Sarah Cattan. Docteur Erbstein: C’est comme si en temps de guerre, les militaires demandaient des fusils aux chasseurs

Docteur Jean-Jacques Erbstein

Certes, le soir, à vingt heures, ensemble, de partout dans le monde, nous sommes à nos fenêtres. Pour applaudir nos Héros. Nos sauveurs. Comme nous allumâmes des bougies et déposâmes des fleurs, jadis, vous en souvient-il… Aujourd’hui l’heure est grave: nos dirigeants assassins se paient de mots. Et après nous avoir répété en boucle et usant des mêmes éléments de langage que ça n’était rien, ils modulèrent leurs discours, parlant de guerre, assurant qu’ils géraient, se renvoyant mutuellement la faute lorsqu’était pointée leur incurie, leur imprévoyance, leur assassinat de masse.

Car il sera utilisé, ce mot, pour évoquer cette gestion calamiteuse de la pandémie: un cauchemar. Un fort mauvais film. Des guignols à la barre. Et des héros sans arme envoyés au front.

Celui-là est un des leurs.

Responsables ET coupables

Le drame qui se joue sous nos yeux, il n’est que d’écouter parler les médecins et autres personnels soignants pour y croire: Oui, c’est en France, C’est en 2020, C’est sous le Gouvernement Macron, C’est sous le Ministère Buzyn-Véran, mais soyons beaux joueurs: ça commença bien auparavant, et le terrible Responsable mais pas coupable hante encore nos mémoires.

Nous n’allons pas refaire l’historique de la grève des Hôpitaux. Des grévistes au turbin, on n’en voit pas partout: Eux, ils étaient là, grévistes et ne cessant d’alerter. De dénoncer l’indigence scandaleuse de leurs conditions de travail.

Leur Ministre les laissa … choir

Rien n’y fit. Leur Ministre fut même, sans vergogne, capable de les laisser choir pour aller conquérir Paris, quitte à pleurnicher ensuite…

Merci à JosefLee

La réalité, aux côtés de Marc, Jules-François, Pierre, Marie, Léa

Pendant qu’on nous chante soudainement les millions de masques commandés car ceux de la prévoyante Roselyne dont tous se gaussèrent sont … introuvables, pendant qu’on nous annonce qu’il y a du retard, ou encore que le matériel reçu ne serait pas conformes aux normes, nous, le point, nous le faisons aux côtés de médecins de notre connaissance. Débordés. Parfois eux-mêmes malades. Mais répondant “Présents”. Ils s’appellent Marc, Jules-François, Pierre, Marie, Léa. Celui-là, Jean-Jacques Erbstein, mes lecteurs l’ont lu: jadis il se mêla d’écrire et le fit fort bien. Jadis. Avant la pandémie.

Jean-Jacques Erbstein, Docteur à Créhange

C’est lui que nous avons choisi de suivre, aujourd’hui. Car ses propos sont mesurés. Sa colère est fondée. Ecoutez-le:

Pas de masques. Pas de tests. Pas de lits de réa. Pas assez de Doc.Pas assez d’infirmières. Des hôpitaux militaires fermés. Des hôpitaux publics délabrés. Une politique sanitaire désastreuse.

Vous savez qui les sauve, ces médecins ? Les gens. Les gens alentour. Qui envoient aux soignants ce que eux ils ont pu dégotter. Gel, charlottes, sur-chaussures, gants. Le tout adouci de gateaux et yoghourts maison en offrande. Oui, en France, en 2020, de plus en plus de professionnels de santé font appel à la générosité publique pour avoir des masques, des charlottes, des surblouses, du gel …

C’est comme si en temps de guerre, les militaires demandaient des fusils aux chasseurs … conclut le docteur de Créhange.

Je l’écoute encore. Ecoutez plutôt: Je viens de regarder M6… Je sais je n’aurais pas dû… Je suis bouleversé de voir ces bébés Doc confrontés à cette situation de guerre …

Il se souvient pour nous de la mort de son premier patient: J’étais en 6ème année qd j’ai perdu mon premier patient d’un œdème du poumon. Je faisais des gardes de FFI (Faisant Fonction d’Interne)… Longtemps le visage de cet homme d’où la vie s’échappait m’a hanté … Et puis c’est comme tout, on s’y habitue … Sauf pour les enfants. J’ai bossé en cardio, en réa cardio, au SAMU, avec les pompiers … J’en ai ramassé des trucs pas beaux… Aujourd’hui, quand je retourne dans ma voiture après un décès, je fais rapidement le deuil du patient pour me consacrer à d’autres … C’est ça l’expérience … 25 ans d’expérience depuis mon premier mort.

Mais ces gosses, poursuit-il, enthousiastes, à peine sortis de la fac ou des écoles d’Inf ou d’aide soignants, le stéthoscope rutilant autour du coup, confrontés à cette vague d’horreur, à ces morts jeunes, à ces familles à qui il faut annoncer la fin des soins, le renoncement, le deuil, aux collègues qui tombent, à l’impression de l’irrémédiable, oui ces bébés Doc, Inf et AS, il faudra les aider quand ce sera fini … Surtout les écouter …

Cet État qui envoie au casse pipe des gosses de 20 ans étudiants en médecine ou en école d’infirmière

Il ne décolère pas contre cet État qui envoie au casse pipe des gosses de 20 ans étudiants en médecine où des étudiants en école d’infirmière : Ça me rappelle les techniques des phalanges romaines : on met en première ligne les gamins …

Pour info, l’Organisation mondiale de la Santé a tiré la sonnette d’alarme il y a 3 jours face au manque criant d’équipements de protection pour les personnels médicaux: Coronavirus. La pénurie de protections, « menace immédiate » pour les soignants, alerta l’OMS.

