René Seror. A la Ghriba, par Félix Allouche

SOUVENIRS. LA GHRIBA. J’aimerai vous parler de quelques figures qui ont fait de la Tunisie, une  terre accueillante et agréable à vivre. La première figure que je souhaite mettre à l’honneur est FELIX ALLOUCHE. Né à Sfax en1901. Décès à côté de Tel-Aviv en 1978. Grand journaliste, fondateur de la dépêche sfaxienne. Vous trouverez sur Wikipedia un portrait très complet. J’ai retrouvé’ dans mes archives, un texte de Felix ALLOUCHE, qui raconte le pèlerinage de La GHRIBA. Voici ce texte, reproduit fidèlement, mot à mot. 

Félix Allouche

A LA GHRIBA, Avec les pèlerins. 

Par la GHRIBA. Ce serment, qui en Tunisie ne l’a entendu au moins une fois?

Serment terrible qui cloue la bouche aux plus discuteurs… Car, en vérité, il ne peut venir à l’esprit de nos braves Juifs qu’on soit assez fou pour le prendre en vain. Les conséquences d’un tel blasphème seraient d’ailleurs terribles. 

Pensez donc, la GHRIBA de Djerba est si aimée de D.ieu. Ses miracles ne se comptent plus. Que de malades y sont allés prier qui sont revenus guéris, que de femmes sans enfants ont eu un garçon l’année même qu’elle l’ont visitée…

Une des plus vieilles synagogues, sinon la plus vieille de Tunisie, la Ghriba jouit d’une réputation indiscutée. Chaque année, des milliers de pèlerins se rendent à sa fête qui a lieu à l’occasion de Lag-Baomer, soirée dédiée à Rabbi Shimon Bar-Yohay. De Tripolitaine, d’Egypte, d’Algérie et du Maroc, on vient à cette fête. 

Les plus riches abordent Djerba par le détroit qui sépare cette île du continent. D’immenses bacs les prennent avec leurs automobiles et les amènent de l’autre côté. C’est un va-et-vient ininterrompu durant toute la semaine qui précède  la fête. Les bateliers font des affaires d’or à transporter les luxueuses limousines et les taxis de louage. 

Pendant ce temps, à l’autre bout de l’île, débarquent ceux qui, par économie ont préféré risquer la traversée par mer. Le coup d’œil le plus pittoresques est de ce côté. 

Embarqués à Sfax à la nuit tombante, entassés comme du bétail sur le pont, avec le marchandises les plus diverses, les pèlerins arrivent souvent après un voyage très dur, exténués mais heureux.

Dans les pires tempêtes, ils ne désespèrent pas, certains que la Ghriba veille. 

J’ai fait la traversée avec eux. Ah! Le singulier voyage. Sous le beau ciel étoilé, notre mahonne (bateau) roulait comme un homme ivre. La mer était pourtant calme et une légère brise gonflait les voiles.

La mahonne est un chaland principalement à rames et gréement amovible, de grandes dimensions

Dans la nuit, sur le pont, on ne distinguait que des formes imprécises. Silence complet. Les matelots étaient dans un coin à jouer à la Skoubba sans parier, éclairés par une lanterne en fer blanc, toute cabossée. Les pèlerins ne bougeaient pas. De temps en temps un enfant pleurait et sa mère le consolait. 

Pour ces juifs, le voyage, si court fût-il, était toute une affaire. Serrés les uns contre les autres, ils attendaient angoissés, malgré leurconfiance en la Ghriba tout puissante. 

Aussi quelle joie quand le soleil rougeâtre de l’aube leur permit de voir au loin les côtes de Djerba. Ils se levaient en tumulte, poussant des cris, se bousculant. Ils allaient tous, du même côté du bateau, ce qui faisait râler le propriétaire Kerkenien. 

Chacun avait lavé près de lui ses bagages. La marée était basse et malgré son faible tirant, la mahonne ne pouvait atteindre la terre. 

Des canots vinrent de l’île prendre les passagers, un à un, moyennant quelques francs. 

Enfin nous voilà à Houmt-Souk. Des autobus nous conduisent au caravansérail de la Ghriba.C’est un immense bâtiment, entouré de petites chambres, où l’on tient à peine à 4 debout. Le comité de la GHRIBA les loue pour la durée du pèlerinage. Elles sont tellement demandées que, souvent ils y mettent 2 et même 3 familles. 

Le caravansérail est fourni en tout. Restaurant, café, pâtissier, bazar, librairie. On y trouve ce que l’on désire. Et pas cher, il faut le reconnaître. 

Chaque soir, dans la grande cour intérieure, un concert est donné par les pèlerins, sans aucune rétribution. Mais ce n’est là qu’un apéritif, si j’ose dire! Une entrée en matière. 

La véritable fête a lieu à la synagogue même, le soir de Rabbi Shimon et la journée qui précède. 

Dans le temple, magnifiquement illuminé, tout tendu de tapis et d’étoffes précieuses, constellé de lampes d’or et d’argent, dons des fidèles, des vieillards aux barbes patriarcales chantent les psaumes, pendant que la foule, sans cesse renouvelée, écoute avec recueillement. 

Cette foule est composée d’individus de toutes les religions. Juifs, mais aussi musulmans, qui sont parfois plus nombreux.

Pour eux aussi la GHRIBA est vénérable et mérite le respect. Ils sont souvent les plus empressés à faire des dons. 

La fête dure jusqu’au matin et se conclut par la prière. La veille, dans l’après midi, une procession, composée de milliers de personnes, est allée chercher à la HARA SHHIRA la MENORAH d’or et d’argent qui  n’est sortie qu’une fois l’an. 

Sous le chaud soleil, tout le monde crie, chante, s’interpelle. Pour avoir l’honneur  de porter la MENORAH sur 10 mètres, on paie 200 francs, souvent plus. A travers la foule bigarrée, où les soies des vêtements féminins et l’or des coiffes djerbiennes mettent des tâches claires, rutilantes, des quêteurs passent, agitent des tirelires.

Chacun donne ce qu’il peut. J’ai vu des mendiants recevoir d’un côté et donner de l’autre. 

Enfin, c’est le retour. La fête est terminée. Les barques et les autos ont ramené chez eux, tous ceux qui sont venus fêter la GHRIBA. Le caravansérail, qui résonnait depuis plusieurs jours d’une vie si intense, est maintenant désert. 

Seule, dans la synagogue, la voix chevrotantes des vieillards, liseurs de psaumes, rompt le lourd silence de la campagne environnante. 

Une année durant, la GHRIBA ne connaîtra pas d’autre liesse, une année jusqu’au prochain LAG- BAOMER.

NOTE DE BERNARD LEVERT: En 1997, j’animais une partie d’une grande soirée, HILLOULA DES « 7 fils de SBERRO) à SAFI au Maroc. 2 potiers (la poterie est l’activité principale de SAFI, comme à Nabeul, avec la pêche) se sont affrontés pour des milliers de dirhams, lors d’une vente aux enchères. Ils ont été battus par une tierce personne, mais ont donné les sommes annoncées lors des enchères.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*