Le témoignage d’un médecin tropicaliste sur la chloroquine

Et dire que nos politiques ont tout fait pour tuer la médecine militaire, pragmatique et désintéressée… En face, des institutions bien assises et juteuses qui n’acceptent pas la contradiction, comme l’AP-HP que nous avons hélas connue il y a une dizaine d’années avec une petite fille atteinte d’un virus inconnu et hospitalisée 3 mois à Necker et 2 fois en réanimation, sauvée in extrémis par un jeune médecin qui a osé affronter son mandarin en appliquant un traitement innovant déjà en œuvre dans un autre hôpital parisien… Quel affront pour cette sommité de la science devenue inconsciente …

Pour vous faire une idée sur un traitement qui vient d’être autorisé ou testé… sur 800 malades en France, après un temps de flottement, c’est un euphémisme. Voici l’avis d’un ancien médecin des Troupes de Marine, qui a passé une bonne partie de sa vie en Afrique et en Amérique du sud, au contact de la chloroquine, là où les occasions de sauver des vies sont quotidiennes…

Chloroquine, je t’aime moi non plus….

J’ai une longue histoire d’amour et de haine avec la Chloroquine. Elle débute dans les années 1981, sur les bancs de l’Institut de Médecine Tropicale du Service des Armées, le Pharo à Marseille. Cet institut est pour moi le parangon des écoles de formation à l’exercice de la médecine tropicale. Pendant un an, c’est le dur apprentissage de toutes les maladies exotiques, les soins de santé primaire, l’épidémiologie, la chirurgie d’urgence, la chirurgie de la lèpre, avec à l’issue un concours très sélectif.

Le paludisme est l’un des sujets les plus étudiés, il est vrai que la maladie est bien connue dans cette école de santé militaire, le découvreur du parasite et prix Nobel étant l’illustre médecin militaire Alphonse Laveran.

Très indiscipliné, un peu blagueur, j’étais dans le collimateur d’un des professeurs de médecine tropicale et bien sûr le jour du grand oral, il m’interroge sur un sujet tortueux et improbable. Je m’en souviens encore, car ma note injuste et vengeresse de 5 sur 20 m’avait profondément humiliée. « Action protéolytique de la Chloroquine au niveau intra-érythrocytaire sur plasmodium falciparum » – excusez du peu. Ma carrière de médecin tropicaliste commençait à peine et la chloroquine m’avait déjà fait mal.

C’est lors d’une mission en tant que médecin du fleuve Maroni en Guyane que je rencontre pour la première fois Dame Chloroquine. Notre rencontre fut catastrophique, non pas sur le plan physique, car finalement d’un aspect classique, un peu pâle peut-être et à la rondeur maigrichonne, mais alors son goût, quelle merde !

C’est une expérience inoubliable d’avoir en bouche, Dame Chloroquine , tant son goût est immonde, certainement le plus horrible que j’ai eu la malchance de rencontrer, son amertume caustique et sa saveur acerbe mériteraient le déclassement immédiat des trois étoiles de notre ami Goujon à Fontjoncouse et la prison pour attentat à la saveur. J’ai mis plusieurs années à comprendre pourquoi, cette saveur immonde, poacre et nauséeuse faisait fuir le commun des mortels : empêcher son absorption en plus grande quantité, car Dame Chloroquine tue et assassine quand elle est avalée en excès.

C’est aussi une expérience inoubliable d’avoir à soigner, traiter et soulager fièvre et sueur, frissonnement et frémissement, tremblement et tressaillement avec quelques comprimés de Dame Chloroquine que l’on nommera maintenant de son vrai nom Nivaquine, un nom plus féminin et donc plus doux. Médicament miracle du « grand sorcier blanc », il l’a été alors, et à Apatou, à Gran Santi, à Maripasoula, à Saul, les tribus d’indiens Wayanas ou Emerillons, les « Noirs Marrons » du Surinam n’avaient d’yeux, non pas pour le Doliprane, non pas pour le Lexomil, mais simplement, que pour le cachet magique du « grand sorcier blanc » que j’étais alors.

Une transpiration frissonnante et frémissante et, vite, un traitement de 5 comprimés 5 cinq jours de Nivaquine et fini les maux insupportables dans les suites immédiates. Quelques mois de pirogues sur les eaux tumultueuses du fleuve tempétueux à distribuer ces presque bonbons blancs ont marqué mon début d’un amour sans fin pour ce que qu’ils avaient : un pouvoir miraculeux sur les hommes tremblant en chaude inconfort pour certain ou malédiction tremblante du Dieu Nature pour les autres.

