René Seror. Les Juifs en Tunisie. Chapitre 2. “Sous la domination romaine”

A l’époque du second temple, les Juifs sont bien épandus dans tout le nord de l’Afrique.

Certains en Égypte, d’autres en Cyrenaique.

A Carthage, ils occupent une position brillante et leur nombre augmente par une arrivée de Juifs qui viennent de Rome.

Établis à Rome depuis longtemps, ils suivaient les convois reliant la “capitale du monde” avec son nouveau grenier.

Depuis la conquête de l’Afrique par les romains, les Juifs établis et groupés autour des synagogues se retrouvent tout le long de l’Afrique du Nord, depuis la Pentapole jusqu’aux confins du Maroc.

La Pentapole dite Pentapole byzantine est un duché italien de l’empire byzantin qui regroupe les villes d’Ancône, Fano, Pesaro, Rimini et Senigallia.

L’historien Flavius Josèphe, auteur de Antiquités judaïques, nous a transmis une ordonnance de l’empereur Auguste, adressée au gouverneur de Libye et parlant des Juifs demeurant en cette province.

On comprend par les termes de cette ordonnance qu’ils étaient établis dans plusieurs villes, où ils étaient organisées autour de synagogues, ayant leurs institutions, ce qui dénote un établissement déjà ancien.

On a retrouvé à Tripoli une inscription sur marbre selon laquelle les israélites de Bérénice, l’actuelle Benghazi, adressent leurs remerciements à Marois Zitoumir, Gouverneur de la Province.

Les archéologues évaluent cette inscription à plus de cent ans avant la destruction du second Temple.

Agrippa 1er, dernier roi juif de Judée

Il existe divers rescrits des empereurs romains relatifs aux Juifs, entre autres celui d’Agrippa, en faveur des israélites de la Cyrenaique, daté de 14 avant l’été vulgaire, soit 84 ans avant la destruction du Beth Hamikdash, et bien d’autres du même type en faveur des Juifs de la province d’Afrique.

Une avenue de Jérusalem porte le nom de l’Empereur Agrippa.

Avenue Agrippa, Jérusalem

Les fouilles entreprises par les troupes françaises, en divers points de la Tunisie, ont fourni des preuves de la présence de Juifs dans ce pays depuis la Haute Antiquité.

Lors de travaux de terrassement, en février 1883, à Hamam Lif, on a retrouvé un monument composé de 3 parties: un portique, une salle et une alcôve, le tout dallé,  en mosaïque, parfaitement conservé. Dans chaque mosaïque était tracée une inscription.

On peut affirmer par l’interprétation des ces inscriptions que le monument ainsi découvert était une synagogue et que l’alcôve représente l’Ekhal, emplacement réservé aux Sifré Thora.

Avant l’apparition du christianisme, les Juifs étaient établis depuis longtemps dans le pays. Ils étaient parfaitement organisés avec leurs chefs, leurs synagogues. Ils célébraient leur culte en commun et formaient des assemblées, ayant leurs administrations propres et leur part d’influence dans les affaires de la Cité.

La prise de Jérusalem par Titus et la diaspora qui suivit augmente de façon considérable le nombre d’israélites de la province d’Afrique. 

Les romains, suivant l’exemple des égyptiens, des assyriens… déplaçaient les populations d’un pays conquis à un autre.

Quand, en 146 avant JC, ils détruisirent Carthage, regrettant l’ancienne splendeur de la capitale de l’Afrique, ils voulurent la repeupler.

Ils amenèrent une grande affluence de population d’Asie et même d’Europe.

A la prise de Jérusalem, de nombreux Juifs furent déplacés sur Carthage par douze bateaux.

Ces captifs trouvèrent sur place des coreligionnaires qui les rachetaient, les secouraient et les intégraient.

Ainsi les communautés juives d’Afrique devinrent prospères et au II ème siècle de l’ère vulgaire, elles sont les égales des plus nobles habitants du pays.