Incompétence, imprévoyance , suffisance , mensonge, recherche du profit immédiat, voilà les ingrédients de cette crise, résume-t-il.

Cette armée de l’ombre aux côtés des médecins

Il n’oublie pas cette armée de l’ombre sans qui rien n’aurait été possible: les Inf, les AS, les filles de salle, les secrétaires médicales, les brancardiers, les ambulanciers, les pompiers, les livreurs, les taxis, les conducteurs de bus, les caissières, les éboueurs, les employés communaux, les ouvriers, les gars du BTP, les gars qui nous apportent l’eau et la lumière, les gendarmes et les policiers, ceux et celles qui assurent la propreté des draps et de nos blouses, les boulangeries, les pharmaciens, les préparateurs en pharmacie, les profs, les assistantes de vie, les laborantins, les biologistes, les paysans, les travailleurs de Roissy, et tant d’autres encore qu’il craint déjà d’avoir oubliés.

Il revient sur les pompiers: Et les Pompiers ? On en parle ? Je n’oublie pas que j’ai été un jeune médecin-capitaine … Demande Où sont les masques et les protections pour les SP…

Il nous dit ce que les médecins doivent aux infirmières. Nous rappelle le serment qu’elles prêtent: le serment de Florence Nightingale, Cette anglaise qui structuré le métier d’infirmière … Il nous le récite:

Je prête solennellement serment devant Dieu et en présence de cette assemblée, de vivre dignement et d’exercer mon activité fidèlement.

Je m’abstiendrai de tout ce qui est délétère et dangereux, et je ne consommerai ou n’administrerai sciemment aucun médicament dangereux.

Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour maintenir et promouvoir les standards de ma profession et tiendrai secret tous les problèmes personnels qui me sont confiés, ainsi que toutes les problématiques familiales dont je prends connaissance dans le cadre de ma pratique.

Avec loyauté, je m’efforcerai d’aider le médecin dans son travail, et me consacrerai au bien-être de ceux qui sont confiés à mes soins.

Ehpad et Plaquenil

S’il revient, Homme qui n’élude rien, sur la polémique au sujet du Plaquenil, il tremble de rage en parlant des Ehpad.

Aujourd’hui, on s’est beaucoup chicané au sujet du Plaquenil … Mais, je suis persuadé que cette polémique arrange le gouvernement … Pendant qu’on s’engueule on ne parle pas de la faillite de la maison France … Le prochain scandale sera la manière criminelle dont les EHPAD sont abandonnés … Le scandale ne sera pas celui du Plaquenil mais celui de ces dirigeants qui semblent droits sortis de la pire série Netflix. J’en ai ras la stéthoscope de me faire agonir d’insultes et de sarcasmes par ceux qui pensent que le Plaquenil est grand et que Raoult est son prophète … N’avez vous rien appris du SIDA et des fragiles cris de victoire qui se sont avérés tellement décevants ? Il y a urgence dans la demeure me direz-vous … Urgence ? Pour qui ? Pour ceux qui ne supportent pas le confinement ? Urgence pour nous, pro de santé, qui flirtons tous les jours avec la contamination ? Urgence pour ceux qui sont dans les services de réa ? Urgence pour l’économie pour qui le confinement va donner une crise peut-être aussi violente qu’en 1929 ? Urgence pour ceux qui n’écoutent pas et qui continuent à s’infecter ?

Quand il y a un incendie, on se jette par la fenêtre ? On prend l’ascenseur ? Ou en attend les pompiers ? Si ce traitement pris précocement était efficace, j’en serai le premier heureux… Vous croyez qu’on voit avec bonheur tomber les hommes ? On attendrait les premiers résultats de Discovery dans une quinzaine de jours … Ne pouvons nous pas attendre les résultats de cette vraie étude bien menée ? Juste quinze jours …

Maintenant, que ceux qui sont si convaincus aillent se faire prescrire du Plaquenil: Vous trouverez sans doute des médecins peu regardants qui croiront que vous avez un lupus, une polyarthrite ou une lucite solaire … Encore faudrait-il en trouver et surtout accepter d’en faire un stock au détriment de ceux qui en ont vraiment besoin…

Jean-Jacques Erbstein, médecin à Créhange, est l’auteur de L’homme fatigué, (Les Passagères Editions), du Blues de la blouse blanche, Conversation d’un médecin avec sa maladie, ( LaPeluchkili Editions), des Voyages de Philibert – Les amoureux des Deux Magots (Les Passagères Editions).



Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

2 Comments

  1. Ni intelligente, ni cultivée… Seulement de bonne volonté ! Avant tout “chretienne” pas religieuse dans le mauvais sens du terme.
    J’ai transmis à plusieurs le texte fort beau de Coline Serreau :1 réponse avec quelques réserves … Je suis navrée !
    Ma profonde sympathie pour le peuple juif, bien que récent, n’en exclue pas moins pour notre humanité ma découverte de l’amour de Dieu pour cette humanité va du jardin d’Eden au jardin de Gethsemane : et à la question de Dieu “qui enverrai-je ?” Un seul a donné réponse et c’est à la “croix “que pour nous tout a commencé . Merci à vous !

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*