Charles Rojzman. Un rêve de pureté qui tourne mal

Féminisme, écologie, antiracisme…ces combats pourtant pleinement légitimes sont de plus en plus assujettis à des dérives totalitaires. En prétendant faire triompher un « bien » absolu, en éradiquant le « mal », ces idéologies nient toute l’imperfection de l’âme humaine.

Il est souhaitable de vouloir préserver la biodiversité. Je suis le premier à regretter les papillons de mon enfance, le chant des hirondelles dans le ciel d’été et même les petits asticots dans les cerises bien juteuses et sucrées. Il est souhaitable de libérer les femmes de leur assujettissement à l’ordre patriarcal. J’aime les femme fortes et intelligentes qui savent si bien analyser notre époque et ses travers. J’aime les jeunes filles israéliennes ou kurdes qui combattent pour leur peuple et sa survie, les iraniennes dévoilées au prix de leur emprisonnement. Il est souhaitable de combattre les inégalités et les injustices, comme l’ont fait nos ancêtres qui se sont libérés des jougs féodaux. Il est juste de combattre l’antisémitisme dont les juifs ont souffert dans les pogroms et les persécutions des inquisitions, le racisme dont tant d’êtres humains de toutes couleurs ont souffert dans les esclavages et les ségrégations.

Mais tout combat légitime peut se transformer en une idéologie qui charrie les frustrations, les complexes, les pathologies des êtres humains et masque leur haine, leur appétit de pouvoir, leur besoin de vengeance, engendrer des folies collectives capables d’entraîner parfois, comme l’histoire l’a démontré, des massacres de masse et des violences collectives.

Quel est le point commun entre ces idéologies haineuses qui détournent ces luttes pourtant légitimes que sont le féminisme, l’écologie, la lutte contre les inégalités sociales, l’antiracisme, le combat contre l’homophobie ? L’affirmation que l’être humain doit devenir un être sain, exempt de toutes turpitudes, qu’il faut nettoyer de toutes traces du Mal, libérer de la cupidité, du pouvoir, de l’impureté afin d’en faire un être propre et sans souillures. Cette tentation totalitaire qui revient, une fois de plus, sur le devant de la scène prétend rétablir le règne du Bien, et donc inévitablement se propose d’éliminer le Mal et ses adeptes : Le juif, l’apostat, le pollueur, le capitaliste, le financier apatride, le pécheur, le fornicateur, le mâle blanc, le colonisateur (blanc)…

La pureté n’existe pas. Nous sommes des êtres faillibles, très imparfaits et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin des autres, pour nous contredire, pour démolir nos arguments et nos certitudes. Cette soif de pureté politique, intellectuelle, idéologique nous empêche de débattre avec les “mauvais penseurs”, de mettre à nu, d’exposer nos propres contractions et, risquons le mot : notre folie. Cette hallucination du réel que nous pratiquons couramment, soit parce que nous ignorons ce réel, soit parce que nous faisons une confiance aveugle à nos maîtres qui eux aussi font semblant de savoir parfaitement.

Bien sûr, il est inévitable et même souhaitable d’affirmer ce nous sommes, ce que nous pensons, sans détours mais restons conscients de notre faiblesse humaine, de nos erreurs et inexactitudes, et acceptons, pour l’amour de Montaigne et de Spinoza, de Molière et de Rabelais, de ce cher Mirabeau, le révolutionnaire si imparfait en raison de ses faiblesses humaines, de débattre, acceptons le conflit avec nos adversaires, tout en accueillant cette belle imperfection qui fait de nous des êtres fragiles et merveilleux, guérisseurs blessés de nous-mêmes et des autres.

Charles Rojzman

Source: Front Populaire. 26 février 2021

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1 Comment

  1. Effectivement tout est relatif ; l’absolu n’est pas de ce bas monde et à viser le paradis on gagne l’enfer.

    Désormais plusieurs nouvelles inquisitions dressent des échafauds partout à la recherche de l’absolu. Le feu, ça purifie. On entendrait le rire de Torquemada.
    Inquisitions certes féminisées ; mais l’absolutisme ne gagne rien à être femme.

    Gare à qui penserait autrement ; nous somme dorénavant dans l’exclusion, pas dans le débat.
    Finkie est mon témoin.

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