Pierre Lann. Jean Pierre Pernaut : le héraut d’une France oubliée est mort à l’âge de 71 ans

Il avait passé 33 ans à la table des Français. Jean-Pierre Pernaut s’en est allé.L’ancien présentateur du journal de 13h sur TF1 souffrait d’un cancer des poumons. Son épouse, Nathalie Marquay, miss France 1987, avait révélé au mois de janvier qu’il avait subi « quatre mini-AVC » au début du mois de janvier 2022.

Jean-Pierre Pernaut était l’homme d’une ligne éditoriale. Une formule gagnante, pensée en 1988 avec Etienne Mougeotte, alors vice-président de TF1. Pour concurrencer FR3 et son réseau régional, la chaîne décide d’envoyer ses journalistes hors de Paris. Mission : rapporter une certaine image de la France, faite de clochers, de marchés, de nouvelles rassurantes, de gens du bourg et surtout pas de Parisiens.

Alors, tous les jours, Pernaut ouvrait son journal par un point sur la météo. Comme on engage la conversation avec sa grand-mère, en devisant d’abord de la pluie et du beau temps avant de s’attacher au reste. Et après avoir rapidement balayé l’actualité, Jean-Pierre Pernaut emmenait le téléspectateur à la Foire de l’ail rose de Lautrec (Tarn) ou à la fête de l’andouillette de Clamecy (Nièvre).

Salué par Houellebecq

Un parti-pris « franchouillard » et biaisé pour ses détracteurs, comme le journal Libération«Une tâche messianique consistant à guider le téléspectateur, terrorisé et stressé, vers les régions idylliques d’une campagne préservée, où l’homme vivait en harmonie avec la nature », décelait plutôt Houellebecq, dans son roman La Carte et le Territoire, en 2010. Un triomphe populaire en tous cas, qui réunissait chaque jour 5 millions de téléspectateurs. Ils étaient même près de 9 millions le jour de ses adieux le 18 décembre 2020. L’équivalent match de gala pour l’équipe de France de football.

Si Jean-Pierre Pernaut a si bien incarné cette ligne éditoriale, c’est qu’il y adhérait sincèrement. Il racontait que son chemin avait commencé un jour de neige, à Amiens, le 8 avril 1950.  Dans son autobiographie, ce fils d’un directeur d’usine et d’une pharmacienne couchait ses souvenirs d’enfance, dans le petit village de Quevauvillers. Une jeunesse faite de routes de campagne, de blouse grise à l’école, de poules, et de lapins. Un terreau sur lequel il a bâti sa carrière de journaliste et sa popularité jamais démentie.

Après le mouvement des Gilets jaunes en 2019, certains avaient vu en lui un visionnaire, le héraut d’une France invisible qui avait eu raison d’insister pendant 33 ans sur les difficultés des zones périphériques. Dès 1993, JPP avait lancé l’opération « SOS Villages », pour mettre en avant des petits commerces à reprendre. Plusieurs centaines de boulangeries, d’épiceries, de bars, qui manquaient à la vie des villages ont ainsi pu renaître.

Une figure populaire et politique

Un bilan qui en avait fait une personnalité draguée par les politiques. Dans la course à la présidentielle 2022, Nicolas Dupont-Aignan en faisait même un potentiel ministre de l’Aménagement du territoire. « Je ne ferme pas totalement la porte », répondait le journaliste, qui confiait toutefois « avoir d’autres soucis pour le moment ». Et au premier chef, celui de se débarrasser du crabe. Du reste, il ne s’était engagée qu’une seule fois en politique, en position non éligible d’une liste UDF-RPR en 1983, « pour défendre le vieil Amiens ».

D’autres voix, plus critiques, comme Georges Kuzmanovic dans les colonnes de Marianne, regrettaient que Jean-Pierre Pernaut n’aie pas tiré toutes les conséquences de ses reportages. En libéral économique affirmé, critique des grèves et des impôts, le présentateur « ne se rendait visiblement pas compte combien les politiques qu’il défendait contribuaient à mutiler la France qu’il aimait et à condamner les gens auxquels il donnait affectueusement la parole », considérait Kuzmanovic avec tendresse. Objet d’autant de débats que de marques de sympathie, Jean-Pierre Pernaut aura marqué son temps. Une vraie figure populaire s’est éteinte. Qui ira désormais filmer les derniers sabotiers ?

© Pierre Lann

https://www.marianne.net/societe/medias/jean-pierre-pernaut-le-heraut-dune-france-oubliee-est-mort-a-lage-de-71-ans

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