L’histoire continue sur un autre continent. La belle et imprévisible Afrique, où pendant plusieurs années le « grand sorcier blanc » va sévir en Côte d’Ivoire et constater toujours le pouvoir magique de Mme Nivaquine. Hélas, une diminution de ses capacités à détruire le méchant parasite, transmis par un méchant moustique femelle buvant le sang des hommes afin de nourrir ses œufs, apparaît. Dame nature qui n’a jamais aimé la contradiction et jalousant certainement un succès qu’elle jugeait imméritée va tout faire pour casser le pouvoir prodigieux et prestigieux de Mme Nivaquine. C’est ainsi que nous assistons au mariage de Dame Chloroquine et de Sieur Proguanil, s’appelant maintenant et communément Savarine. A deux, il est plus facile de lutter contre ce méchant parasite qui tue toujours et anéanti encore.

Néanmoins, Mme Nivaquine exerce toujours une immense emprise sur les peuples ivoiriens, Baoulé ou Bété, Sénoufo ou Malinké, Dan ou Dida, et beaucoup d’autres peuples. Elle sert d’ailleurs souvent d’échange coutumier ou de monnaie, tant au marché de Bouaké ou de Korhogo que sur les contrôles policier ou douanier « Bakchich ou plutôt don charitable pour ne pas dire corruption ».

Mais Dame Chloroquine, je t’aime moi non plus, car tu tues aussi, tu butes, tu fusilles, car poison tu es et poison tu resteras. Combien sommes-nous médecins tropicaux ou sous les tropiques à avoir constaté intoxications mortelles volontaires ou accidentelles à la tant aimée Nivaquine. J’ai toujours en mémoire cette enseignante, jolie dame à la quarantaine enjouée, sereine et épanouie, qui par un geste d’appel à une souffrance de cœur, a avalé une dizaine de comprimés, comme elle aurait pris une dizaine de Lexomil. Sa fin fatale sous mes yeux attristés en regard des siens implorant son sauvetage, puis mes mains massant son cœur arrêté par la faute de Dame Chloroquine m’ont terriblement touché. Dame Chloroquine je t’ai haï alors.

Les années passent et les missions en Afrique perdurent et du Tchad au Gabon, du Congo au Mali de la Centre-Afrique au Sénégal, du Burkina au Cameroun, le pouvoir de Dame Chloroquine est toujours intact pour leurs peuples pauvres et disetteux et combien de fois le « grand sorcier blanc » d’une main généreuse et un peu voleuse de l’état français distribuait de sa propre dotation le cachet miracle, comme les publicitaires du Tour de France distribuent les gadgets pour les enfants et les grands enfants.

Médecine généreuse sans aucune efficacité sur les formes graves de paludisme tant la résistance à la Chloroquine en Afrique est grande, je l’ai pratiqué année après année et je continue à penser que la Chloroquine par son prix dérisoire a aidé des millions d’êtres humains à se protéger d’une maladie loin d’être plus meurtrière et assassine que notre CoVID -19 (220 millions de malades et 400 000 morts par an), mais cela est une autre histoire.

Maintenant en ces jours difficiles, un nouveau combat débute contre une force terriblement folle, insidieuse et cauteleuse. Contrairement au paludisme qui est une maladie transmise par un ennemi visible, le moustique se prénommant Anophèle, injectant un parasite le plasmodium, l’infection à COVID-19 est particulièrement perfide et insidieuse. Son virus est transporté et diffusé par quelques milliers de minuscules gouttelettes de salive que l’on nomme Flügge, nom aussi barbare que le virus qu’elles transportent. Celles-ci se déposent partout et dès qu’elles pénètrent à travers les voies aériennes nez, bouche et œil (par le canal au doux nom de lacrymonasal), les poumons vont se défendre corps et âme contre cet hôte indésirable, car terriblement agressif sur ses alvéoles.

Et alors, et alors? Hé, Hé la chloroquine est arrivée éée!

Non elle est plutôt revenue.

Que de débats, de positions, de bla-bla sur Dame Chloroquine.

Et voilà que revient un nom, le Professeur Didier Raoult. Je le connais un peu depuis longtemps (1981) et de loin car croisé lors de nos études en médecine tropicale à Marseille. Puis quelques cas de rickettsioses dans les suites de ma carrière m’ont mis en rapport avec lui. Par la suite, j’ai toujours suivi intellectuellement sa carrière, formidable au demeurant, son curriculum par ses publications est probablement le plus imposant en quantité de la vie médicale. Je l’ai suivi ces dernières années par ses articles sur le journal Le Point et ses prises de position à l’encontre de beaucoup d’idées reçues comme l’utilisation à contre-courant des antibiotiques à titre systématique, son doute affirmé devant le réchauffement climatique et ses conséquences, voilà ses deux plus connus contrepieds à la « Neymar ». J’ai été aussi très heureux que ma fille fasse son internat dans son service à la Timone et ait comme meilleures amies ses proches collaboratrices.

Un seul mot sur lui, « Grand sorcier blanc » : « atypique » point à la ligne.

Et alors, et alors : que faut-il en penser de Dame Chloroquine ?

Il ne faudra pas s’étonner que des dizaines d’années de médecine de guerre et de médecine tropicale m’ont convaincu que le maitre mot dans ce type d’hécatombe mortelle et funeste est le pragmatisme. OUI à l’utilisation de la chloroquine sous COUVERTURE SPECIALISEE.

