Jacques Neuburger. Polanski, Je dis ton nom

Polanski je dis ton nom.

Ne nous y trompons pas.
Ce qui s’est dit là par le non-dit du nom de Polanski est net: ce qui s’est dit est une rupture définitive, s’il en fallait encore une, de notre société.
Mais cette rupture ici s’est exprimée, un soir, devant un très large public, jusqu’au fond des maisons, sur les écrans de télévision.

Si vous avez cru un instant, un seul instant, qu’il était là question de la femme, de dire là haine du viol, de dire là haine du statut encore souvent secondaire de la condition féminine dans nos sociétés, de dire là rage inspirée par les dénis de justice, les silences complices, le manque de compassion pour les victimes, si vous avez cru un instant qu’il était là question de dire combien l’attitude d’un cinéaste a pu à certains moments être blamable, condamnable, haïssable, vous vous êtes trompés.


Vous vous êtes trompés aussi si vous avez pu penser un seul instant qu’une seule des personnes indignées de l’indigne traitement dont ce cinéaste fut l’objet pense que ces moments de l’existence de Polanski puissent être autres que détestables, condamnables, haïssables.
Évidemment que user et abuser d’une petite jeune fille est odieux.
Évidemment.
Qui ici à jamais dit le contraire.
Mais c’est d’autre chose qu’il a été question ici.
D’autre chose.

La question du Nom, centrale pour les Juifs


Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir combien la question du Nom est centrale pour les juifs, croyants ou athées, pratiquants ou en rupture de ban: on n’a pas sans conséquence derrière soi plusieurs millénaires d’une culture, d’une civilisation dans lesquelles le nom peut-être principal d’un dieu qui n’a pas de nom ou dont le nom est non prononçable, non dicible, est justement “Le Nom”.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir combien la question du Nom est au centre de la réflexion psychanalytique initiée par un Freud tant marqué en profondeur par la tradition intellectuelle juive.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que l’histoire de l’affaire Dreyfus est d’abord l’histoire d’un homme dont le nom à été injustement sali, auquel on a voulu ôter le nom de français ainsi qu’à tous ses coreligionnaires auxquels on a voulu ôter à l’époque le nom de français tout en faisant du Nom de juif un objet de haine, un nom de mépris et de haine.
Alors entre un Ladj Ly objet de tous les honneurs et un Polanski objet de tous les déshonneurs, un Polanski auquel justement on refusait le droit d’être nommé aux Césars et que pour cela on s’est refusé à simplement nommer de son nom, une ligne de fissure s’est, sans se nommer, définitivement tracée.
Et, comme dans un mauvais conte, il y a eu partage: d’un côté ceux que la foule médiatique conspuait comme, la langue dit bien les choses, innommables, c’est à dire Polanski le nommé auquel on refusait même d’avoir, ce soir-là, un nom et avec lui tous ceux qui se refusaient à l’abandonner; et d’un autre côté ceux qui refusaient à Polanski d’avoir seulement un nom, les lâcheurs, les lâches, les complices d’un innommable lynchage médiatique, d’une sorte de bûcher sans flamme, d’un sacrifice sur la place publique, parmi lesquels quelques noms se distinguent par leur ignominie particulièrement vile: Florence Foresti si vulgaire, Darroussin si pleutre, Riester si lâche, Haenel si haineuse…
Car il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ce que les nazis, auxquels à échappé, survécu, enfant dans l’innommable ghetto de Cracovie, Polanski originaire de Lodz, la ville juive dont en quelque sorte le nom fut effacé, oui, ce que les nazis tenaient à arracher en premier aux juifs, avant même que de leur arracher la vie, c’était le nom, le droit même à avoir un Nom, les réduisant au statut de chose en ne leur accordant plus qu’un numéro tatoué sur le bras, en les réduisant à n’être plus qu’un numéro.
Cette volonté d’effacement, de transformer une personne en un être de vent et de fumée dont le nom même s’efface, ces manifestantes se présentant comme féministes mais aux mots absolument fascistes l’ont bien exprimée en clamant que Polanski aurait dû, devrait être “gazé” comme les juifs à Auschwitz.
Car c’est bien de cela qu’il était question.
Dont il était question comme par un long fil rouge tiré depuis les bûchers médiévaux chrétiens, les autodafés chrétiens de la renaissance, l’affaire Dreyfus, l’anéantissement d’un peuple par les nazis – et maintenant cette volonté de refuser à l’affaire Dreyfus d’exister en tant que récit cinématographique, cette volonté de refuser à Polanski d’avoir un nom.
Car c’était bien cela ce dont il était question: une volonté d’anéantissement.
Ce soir là, dans le silence complice et lâche de la foule, dans la complicité des nouveaux bien pensants contents d’eux-mêmes, ce pays s’est coupé en deux entre les innommables et les non-nommables.
Homme du Nom, homme du non à la lâcheté, pour ma part mon choix est fait: je suis du côté des non-nommables.
Qu’on ne s’y trompe pas: pour s’opposer à cette vague de prétentieuse vilennie il nous faudra avoir le courage de nommer les choses et d’entrer dans une forme de résistance.

