchon a pris le leadership sur la gauche en France. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Alain Finkielkraut : Une grande tristesse. À l’encontre des expériences précédentes d’union de la gauche, c’est sous l’égide de la gauche radicale que s’est fait le grand rassemblement. Une gauche radicale elle-même profondément transformée : l’ouvriérisme a cédé la place au multiculturalisme et la critique du capitalisme s’accompagne d’une critique non moins vive de la laïcité. Rien à voir avec le Front populaire : Léon Blum n’aurait pas sa place dans la Nupes.

Ces dernières années, certaines digues ont sauté : au sein d’une gauche radicale, les propos ambigus à propos des juifs et du judaïsme se sont multipliés. À quel moment cela a-t-il basculé ?

La France insoumise a fait carton plein en Seine-Saint-Denis, c’est-à-dire dans les territoires où, comme le dit Georges Bensoussan, l’antisémitisme n’est plus une opinion mais un code culturel. La haine des juifs était, depuis l’affaire Dreyfus, un marqueur de l’extrême droite. C’est aujourd’hui, nouvelle France oblige, une réalité avec laquelle la gauche radicale a décidé de composer. Chaque fois que l’on pose à Jean-Luc Mélenchon la question du communautarisme, il pointe un doigt vengeur sur le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Et quand on dit que les élèves juifs doivent de plus en plus changer d’établissements et quitter les quartiers dits « sensibles », il dénonce sans vergogne l’islamophobie. Aux Juifs français abasourdis, la gauche radicale annonce qu’ils ne font plus le poids.

Doit-on y voir, chez certains, un antisémitisme d’opportunité, une stratégie qui suit le sens du vent, ou s’agit-il selon vous de la résurgence d’idées plus anciennes, plus profondes ?

C’est par le biais de l’antisionisme que la judéophobie fait son grand retour à gauche. Dans un monde divisé entre oppresseurs et opprimés, les juifs sont dans le mauvais camp. Du fait de leur attachement à Israël, ils sont classés parmi les dominants et même parmi les racistes. Ce sont des blancs irrepentis. La défense des damnés de la terre passe par leur mise en accusation.

Le clientélisme et le communautarisme sont-ils l’avenir de la gauche française ?

L’avenir de la gauche française, c’est la social-démocratie et le retour aux principes républicains. Si elle continue dans la voie de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, elle accèdera peut-être un jour au pouvoir grâce au changement démographique, mais elle aura perdu son âme.

Source : lepoint.fr

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2 Comments

  1. Leon Blum n’aurait pas sa place dans la France anti Juifs, anti Blancs, anti pauvres, anti handicapés et anti intellectuels que représentent la NUPES et LREM, dignes héritiers de Vichy.

  2. Le problème de Blum, quand-même, c’est qu’il était socialiste. C’est tout à son honneur quand, au congrès de Tours, il a refusé de suivre les communistes. Par contre il ne faut pas s’étonne si l’expérience du Front Populaire a tourné court :

    Nous sommes au début du Front Populaire.
    Blum essaye de recruter Alfred Sauvy. Celui-ci hésite car il doute des compétences en économie de notre gloire socialiste. Voici ce que ce dernier répond à Sauvy :
    https://www.google.com/amp/s/www.ecoreseau.fr/actualites/economie-societe/la-lecon-de-blum-2022-06-14-84060/amp

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