OUI, Il faut donner la CHLOROQUINE au bon moment, jamais tout de suite. Car sa fonction anti-inflammatoire est préjudiciable en début d’infection (action sur les cytokinines et l’interféron). Laissons donc nos propres défenses immunitaires gagner le combat. Mais à partir du moment où elles sont dépassées, là où l’inflammation explose et dépasse sa simple fonction de défense, il faut agir. C’est au moment où les premiers signes d’atteinte pulmonaire au scanner apparaissent, que l’on peut (doit ?) donner cette ancienne potion magique. Ceci découle du plus simple pragmatisme en période de guerre et d’extrême urgence sociétale. C’est celui du petit « grand sorcier blanc » retrouvé.

A titre personnel, comme beaucoup de médecins, je suis paré à me traiter dès les premiers signes objectifs d’atteinte pneumonique, mais pas avant. JAMAIS A TITRE PRÉVENTIF au moindre rhume, toux ou fièvre.

Voilà la position d’un médecin de terrain, d’un petit gradé dans la hiérarchie de la médecine exerçant loin des salons feutrés où la médecine se chuchote et a besoin de multiples et complexes ordinateurs, longues études étendues et courbes diverses. J’ai appris de Mopti à Bobo-Dioulasso, de Grand Bassam à Bouaké, de Korhogo à Brazzaville, de Bangui à Ndjamena, de Moundou à Bardai, de Tchibanga à Maripasoula, de Camopi à Grand Santi, et de mon petit cabinet de Carcassonne, que Dame Chloroquine à dose adaptée n’est pas dangereuse et pourquoi pas, comme mon illustre Maître et Confrère Didier Raoult, l’utiliser à bon escient, au bon moment, à la bonne dose et sous la surveillance de spécialistes.

Dame Chloroquine, je t’aime aujourd’hui et je t’aimerai peut-être à l’infini, l’avenir proche, nous le dira…

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Le Doc en mode combat

© Gally pour Dreuz.info.

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6 Comments

  1. Le principe de cet article est ceci : « pourquoi faire court quand on peut faire TRES long ? »

    Car, combien de pages faut-il avaler avant d’avoir la conclusion : « OUI à l’utilisation de la chloroquine sous COUVERTURE SPECIALISEE ».
    Autrement dit, un simple généraliste « de ville » ne serait pas forcément qualifié pour ça.

    Et aussi : jamais de manière prophylactique au tout venant, jamais en début d’infection sachant que l’immense majorité des infectés n’en tirerait aucun avantage, que des risques, et guérirait sans aucun traitement.

    MAIS aussi (ce n’est pas dans l’article mais toutes les sommités, Raoult compris, en conviennent) : jamais au stade ultime des poumons déjà fortement envahis, où c’est inutile, alors que les risques demeurent.

    Bref, ça pourrait être éventuellement utile uniquement à un stade intermédiaire bien limité : la maladie déjà clairement manifestée mais ne nécessitant pas (encore) une hospitalisation.
    Et encore : ne pas espérer des guérisons massives et miraculeuses, alors que les risques sont toujours là.

    Mais alors, on le sait depuis longtemps…

    • Ce n’est pas la panacée mais c’est un protocole de soins et ça vaut mieux que le «  restez chez vous « ou alors «  prenez du paracetamol » pour masquer l’absence de lits médicalisés et d’appareils d’assistance à la respiration . Un médicament connu, pas cher qui permet dans certains cas de s’en sortir, vous n’en voulez pas ? Ou alors vous jouez tous au français arrogant!

  2. A STEPH… Les pages ( comme vous l’écrivez ) n’étaient pas inintéressantes , elles racontent une histoire : Vous n’aimez pas les histoires ? Ce médecin anonyme raconte son chemin avec la nivaquine , un autre monde, d’autres mondes , les progrès , le travail de la médecine militaire et pour lui-même des souvenirs…pourquoi lui en vouloir ?

    • L’auteur signale cela: “J’ai souhaité faire redécouvrir l’avis d’un ancien médecin des Troupes de Marine, que j’ai publié pour la première fois le 30 mars 2020. Il a passé une bonne partie de sa vie en Afrique et en Amérique du Sud, au contact de la chloroquine, là où les occasions de sauver des vies sont quotidiennes…”

  3. Très cher Collègue Anonyme, bonjour,
    Contrairement au premier commentateur, nommé Steph, j’ai eu un immense plaisir en lisant votre article.
    Pour son contenu, et pour sa clarté.
    Steph vous reproche sa longueur ? Quel ingrat !
    C’est qu’il ne réalise pas l’importance du style dans l’écriture.
    En effet, en plus du contenu, très intéressant, j’ai énormément apprécié votre façon de raconter ce que vous vouliez faire connaître : une façon fluide, avec jeux de mots et humour lorsque les faits s’y prêtaient.
    Bravo, Cher Collègue.
    Post scriptum : doué d’un beau style littéraire, il serait dommage que vous vous arrêtiez en si bon chemin.

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