On racontait l’histoire suivante: Carcalla, fils de Septime Sévère, jouait avec un enfant juif. Celui-ci lança une pierre à l’enfant romain. On s’apprêtait à punir l’enfant juif. Carcalla se mit à pleurer. Il ne voulait pas qu’on punît son ami.

Quelques années plus tard, le jeune romain, accompagné de son père, demande au Sénat romain de remettre au jeune Juif un trophée judaïque pour avoir calmé une révolte.

Leur influence religieuse était grande et les prosélytes affluaient tant en Afrique qu’à Rome, au point que les gouverneurs intervenaient pour stopper le mouvement.

Quand les premiers chrétiens sont apparus à Carthage, les autorités les confondaient avec les Juifs.

On marqua la distinction.

On accusa les Juifs d’être responsables de plusieurs martyrs.

Ce ne fut jamais prouvé.

La situation prépondérante qu’occupaient les Juifs en Tunisie ne leur faisait pas oublier le sort de leurs frères en exil, en terre sainte et en Babylonie. Ils leur envoyaient régulièrement des secours. Les plus courageux leur rendaient visite.

Quelques-uns étudiaient les Écritures Saintes et le Talmud se réfère souvent aux Rabbins de Carthage: nous trouvons souvent dans le Talmud la mention”CARTAJA” à côté du nom d’un Rabbin. Rav Hana, Rabi Hanania et Rabi Hananel voient leur nom toujours suivi de la mention Cartaja, à la façon d’un nom de famille.

A mesure que la communauté chrétienne se développe en Afrique, elle voit son influence grandir et celle des Juifs diminuer: Les pères de l’église s’acharnent et commencent alors les persécutions. Les divers conciles tenus à Carthage, au début, s’efforçaient de détacher les chrétiens des Juifs. Ils leur interdisaient de se rendre dans les synagogues. Puis ce furent les mesures vexatoires que les romains appliquaient et sanctionnaient.

Marcus Fisher, un érudit allemand, a consacré une grande partie de sa vie à rechercher des documents anciens se rapportant aux israélites ayant habité le nord de l’Afrique.

Ses recherches couvrent l’époque de la destruction du second Temple jusqu’à l’établissement de la domination arabe.

Le résultat de ses recherches a été publié dans un petit volume, intitulé Toldot Yechouroun et édité à Pest en 1817. L’auteur cite ses sources: Ibn Khaldoun, Léon l’Africain…

Il détaille les institutions, les mœurs, le mode de vie…

Ces sources sont très sérieuses et certains faits rapportés sont attestés par d’autres documents, aujourd’hui introuvables.

Fisher rapporte ce que nous écrivions plus haut.

Il confirme ce qu’écrit Flavius Josèphe.

Lors de la destruction du Temple par Titus en 70 après JC, une grande quantité de Juifs furent déplacés vers les provinces d’Afrique.

Certains choisirent l’agriculture, d’autres l’élevage du bétail.

Nota: des vestiges de ces tribus d’agriculteurs et d’éleveurs étaient visibles en Tunisie, fin du 19 ème siècle.

On rencontrait des tribus juives nomades vivant sous la tente. Elles étaient mêlées aux tribus musulmanes en diverses régions.

1- du côté de Gabès, avec les Drid

2- près du Kef, les Hanancha.

3- autour de Beja, les Khoumir.

Ces tribus nomades existaient en Tunisie depuis la très haute antiquité.

Plusieurs écrivains confirment leur présence depuis le VIIIème siècle avant l’ère vulgaire.

Nous verrons plus tard le rôle qu’elles ont joué lors de la conquête musulmane.

Revenons au récit.

Les nouveaux venus, 70 ans après JC, ne furent pas reçus par les Juifs anciennement établis sans une certaine méfiance.
Les anciens avaient leurs lieux de prières dans les villes, alors que les nouveaux devaient souvent prier dans les champs, souvent en cachette.
Cependant, tous observaient les lois mosaïques. Repos du Shabbat, absolu.
Viande de porc interdite. Jours de fête identiques.
En un mot, les principes fondamentaux de la croyance juive étaient communs.

