Bien sûr, vous me direz, “qui s’arrête pour lire les plaques commémoratives ?” Ayant quitté Montreuil en 2004 et redécouvrant certaines parties de cette ville durant l’été, j’ai été content de constater que la rue du général Gallieni était devenue rue du capitaine Dreyfus.
Le premier était un soldat des colonies ayant sévi dans tout l’empire français, responsable notamment, entre 1896 et 1905, de 100 000 à 700 000 morts à Madagascar. En lisant la plaque apposée en 2006 au début de la rue, on retrouve l’histoire du capitaine, mais on sent bien qu’il manque quelque chose, non ? Regardez.
Oui ! Pas à un seul moment on ne mentionne qu’Alfred Dreyfus était juif ! Lorsqu’il s’agit du Prix Nobel de littérature attribué à un chanteur, inutile en effet de préciser qu’il se nomme Robert Allen Zimmermann, il suffit de laisser son nom de scène, “Bob Dylan”, mais dans le cas du Capitaine, sa judaïté est essentielle à son histoire. Dans le texte, on apprend tout à coup que ce “capitaine patriote et brillant est reconnu à tort coupable de trahison”. Mais pourquoi donc ? La réponse est connue de tous les collégiens : car un antisémitisme d’État régnait en France à cette époque et que Dreyfus était juif ! Mais le mot “antisémite” et ses dérivés sont oubliés (auto-censure ?). Et cette fin de texte n’était-elle pas particulièrement pitoyable : “Le Droit et la Vérité triomphent sur la Raison d’État (…)”. Toutes ces majuscules fleurent bon le culte de l’Être Suprême mais on ne vit plus à l’époque de Robespierre ! C’était quoi la Raison d’État évoquée ?
Cette plaque a été inaugurée en 2006, sous le mandat du maire communiste Jean-Pierre Brad. Lorsque la mairie a été dirigée par les Verts, sous la houlette de Dominique Voynet (2008-2014 ), personne n’a apparemment tiqué. Du coup, aujourd’hui, on sent une certaine gène. Le soir même de cette découverte, le 25 juillet, j’écrivais au maire, Patrice Bessac, pas de réponse à ce jour (15 octobre) malgré de multiples relances. J’ai obtenu à la mi-août le nom de l’adjoint au maire délégué aux anciens combattants, à la mémoire et aux cultes, un certain Florent Vigneron. Je lui ai écrit le 18 août, pas de réponse (même pas une réponse automatique signalant une période de congés). J’ai attendu quelques semaines, et lui ai réécrit le 6 septembre. Rien. Rien non plus après mes relances des 20 et 27 septembre. Même chose avec l’historien officiel de la ville que j’avais contacté pour connaître son sentiment sur ce texte pour le moins problématique, Philippe Hivert. Seul un adjoint du parti des Verts que je connaissais personnellement de mon temps à Montreuil m’a répondu : il reconnaît un “oubli”, une “erreur” et précise qu’il est d’autant plus étonné que la précédente mandature comptait deux élus membres d’une association juive confessionnelle très militante. A Vienne j’ai vécu la même chose avec la place Rudolf Spielmann, du nom d’un joueur d’échecs, juif, qui avait dû fuir vers la Suède et qui était mort à Stockholm dans la misère la plus noire en 1942. La plaque indiquait seulement “Joueur d’échecs professionnel (1883 – 1942)”. On m’a d’abord répondu en expliquant que des représentants de la communauté juive étaient là lors de l’inauguration et n’avaient rien trouvé à redire. J’ai tenu bon et seize mois plus tard, j’ai obtenu de la mairie qu’une autre plaque soit posée (cf. ce billet).
A Montreuil, de source interne, j’apprenais le 10 septembre que mon premier courriel laissé sans réponse avait été classé “courriel signalé” et qu’il devait “être digéré par un système très lourd et en cours de réforme”. J’attends toujours, et de pied ferme. A SUIVRE !
Quand on constate l’immobilisme des sous-fifres de Montreuil pourquoi s’étonner (personnellement je m’indigne) de l’abstention de nos ” zélites ” à l’ UNESCROC.
Il y a un antisémitisme rampant et latent dans la fonction publique française.
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