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6 Comments

  1. Pourquoi cet article confond souvent le « a » (verbe avoir du passé composé) avec le « à » (préposition) ?
    Un correcteur d’orthographe genre « Word » récent devrait pouvoir remédier à ça.

    Sinon, n’exagérons rien. Laissons Freud reposer en paix. Et aussi le Saint Nom.
    Inutile de crier au loup ou invoquer le ghetto de Cracovie à toutes les sauces ; mieux vaut garder ça au VRAI loup, au besoin.
    Pas à ce pauvre Darroussin, vert de jalousie.

    Après tout, le film de Polanski a bien eu trois Césars ; dont un pour lui en personne (son cinquième…).
    Sa gloire est acquise depuis longtemps. On a connu plus malheureux.

    • Chalom, je n’ai jamais regardé la cérémonie des Césars , non pas que je n’aime pas le cinéma ; mais j’ai vu des extraits sur internet . Foresti, maître de cérémonie indigne , sortant de son rôle et se faisant juge ,un Darouissin niant le nom de Polanski en bredouillant exprès, lamentable A.Haenel dans la haine totale. j’ai vraiment été écoeurée par cette vulgarité , la jalousie de ces gens là.bien sûr que le nom d’une personne et important les nazis avaient choisi le tatouage des Juifs pour leur ôter toute humanité . mais” Tu n’évoqueras pas Le Nom du Tout Puissant en vain”

  2. Bravo monsieur Jacques Neuburger pour votre article. L’antisémitisme s’installe peu à peu dans une certaine frange de la population marginalisée et trés agissante.Il ne se cache plus.il faudrait redoubler de vigilance.Il ne reste plus à certaines personnes bien installées dans le paysage médiatique de surcroît biberonné par les deniers publics qu’à aller rejoindre les bas fonds de l’indignité et la poubelle de l’histoire.Vive Vive Dreyfus.Vive le cinéma fait par de vrais metteurs en scène comme Polanski, Fellini, Visconti,Bunuel, Max Ophuls, John Ford et tous les autres qui m’ont fait rêver.

  3. L’anti-sémitisme est un thermomètre difficile à lire. Il y a la parano justifiée des uns et la frustration – souvent justifiée aussi – des autres. Les juifs sont des humains comme les autres, au sein d’une communauté qui se veut “élue/supérieure/différente/littéraire”, qualification qui, pour des raisons historiques d’une résilience innée parce que non prosélyte, s’avère souvent assez juste. Et puis il y a le pognon – historique aussi… etc, etc… bla bla… Je ne crois pas que la question du nom soit plus importante
    ici que celle, plus large, du langage, d’un positionnement social et des représentations liées. Mais surtout, comment apporter le plus de recul possible à tous les impulsifs qui viennent nourrir une vindicte à la première étincelle ? Allez, un peu d’humour et de réflexion sur cette notion de patronyme, des x que vous auriez envie de cliquer sur le lien ci-dessous.

  4. Lors d’une interview en 2014 à telerama,elle disait que son auteur favori était,Louis Ferdinand Céline et qu’elle l’adorait .Ca ne la gênait pas qu’il fut un collabo et antisemite notoire .

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