René Seror. Mes années Rock’n’roll

Après la naissance de mon plus jeune frère, nous avons quitté la Rue Borj Ennar, derrière les remparts pour habiter la dernière maison avant le port de Sfax, 24, rue des Paviliers, devenue par la suite rue de Remada, immeuble aujourd’hui détruit pour agrandir le port.

J’ai 10 où 11 ans.

Nous sommes fans des chanteurs qu’aiment nos parents :

Tino Rossi, Georges Guétary…

Depuis peu, de nouveaux talents apparaissent, de nouveaux styles aussi.

Dario Moreno, Los Machucambos…

Et ces italiens à la voix de velours !

Mamma mia !

Soudain émerge cette fille qui roule les “R”

On dirait que son nom comporte une faute.

Elle devrait s’appeler DALILA. Comme dans l’histoire de Samson.

En fait, il n’y a pas d’erreur.

Elle s’appelle bien DALIDA.

Elle chante en hébreu.

HAVA NAGUILA.

Les ragots vont bon train.

C’est sûr, elle est juive !!!

Nous découvrons Bambino, Come Prima, Ciao Ciao Bambino. 

Et puis, c’est le fameux p’tit bikini.

Et t’aimer follement…

En apprenant le vrai nom de Dalida, nous comprenons que ” ça fait pas juif”

Mais qu’importe ! On l’aime.

C’est tout.

Aussi, quand lors d’un passage au rayon disque, à Monoprix, sous les Arcades, on découvre un beau gosse qui bêle les mêmes chansons que notre Diva, on se demande ce qu’est cette erreur.

Il doit être américain.

Il s’appelle Johnny !

Mais en cours d’anglais, nous avons appris que vacances, ça se dit : HOLLIDAYS.

Celui-là s’appelle HALLIDAY.

Notre mécontentement est de courte durée, car le bogosse nous sert aussitôt ses “Souvenirs, Souvenirs”

Et comme Sfax c’est loin, nous recevons en même temps et en retard :      24.000 baisers.

Nous sommes en pamoison.

Pour rentrer chez nous, je suis obligé de passer devant le cinéma NOUR.

J’en profite chaque fois pour jeter un œil à l’affiche du film de la semaine.

Et souvenez-vous, on épinglait plusieurs clichés se rapportant au film de la semaine.

J’essaie de déchiffrer l’affiche.

C’est qui ce militaire sous le nom imprononçable de Elvis Presleille ?

Mon copain Jojo (on a tous un copain jojo en Tunisie) donc mon copain me dit : “Tu connais pas Elvis Presley, c’est le roi du Rock. Il est à l’armée et vient de jouer dans ce film”.

Avec beaucoup d’aisance, et un accent anglais de la Hara, il dit GI ‘BLUES.

Le samedi suivant, nous nous présentons au placier, quelques secondes après le début des Nouvelles et Moktar nous désigne discrètement 2 places à la dernière rangée.

Évidemment, nous n’avons rien payé. Nous n’avons pas de ticket.

Je pensais que Moktar nous faisait une fleur parce que nous étions jeunes.

Quelques années plus tard, en France, quand j’ai eu 18 ans, mon adorable père m’avouera que le placier du cinéma, le loueur de vélos, les bonnes âmes qui me prenaient en stop à la sortie du lycée, défilaient chez lui, se vantant d’avoir pris soin de son fils.

Ils attendaient la récompense, sous la forme d’un énorme paquet de gâteaux.

Mon bon papa ne me l’avait pas dit sur l’heure.

Attendait-il que je devienne adulte ?

Ou simplement l’occasion ?

J’étais déjà très Rock N’Roll.

L’année scolaire 60/61 se termine, vers le 15/20 juin.

Mes parents ont prévu de nous faire passer les vacances à Paris.

C’est la première fois de ma vie.

Je ne pense qu’à ça. J’en rêve.

En attendant le départ, je me livre à mon activité favorite. Visite à Monoprix, rayon disques.

La jeune préposée est une amie de ma mère.

Elle ne me refuse rien.

J’éclate de rire devant un disque que je vois pour la première fois.

Un groupe de 5 gars qui s’appellent Les chaussettes Noires.

C’est trop drôle.

Mais je préfère demander d’écouter

Moustapha. Viens à Juan les Pins.

Fais-moi du couscous chéri…

Bob Azzam fait fureur.

Comme Dalida, j’ai tous ses disques.

3 juillet c’est le départ et à Paris, ma tante a des connaissances à la télévision française.

En compagnie de nos deux cousines, mon frère et moi sommes invités à la soirée de 14 juillet au studio de la rue Cardicci, dans le 19 ème.

Il y a un monde fou, et tant mieux.

Ça nous permet de passer inaperçus.

Un groupe de gamins se produit ce soir-là.

Depuis le temps que j’entends dire que les chanteurs se roulent par terre.

Tout à coup, le présentateur annonce : Les Chats Sauvages.

Nous assistons alors à un numéro d’acrobatie du regretté Dick Rivers qui me scotche littéralement.

Je rêve de devenir chanteur de Rock.

Je n’ai été qu’un fan, très assidu.

Les événements feront que je n’ai jamais revu mon école.

Franchement, le lycée Voltaire n’avait pas la saveur des préfabriqués de la Mission.

Après Les Chaussettes noires et Les Chats sauvages, les murs de Paris étaient couverts d’affiches d’un nouveau groupe : Les Pirates.

Après ce sera les Vautours, Les Champions, Les Shadows, Les Fantômes, Vince Taylor, Danny Boy et Les Pénitents…

J’en oublie, c’est sûr.

Je deviendrais intime avec le premier batteur des Chats sauvages.

Je le reçois à la radio avec le délicieux Hervé Houzi.

L’émission fut très drôle et pleine de secrets.

Quand les Beatles et les Rolling Stone débarquent, je suis devenu sage.

J’ai besoin de nourrir une famille.

Mais au fond de moi, je suis toujours Rock’n’roll.

© René Seror

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