Régis de Castelnau. Retour des djihadistes, Traoré: Dupond-Moretti commence fort

Éric Dupond-Moretti, le bravache de la société du spectacle dont Macron dans un souci de diversion avec son lugubre remaniement nous a fait un Garde des Sceaux, n’ira probablement nulle part. Car quelles que soient ses intentions, et il y en a peut-être de souhaitables, nous savons bien qu’il ne pourra rien faire d’utile. Ne pouvant échapper à ce qu’il est, une caution sans pouvoir. Juste un exemple, la justice française une des plus pauvres d’Europe, est complètement en faillite, l’avons-nous entendu s’exprimer sur la nécessité absolue et urgente d’augmenter considérablement son budget ? Eh non, parce que là il s’agit d’affronter Bercy, où résident les vrais patrons du système Macron et où effets de manches et aboiements n’impressionnent personne.

On l’entend en revanche plus facilement sur des sujets secondaires jetés en pâture à la polémique, comme par exemple le rapatriement des djihadistes de nationalité française partis rejoindre le terrorisme islamiste au Moyen-Orient, ou son ingérence dans la procédure judiciaire concernant la mort d’Adama Traoré.

Djihadistes criminels : tout le monde à la maison !

Soucieux de complaire au mainstream et de s’attirer les bonnes grâces des belles âmes des beaux quartiers nous rebattant les oreilles avec ce sujet, il demande le rapatriement des djihadistes français partis apporter la mort au Moyen-Orient, et avec comme seul argument, le fait qu’ils soient français. Au-delà du caractère indécent et provocateur de la posture, cette demande est complètement irrecevable, et pour plusieurs raisons :

•            Tout d’abord la moindre des choses serait de respecter la souveraineté des États sur le territoire desquels les exactions ont été commises. Car c’est à eux qu’il appartient de donner à ces crimes les réponses prévues par leurs règles. La France n’a pas à s’ingérer et à donner des leçons de morale permanentes à des pays qui ont subi l’horreur, et dont la politique française, en particulier celle menée par Hollande est en partie à l’origine. Donc, modestie, respect de la souveraineté, et absence de ce paternalisme vaguement raciste seraient souhaitables.

•            Ensuite, l’État français doit protection à ses ressortissants, mais cette protection ne consiste pas à les exonérer de leurs responsabilités vis-à-vis des pays dont ils ont violé les lois. Les consulats et les ambassades peuvent et doivent apporter une aide matérielle, mais en aucun cas s’ingérer dans les compétences d’états souverains.

•            Ensuite toujours, il est possible de négocier avec des états des traités bilatéraux, qui permettent de faire exécuter en France des peines décidées dans un État étranger. C’est ce qui est arrivé à Bertrand Cantat condamné en Lituanie et qui a exécuté en France une partie de la peine après que celle-ci eut été infligée par le tribunal de Vilnius. Ce n’est pas le cas avec les pays concernés.

•            Ensuite toujours, on peut certes juger en France des nationaux pour des crimes commis à l’étranger. Dès lors que le criminel recherché est sur le territoire national, et en application du principe que l’on n’extrade pas les nationaux, la justice française est alors compétente. C’est ce qui est arrivé à Éric Robic, français, et Claude Khayat, franco-israélien, deux chauffards qui avaient renversé et tué une jeune femme sur un passage protégé à Tel-Aviv avant de s’enfuir pour retourner en France.

•            Ensuite toujours, la demande de rapatriement formulée par Éric Dupond Moretti qui n’a donc aucun support juridique, nécessiterait obligatoirement négociations et contreparties parfaitement opaques pour la remise à l’État français de ces nationaux. Qui par leurs actes et leurs déclarations se sont posés en ennemis de leur pays. Que l’État fasse tous les efforts, y compris financiers, pour essayer de faire libérer des otages innocents c’est une chose, mais il n’est pas envisageable de demander la même chose aux Français pour ceux qui leur ont déclaré la guerre.

•            Enfin, même si par extraordinaire et à l’encontre de ce que souhaite manifestement l’opinion publique, des tractations inavouables permettaient ce rapatriement, ceux qui se sont rendus coupables de crimes à l’étranger ne pourraient pas être jugés dans des conditions conformes aux principes constitutionnels français et aux conventions internationales que nous avons signées. Le droit au procès équitable est un principe fondamental, qui nécessite une identification claire des faits, afin qu’accusation et défense aient des armes égales pour en établir la vérité judiciaire, aboutissant à une décision légitime. Ce droit au procès équitable vaut bien sûr pour la défense mais également pour l’accusation qui représente rappelons le, les intérêts du peuple français. Comment imagine-t-on que l’on puisse établir une réalité factuelle pour des faits qui se sont déroulés dans des circonstances exactes que l’on connaît si peu ? Dans quelles conditions de sérénité et de sécurité intervenants et témoins pourraient-ils être sollicités ? Le renvoi dans la nature des criminels ne serait pas évitable.

Il n’y avait rien de plus urgent, Monsieur le Garde des Sceaux ?