Les différences!
Les uns parlaient la langue du pays, les autres le chaldéique.
Les uns voulaient fréquenter les romains et et se faire accepter d’eux, les autres les détestaient: ils voyaient en eux les destructeurs de leur Temple et de leur identité. Ils les détestaient mortellement.

Différence de pratiques.
Les plus anciens ne connaissent que les principes sommaires de la Bible.
Les nouveaux, imprégnés du grand mouvement qui avait été imprégné au culte judaïque vers la fin du second Temple, avaient donné à leur croyance et à leurs pratiques une tournure qui, sans être Talmudique, s’en rapprochait considérablement.
Les israélites installés de longue date craignaient de mécontenter les romains.
Ceux qui arrivaient leur avaient livré une guerre acharnée et  sans répit.

Quelques divergences notables.
Les plus anciens observaient scrupuleusement les fêtes mais ignoraient le
Yom Cheni Chel Galouyot.
Les jeunes gens jouaient de la musique le second jour de fête.
De là vient sans doute l’habitude en Tunisie d’observer la fête, mais de cuisiner, d’allumer et éteindre.
Ils connaissaient Hanouka mais ignoraient Pourim.
Afin de conserver la pureté des mœurs, on mariait les jeunes gens très tôt.
16 ou 17 ans pour les garçons.
13 ou 14 ans pour les filles.
On divorçait aussi.
Quand une femme avait divorcé 2 fois, ou avait été veuve à 2 reprises, elle ne se mariait plus. Son surnom était alors “tueuse de maris”

LES JUMEAUX
Quand une femme mettait au monde deux garçons, on les nommait Pérès et Zerah.
Deux filles étaient nommées Sarah et Rivka.
Les faux jumeaux, c’était Itshak et Rivka.
L’enfant né le jour de Kippour était l’objet d’une vénération spéciale.
Les lois du deuil sont les mêmes qu’aujourd’hui, sauf qu’en ce temps-là, les endeuillés ne se chaussaient pas 3 jours durant.
Les hommes étaient sobres et très soignés dans leur tenue. Ils portaient de beaux vêtements et des bijoux.
Ces descendants des tribus de Judah et de Benjamin ont attirés l’attention des historiens, ce qui n’était pas le cas des premiers zebulonites.
Nous ignorons tout du nombre qui fut déplacé. Les sources sont nombreuses et elles se contredisent.

Faisaient-ils des sacrifices dans les champs où ils adoraient D. ?
Avaient-ils des Cohanim, des Leviykm?

Leur manière de vivre différait de celles de leurs voisins!
Toutefois, travailleurs courageux et habiles, ils n’ont pas tardé à se tailler une place et acquirent une certaine influence.
Cependant la domination romaine leur pesait: Ils voyaient toujours en Rome le destructeur du Temps et de la Nation.
Aussi, prenant conseil auprès du gouverneur Boniface, ils firent appel, en 429, aux vandales d’Espagne conduits par Genseric.

A Suivre: Chapitre 3. SOUS LA DOMINATION DES VANDALES ET DES GRECS.

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1 Comment

  1. entre la Libye et la Tunisie, il y a les Monts Ghoumrassen et il existe encore une jolie ville Ghoumrassen que j’ai visitée. Avec l’aide de 2 personnes tunisiennes qui vivaient dans cette ville, ils m’ont accompagnée jusqu’q le Djebel El Youd, en bas une petite mosquée et le Haj nous a montré la montagne. J’y suis montée accompagnée de ces 2 personnes( un tenait le commissariat de police…) et nous avons trouvé des troglodytes avec des sortes de lits en pierre pour y dormir….( A visiter, quand vous irez a Djerba, en y allant, je suis passée par Tataouine et par Haddad- le nom vous rappelle t il une famille???)

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