La chronique de Pascale Davidovicz : Bangladesh fatwa contre le terrorisme

Les bangladais inventent le boomerang contre la radicalisation.

La République populaire du Bengladesh est une démocratie parlementaire de 170 millions d’habitants, dont 90 % de religion musulmane.

Suite aux meurtres perpétrés depuis trois ans par des islamistes se revendiquant de l’Etat islamique ou d’al-Qaïda à l’encontre des militants laïcs, des militants des droits de l’homme, des homosexuels et des représentants des minorités religieuses hindoue et chrétienne, 100 000 dignitaires, religieux et théologiens musulmans ont signé une fatwa condamnant le terrorisme islamiste qui sera rendue publique à Dhaka, la capitale du Bangladesh.

Cela fait plusieurs mois que le Conseil du clergé local prépare le texte et le fait circuler pour lutter contre la radicalisation d’une partie des fidèles.

Une base de réflexion de dix questions étaient posées, parmi lesquelles : Est-ce qu’un suicide terroriste peut servir à devenir un martyr ? Peut-on attaquer des lieux de cultes non musulmans ?

Trois cents d’entre eux y ont répondu en se basant sur le Coran, afin de rédiger cette fatwa condamnant le terrorisme, publiée samedi dernier, et signée par 100 000 théologiens.

L’objectif est de diffuser ce message de paix dans les écoles coraniques afin d’influencer les étudiants radicalisés, et de le propager sur les médias sociaux afin de contrer la politique de recrutement en ligne menée par les groupes djihadistes, de plus en plus efficace au Bangladesh et mal combattue par la police.

L’incapacité du gouvernement à combattre la montée de l’extrémisme.

Une source journalistique à Dacca soupçonne le gouvernement de guider cette opération de communication pour voiler la montée de l’extrémisme et son incapacité à la contrer.

Le secrétaire général du Conseil religieux dément, mais demande l’aide des autorités pour relayer cette fatwa contre l’islamisme radical et faire un travail collectif nécessaire pour réussir à atteindre et déradicaliser les poches les plus extrémistes.

Une ONG dénonce les arrestations massives.

En réponse, la police a arrêté plus de 11 000 personnes en une semaine, sans preuves, selon Human Rights Watch, dont 194 islamistes présumés.

« Après une réaction lente et complaisante à ces attaques terrifiantes, les forces de sécurité s’en remettent à leurs vieilles tactiques et arrêtent les suspects habituels plutôt que de travailler dur et de mener de véritables enquêtes » déclare dans un communiqué Brad Adams, directeur pour l’Asie de HRW.

Entre l’épée et l’enclume.

Sheikh Hasina
Sheikh Hasina

Certes le gouvernement a usé d’une réponse violente qui a touché dans certains cas les membres des partis d’opposition au nom de la répression contre les islamistes.

De son côté, la Première ministre Sheikh Hasina accuse le principal parti d’opposition, le parti nationaliste du Bangladesh et son allié islamiste, le Jamaat-e-Islami, d’avoir orchestré la série d’assassinats pour déstabiliser le pays.

Nazimudin Samad, un étudiant en droit bangladais de 28 ans, dont la famille vit à Londres, qui publiait des messages contre l’islamisme sur sa page Facebook a été assassiné le 6 avril dernier en pleine rue à Dhaka à coups de machette et achever au pistolet au cri d’Allahu Akbar.

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Les assaillants l’auraient visé pour son rôle dans le mouvement laïc qui est né il y a plus de 3 ans.

Nazimudin Samad était un responsable de quartier d’une organisation laïque.

Le parti radical du Jamaat-e-Islami a appelé au meurtre de ces jeunes blogueurs.

Sept de ces militants ont déjà été abattus selon le même procédé.

La liste en comporte 84.

Nazimudin Samad se trouvait sur cette liste et dans un message de 2013 publié sur sa page Facebook, il écrivait : « Si un jour ils me tuent, ne veillez pas mon corps. Baignez-le dans le sang des membres du Jamaat. Le Bangladesh ne pourra vivre tant qu’ils existent. »

Le Bangladesh pourrait abandonner l’islam comme religion d’État.

Depuis le 29 février 2016, la Cour suprême du Bangladesh, la plus haute instance judiciaire du pays, examine la constitutionnalité du statut de « religion officielle » dont jouit l’islam dans ce pays du sous-continent indien.

C’est le pari un peu fou lancé par Sheikh Hasina, la Première ministre, 68 ans, femme de poigne, à la tête de la ligue Awami, parti laïc de centre-gauche qui n’a jamais caché son intransigeance vis-à-vis des islamistes, qui ont tenté de l’assassiner en 2004.

Elle est la fille du Sheikh Mujibur Rahman, le père de l’indépendance du Bangladesh, tué, avec presque toute sa famille, par les militaires en 1975.

Sacrée bout de femme !

Pascale Davidovicz

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