Michèle Chabelski. Chronique

Bon

Lundi

Première semaine de confinement …

  Soyons positifs.

 Un cadeau : du temps…

    C’est le moment de se muscler les neurones.

  Avec des films …

  Et des livres bien sûr…

  Ah ???

Y a plus de livres ?

  Pourquoi y a plus de livres ?

   Parce qu’on risquerait de devenir trop intelligents ?

  Très intelligents ou trop intelligents ?

   Trop intelligents ?

  On aurait du temps pour lire, réfléchir, analyser, synthétiser, critiquer ?

  Et ?

    Et parfois pousse une conscience politique contestataire sur le terreau de la peur et du ras le bol et va savoir où ça peut conduire…

   Déjà le suffrage universel…

     De toute façon les gens lisent plus…

  Et c’est le jour où on ferme les librairies qu’ils ont envie d’acheter des livres…

   La culture, qu’ils disent…

     Qu’ils cultivent des patates, s’ils ont besoin de culture !

   Roselyne Bachelot, fraîche ministre de la culture, a tenté de négocier…

   Le Corona, il va attaquer les librairies et pas les supermarchés ?

 Les fleuristes et pas les pressings ?

   Et les bibliothèques ?

   Olivier Véran a dit les livres c’est sale, c’est plein de papier, plein d’encre, les gens les touchent, y déposent leurs miasmes de leurs doigts dégoûtants, et après…

  La tolérance ? Y a des maisons pour ça…

Aurait dit Paul Claudel

Ou Georges Clemenceau…

  La culture ?

Y a des poubelles pour ça !!

  Disent nos gouvernants…

  Je préfère retourner à ma vie d’avant…

 1968

   La guerre d’Algérie est terminée.

    Une foule truculente, démonstrative, bruyante a fait ses valises et nous découvrons les yeux écarquillés les Pieds Noirs, ainsi appelés parce qu’ils marchaient chaussés de pompes noires, contrairement à ceux qui marchaient pieds nus…

 On appellera ainsi ceux qui arrivent d’Algérie, mais aussi du Maroc et de Tunisie…

  Waouhhhhh !

    Ils sont beaux, hein, les Pieds Noirs.

 Yeux de braise, chevelure abondante, sourire ravageur, le rire en embuscade, des familles si tribales qu’on s’y perd entre les frères et sœurs, les cousins, les nièces…

  Nous qui pleurons nos grands-parents, oncles et tantes partis en fumée, nous demeurons muets devant ces grandes familles bouffeuses de vie, tactiles qui s’embrassent, s’étreignent, se touchent la main, parlent fort, rient fort, se retrouvent dans des cuisines chaudes et odorantes, fêtent le Chabbat, portent d’énormes étoiles de David autour du cou, disent juif sans complexe avant l’arrivée des feujs qui mettront tout le monde d’accord…

Parce que nous, on prononce timidement israélites, juif ça sent encore l’étoile jaune et le pogrome des Tatares …

   Ils investissent les synagogues , les facs, le Sentier, les assoces, font des yeux de velours, les filles agitent des crinières brillantes, ils ont un accent qui est leur porte étendard, ils dévorent la vie, se remettent dans l’action de leurs épreuves , racontent le bateau, Marseille, le cousin précurseur, le 2 pièces où ils s’entassent à huit, le travail, les petits arrangements, la frime pour oublier le malheur, la vérité approximative, la ponctualité inexistante, les bras ouverts, l’hospitalité, la générosité…

  Un monde nouveau brasille devant nos yeux d’ashkénazes à peau claire…

  Quoi ?

Ils sont juifs ?

Comme nous ?

Pas possible ?

   Certains parents pincent un peu le nez, ces suborneurs séduisent à tout va, les filles succombent, les garçons aussi, un feston festif ourle ces heures où se mêlent l’apparente légèreté de la Méditerranée et le poids encore présent d’Auschwitz et de Treblinka…

   Qu’ils sont gais, ces gens…

   Sonores et démonstratifs en enfournant entre deux rires les gâteaux luisant de miel tellement plus sucré que notre léker trempé dans le thé aux larmes du dimanche…

  Certains bossent tout de suite, d’autres investissent fac de médecine et de pharmacie, ils possèdent cinq patronymes en tout, ne reconnaissent pas nos noms pleins de consonnes comme signes d’appartenance à la communauté, on s’en fout, on danse, on festoie, on se marie…

   Aie !!

    Certains pères froncent les sourcils…

Il fait quoi, ce garçon !

Il vient d’où ?

 Tlemcen, c’est où ?

 Sfax, c’est quoi ?

 Comment tu dis ? Oujda ?

 Et ce garçon, là, Marc Goldstein, qu’est-ce qu’il devient ?

  J’en sais rien.

Ma fascination est ailleurs.

    Ces mélanges pleins de grumeaux font rire nos quarantenaires d’enfants, sang mêlés, ashkénazes, séfarades, non juifs, produits d’un brassage ethnique qui les poussent parfois à cracher sur un test ADN qui leur démontre qu’ils possèdent un peu de sang indien, une lichette de sang mongol, une larme de sang mexicain…

   La race humaine et ses mixages…

      Que cette journée vous infuse ce dont on va avoir grandement besoin :

 La patience…

     Je vous embrasse

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