Le « plan de paix » américain autoriserait les juifs à prier sur l’esplanade des Mosquées

Des manifestations et des affrontements, qui ont fait trois morts, ont lieu dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem depuis la présentation par Donald Trump de son « plan de paix » le 28 janvier. Étonnamment peu commentée, l’une de ses dispositions prévoit, de manière assez vague, que les juifs « devraient être autorisés à prier » sur l’esplanade des mosquées.

Que dit le « plan de paix » américain sur l’accès aux lieux saints de Jérusalem ?

« L’approche de ce plan est de garder Jérusalem unie, de la rendre accessible à tous et de reconnaître sa sainteté d’une manière respectueuse pour tous. » Ainsi débute la section consacrée à Jérusalem dans le « plan de paix » proposé mardi 28 janvier par Donald Trump, qui prévoit notamment la reconnaissance de Jérusalem comme « capitale souveraine et indivise » d’Israël.

Dans un paragraphe moins commenté, le document aborde aussi la délicate question du statut des lieux saints. Après avoir rappelé le rôle historique et traditionnel de la ville pour chacune des trois grandes religions monothéistes, le document « félicite » l’État d’Israël pour « la sauvegarde » des sites religieux « de tous » depuis l’occupation de 1967 et « le maintien du statu quo religieux ».

« Compte tenu de ce bilan louable depuis plus d’un demi-siècle », le plan de paix propose une poursuite du statu quo (« Tous les lieux saints de Jérusalem devraient être soumis aux mêmes régimes de gouvernance qui existent aujourd’hui ») avec tout de même un changement majeur : « Les personnes de toutes confessions devraient être autorisées à prier sur le mont du Temple/ Haram Al-Sharif, d’une manière qui soit pleinement respectueuse de leur religion, en tenant compte de l’heure des prières et des fêtes de chaque religion, ainsi que d’autres facteurs religieux ».

Quelles sont les règles actuelles ?

Situé au cœur de la Vieille-Ville de Jérusalem, le mont du Temple est, pour les juifs, l’esplanade sur laquelle se trouvait le temple de Salomon, construit au Xe siècle avant JC. Le plus important vestige est le Mur occidental (ou Mur des lamentations) qui soutenait l’esplanade où se situait l’édifice. Aujourd’hui propriété de l’État d’Israël, c’est un lieu de prière pour les juifs du monde entier.

Or, pour les musulmans, le mont du Temple est l’esplanade des Mosquées où s’élève le Dôme du Rocher, édifice bâti à l’emplacement où, selon la tradition, Abraham offrit un fils en sacrifice (Isaac selon les juifs, Ismaël selon l’islam) et d’où le prophète Mohammed s’éleva au ciel. Au sud de l’esplanade, gérée par une fondation musulmane (waqf) contrôlée par la Jordanie, se trouve par ailleurs la mosquée Al-Aqsa, construite au VIIe siècle, après la conquête arabe.

Depuis la prise de la vieille ville par les Israéliens pendant la guerre des Six Jours en juin 1967, l’esplanade est restée aux mains de la Jordanie. Un statu quo autorise uniquement les musulmans à venir y prier. Comme les visiteurs de n’importe quelle confession, les juifs peuvent accéder au site mais non y prier. Cette interdiction a été renforcée par une décision du grand rabbinat d’Israël rappelant que, sur cette esplanade, se trouvait le saint des saints du Temple, siège de la présence terrestre de Dieu, où seul le grand prêtre pouvait pénétrer. Mais depuis quelques années, des juifs extrémistes revendiquent de pouvoir le faire.

Quelles conséquences possibles ?

La disposition du « plan de paix » autorisant n’importe quel croyant à prier sur l’esplanade des mosquées a « suscité peu de réactions, y compris en Israël, peut-être parce que chacun comprend ici que, si elle était appliquée, on irait vers une situation très très compliquée », avance Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’université ouverte d’Israël.

« Pendant une trentaine d’années, l’avis du Grand Rabbinat a réprimé l’irrédentisme religieux de ceux qui souhaiteraient affirmer leur souveraineté sur ce lieu », constate ce spécialiste. « Mais sa prise de position laisse la porte ouverte à des interprétations concurrentes. Or, depuis la fin des années 1980, un petit noyau de religieux, d’abord considérés comme des illuminés, s’est mis à réclamer le droit d’aller prier sur le mont du Temple. »

Sur le plan religieux, ceux-ci affirment pouvoir le faire sur « une partie suffisamment périphérique » de l’esplanade pour ne pas piétiner l’ancien Saint des saints. « Mais l’enjeu est plus politique que spirituel », estime toutefois Denis Charbit. « À leurs yeux, l’objectif est surtout, dans un contexte de concurrence avec l’islam, de montrer qu’ils ne renoncent pas à ce lieu qu’ils considèrent comme le centre du judaïsme ».

Ces dernières années, leur mouvement a pris davantage d’ampleur et s’est lancé dans ce que le chercheur qualifie de « harcèlement auprès de la police, de la justice et des politiques », notamment le Likoud du premier ministre Benyamin Netanyahou et des partis religieux, avec comme argument « la liberté de culte ». Régulièrement, des groupes de juifs religieux accèdent au mont du Temple sur les horaires de visite réservés aux touristes et tentent – plus ou moins discrètement – de déjouer la surveillance de la police pour organiser une prière publique, suscitant aussitôt de virulentes réactions de la part des musulmans.

Jusqu’à présent, les autorités israéliennes n’ont accepté que des exceptions, notamment lors des fêtes juives et justifient le maintien de l’interdiction par des raisons d’ordre public. La visite d’Ariel Sharon, entouré de policiers israéliens et de quelques militants juifs sur l’esplanade, en 2000, avait été à l’origine de la deuxième intifada.

À travers l’Organisation de la conférence islamique (OCI), les pays majoritairement musulmans — et la Jordanie au premier chef, qui voit son rôle de gardienne de l’esplanade des mosquées confirmé par le « plan de paix » — l’ont tous rejeté.

Source : la-croix.com

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