Adama Traoré, saint et martyr

Le deuxième sujet est relatif à l’étonnement manifesté par Éric Dupont Moretti devant le fait qu’Assa Traoré, partie civile dans la procédure ouverte à la suite de la mort de son frère, n’ait pas encore été reçue par les juges d’instruction. Rejoignant en cela la complaisance de son prédécesseur place Vendôme et les délires de Castaner prédécesseur de Gérald Darmanin inventant la loi républicaine à géométrie variable, dès lors que l’on manifeste son soutien à la pègre des quartiers. La première observation concerne le fait que, les juges d’instruction entretenant les rapports prévus par la procédure avec les avocats de la partie civile, n’ont jusqu’à présent aucune obligation légale de ce type. La deuxième pour rappeler que depuis quatre ans le comité Adama Traoré avec la sœur du disparu à sa tête a passé son temps à insulter les magistrats, les prétendant partiaux et soumis à la raison d’État. Ce qui n’est peut-être pas la meilleure façon de solliciter une audition.

Mais ne pourrait-on pas se dire aussi que le ministre de la justice aurait été bien inspiré d’être modeste et de ne pas apporter de l’eau au moulin de tous ces journalistes, tous ces élus, tous ces manipulateurs, qui font passer un criminel pour le martyr innocent d’un crime raciste de la gendarmerie française. Parce que dans toute cette affaire il y a quand même quelque chose de stupéfiant c’est de voir des gens de plus ou moins bonne foi s’accrocher à un mensonge et une imposture dont l’évidence saute aux yeux. Assa Traoré et les militants qui l’entourent relayés par des dirigeants politiques, des parlementaires, des élus, des journalistes, prétendent qu’Adama Traoré a été interpellé parce que noir, c’est faux. Qu’il a été tué par les gendarmes parce que noir, cela n’est non seulement pas établi, mais les dernières investigations disent le contraire. En particulier, le témoignage réclamé par la partie civile d’une personne déjà entendue au début de l’enquête, et dans l’appartement duquel Traoré réfugié a été arrêté. Et qui n’a fait que confirmer sa première déposition, à savoir que le fugitif était déjà dans un très mauvais état après sa course et avant même l’arrivée des gendarmes. Déçue, la partie civile a immédiatement déposé plainte contre lui pour faux témoignage…

Assa Traoré, présente ses frères délinquants comme des victimes, les qualifiant de « prisonniers politiques ».  Casiers judiciaires aidant, on sait ce qu’il faut penser de cette présentation. Mais ce qui est plus intéressant, c’est alors qu’on était confronté à de la délinquance crapuleuse du genre « extorsion de fonds sur personne vulnérable, violences volontaires, menaces de mort, tentative de meurtre », le palmarès vient de s’enrichir d’une qualification d’un autre calibre.

Adama Traoré avait fait l’objet d’une plainte pour viol d’un de ces anciens co-détenu. L’instruction n’a pu avoir lieu, du fait de son décès l’action publique étant éteinte. En revanche, le frère de Traoré et un de ses amis se sont emparés du plaignant et lui ont fait subir des violences pour lesquelles ils ont été condamnés, excusez du peu, à 18 mois de prison ferme. Mais le plus intéressant, est la décision rendue en mars dernier par la Commission d’Indemnisation des Victimes (CIVI) qui en matière d’infractions pénales se substitue aux coupables pour indemniser les victimes en faisant l’avance sur fonds publics des dommages intérêts. À charge pour elle de se retourner contre le responsable ou ses ayants droits pour les récupérer. C’est ce que la CIVI, saisie par l’ancien codétenu plaignant, a fait en rendant une décision considérant les faits comme établis ce qui permettait de l’indemniser du préjudice subi du fait du viol. Nous avons donc la décision d’une instance juridictionnelle qui dispose de l’autorité de la chose jugée et qui a tranché la question de la réalité de l’infraction : « la matérialité des infractions d’agressions sexuelles dénoncées doit être considérée comme établie ». Ce n’est pas une reconnaissance de culpabilité, seule la juridiction pénale le peut, mais c’est en revanche une reconnaissance de l’existence des faits.

On ajoutera que la CIVI a également décidé d’indemniser la jeune victime, toujours sur fonds publics, pour son passage à tabac par le frère d’Adama, qualifié par le procureur au moment de l’audience correctionnelle de « sauvage agression ».

Il y a parmi ceux qui s’acharnent à relayer le mensonge visant à faire passer une fratrie lourdement délinquante pour des combattants de la liberté, des gens qui sont hélas de bonne foi mais désormais inaccessibles au réel. Mais parmi les politiques élus et militants, il y a nécessairement ceux qui savent très bien ce qu’ils font. Nullement effarouchés par la manipulation, pensant que leur intérêt est de s’appuyer sur cette pègre, ils la soutiennent, la laissent prospérer et veulent qu’on lui abandonne les quartiers populaires et ceux qui les habitent.

Éric Dupond Moretti n’appartient peut-être à aucune des deux catégories, mais cette volonté de paraître et de prendre la pose sur ces sujets ou la discrétion s’imposait, en dit long sur l’impasse politique dans laquelle nous allons risquer de rapidement nous trouver.

Source: Vu du Droit. 23 juillet 2020.

Régis de Castelnau

Avocat et auteur de plusieurs ouvrages dont Pour l’amnistie en 2001, Régis de Castelnau anime le site Vu du Droit et publie chez Causeur entre autres.

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