Terrorisme: surveiller tous les suspects est «prohibitif»

L’attaque commise vendredi dans un train Thalys par un homme soupçonné de liens avec la mouvance islamiste radicale et déjà fiché, relance le débat sur la surveillance.surveillance

Mais le défi est de taille pour des services européens de sécurité souvent débordés, selon des experts.
Le suspect arrêté vendredi, un Marocain de 26 ans, était sur le radar des enquêteurs. Il avait été signalé par les autorités espagnoles au renseignement français en 2014. Il avait aussi été signalé aux autorités belges, car il aurait séjourné en Belgique. C’est d’ailleurs à Bruxelles qu’il est monté dans le train.
L’existence d’une fiche de renseignements le concernant soulève interrogations et critiques, comme lors des attentats de Paris contre Charlie Hebdo et une supérette cacher, commis en janvier par les frères Kouachi, eux aussi connus des services de renseignements.
Mais «les agences de renseignements n’ont pas assez de moyens» pour surveiller tous les suspects, surtout «quand on considère que quelque 1600 Français sont allés en Syrie et en Irak et que beaucoup en sont revenus», explique Raffaello Pantucci, expert en lutte antiterroriste au «Royal United Services Institute» de Londres.

Faire des choix

«Les autorités ont des informations sur beaucoup de gens, mais ne savent pas qui va réellement lancer une attaque», résume-t-il. Surveiller implique de faire des choix, explique Alain Grignard, un des responsables de la cellule antiterroriste de la police fédérale belge, dans une interview parue vendredi dans le magazine spécialisé CTC Sentinel.
Pour surveiller 24 heures sur 24 «même un petit nombre de suspects, il faut des agents avec plusieurs voitures et trois rotations par jour entre équipes. Il faut aussi des équipes dans un centre opérationnel pour coordonner les écoutes». Cela «aboutit à des centaines de personnes assignées à une unique opération. Très vite, les dépenses deviennent prohibitives», explique cet expert de terrain. Avec le risque de ne pas faire les bons choix, ce qui revient souvent, selon lui, à une question de «chance».
Difficile aussi de poursuivre les suspects, notamment ceux de retour de Syrie ou d’Irak. En Belgique, «nous les interrogeons et nous les inculpons si nous avons des preuves, mais dans bien des cas, nous n’en avons pas suffisamment», regrette Alain Grignard.

Surveillance électronique sans fin

Une analyse corroborée par le procureur fédéral belge Frédéric Van Leeuw, interviewé par le quotidien L’Echo paru samedi: «Nous avons des dossiers où nous sommes sûrs que des attaques ont été déjouées, mais nous n’avons pas de preuves».
Malgré ces difficultés, le parquet fédéral belge a «ouvert cette année davantage de dossiers liés au terrorisme que pour l’année 2014 dans son intégralité et il s’agissait d’une année record avec 195 dossiers», relève Frédéric Van Leeuw.
«Au cours des deux dernières années, nous avons inculpé plus de gens en lien avec le terrorisme qu’au cours des 30 années précédentes», insiste M. Grignard, qui a participé à l’enquête sur l’attentat du musée juif de Bruxelles, qui a fait quatre morts en mai 2014. Son auteur présumé, le Français Mehdi Nemmouche, est en attente de son procès en Belgique.
Autre difficulté: la surveillance électronique. «C’est de plus en plus un défi. Il n’est pas rare qu’un homme soupçonné d’appartenir à une cellule terroriste que nous surveillons ait des dizaines de téléphones portables et 40 cartes SIM. Et beaucoup n’utilisent même plus le téléphone», préférant communiquer par d’autres moyens comme Skype, WhatsApp ou Twitter, voire les consoles de jeux vidéo, note-t-il.

Trop d’informations

«Avec Internet et les médias sociaux, l’information est désormais si abondante qu’elle devient impossible à gérer», déplore-t-il.
A cela s’ajoute encore une difficulté supplémentaire liée à la liberté de circulation dans l’espace Schengen, qui oblige plusieurs pays à coopérer dans leurs enquêtes. «Les agences de renseignements de différents pays ont amélioré la manière dont elles communiquent entre elles», mais parfois elles ont une évaluation différente de la menace posée par tel ou tel individu, souligne Raffaello Pantucci.
Quant à installer des dispositifs de sécurité dans les gares, «il faudrait le faire aussi bien dans les grandes gares parisiennes que dans les petites gares de la France rurale. C’est tout simplement impossible», selon lui. Sans compter qu’installer des barrières de sécurité supplémentaires «suscitera des attroupements qui constitueront eux-mêmes des cibles». (ats/Newsnet)
http://www.tdg.ch/monde/europe/terrorisme-surveiller-suspects-prohibitif/story/23767750

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