« Combien de musées mémoriaux un pays peut-il supporter ? »

Éclairage sur les relations entre lieux, histoire et mémoire avec l’historienne Annette Wieviorka, spécialiste de la Shoah.

Tous les lieux de mémoire ont-ils vocation à devenir des mémoriaux ?

Annette Wieviorka : En règle générale, les lieux in situ ont été tout de suite préservés et sont devenus des mémoriaux, comme les camps d’Auschwitz, Buchenwald, Dachau, Mauthausen et en France, Oradour-sur-Glane. On attend alors qu’une signification émerge du site, ou des installations qui y sont présentées.

Oradour-sur-Glane
Oradour-sur-Glane

Il existe aussi des lieux qui retrouvent leur fonction précédente, comme la cité de la Muette à Drancy qui est redevenue une cité HLM, d’autres où il ne reste plus rien, comme à Pithiviers. Et parallèlement, des mémoriaux complètement déconnectés du site où s’est déroulée l’histoire. C’est le cas du mémorial de la Shoah à Paris, intitulé « Tombeau martyr du juif inconnu » quand il a été inauguré ou des 200 mémoriaux aux États-Unis dont le United States Holocaust Memorial Museum de Washington.

En la matière, il n’existe donc pas de règle. Il me semble que si le sens du lieu n’est pas ancré dans le pays, ou qu’il n’est pas un enjeu pour des associations, il n’y a pas forcément de raison de le conserver. Sinon, en Europe, on irait de lieu de mémoire en lieu de mémoire. Si l’on regarde une carte d’Allemagne avec tous les camps de concentration et kommandos, on s’aperçoit qu’il y en a des milliers. Combien de musées mémoriaux un pays peut-il supporter ?

Assiste-t-on à une inflation des commémorations qui n’est plus bénéfique à la mémoire de cette période ?

Annette Wieviorka : Je crois que nous sommes en train de sortir de cette fièvre commémorative sur la période. La faible couverture médiatique du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale par rapport au 60e en est une preuve parmi d’autres. Tout le travail effectué sur la mémoire du génocide depuis les années 1980, qui se continue désormais en Pologne, Ukraine, Biélorussie ou en Grèce, a compté et les grandes polémiques, comme le rôle des banques suisses ou des marchands d’art, sont derrière nous.

Ce qui est plus récent, c’est une institutionnalisation de la mémoire. La mémoire devient un métier. Souvent, ce ne sont plus les associations qui s’en occupent et cela coûte même très cher, pour un résultat douteux. Au mémorial du camp de Rivesaltes près de Perpignan, je n’ai pas vu grand monde, en dehors du public scolaire qui est captif. Les mémoriaux se sont multipliés et on peut se demander combien sont réellement fréquentés, vivants.

À Oradour-sur-Glane, on a décidé de conserver toutes les ruines en l’état et de reconstruire le village à côté. Cela coûte si cher qu’on se demande à présent s’il ne faut pas conserver seulement les lieux emblématiques du massacre. J’ai visité Oradour quand j’avais 15 ans et je n’ai jamais oublié. Mais quand j’y suis retournée, j’ai trouvé que la façon dont les ruines avaient vieilli enlevait de l’émotion. Il n’y a vraiment pas de règle pour la conservation de ces lieux.

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http://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Combien-de-musees-memoriaux-un-pays-peut-il-supporter-2016-01-17-1200731810

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