Washington propose de transformer Gaza en destination côtière de luxe
Présenté sous la forme d’un document de 32 diapositives classé « sensible mais non confidentiel », le projet a été exposé à des pays du Golfe, à la Turquie et à l’Égypte. Il prévoit une feuille de route sur vingt ans, organisée en quatre phases successives. Les travaux débuteraient dans le sud du territoire, à Rafah et Khan Younès, avant de s’étendre aux camps du centre puis à Gaza-Ville.
La première étape consiste à déblayer les gravats, neutraliser les munitions non explosées et démanteler les tunnels, tout en mettant en place des abris temporaires et des structures médicales. Viendraient ensuite la construction de logements permanents, d’infrastructures publiques et de réseaux essentiels. À terme, le projet imagine une « Riviera » luxueuse, dotée de résidences haut de gamme, de transports ferroviaires modernes et d’une Gaza-Ville conçue comme une “smart city”. « New Rafah » serait appelée à devenir le siège du futur gouvernement local.
Condition centrale du plan, inscrite en rouge dans le document : la démilitarisation totale du Hamas, qui devrait renoncer à ses armes et à ses tunnels. Une exigence que le mouvement terroriste refuse jusqu’à présent, rendant l’avenir de ce projet incertain.
Le plan repose sur une feuille de route s’étalant sur plus de 20 ans. D’après ce dernier, les premières étapes seraient de déblayer les immeubles détruits, neutraliser les munitions non explosées et démanteler les tunnels du Hamas. Pendant cette phase initiale, la population serait hébergée dans des structures temporaires, avec un dispositif médical d’urgence composé d’hôpitaux de campagne et de cliniques mobiles. Ce n’est qu’une fois ces tâches accomplies que commencerait la construction d’infrastructures durables : logements, écoles, hôpitaux, lieux de culte, réseaux routiers et électriques, sans oublier la remise en culture des terres.
Les travaux commenceraient au sud de Gaza avant de s’étendre progressivement vers le nord. Rafah et Khan Younès ouvriraient le bal, avant que les travaux ne remontent vers les zones centrales puis la ville de Gaza. L’une des diapositives les plus emblématiques du plan, baptisée « New Rafah », imagine une nouvelle capitale administrative. Cette ville, présentée comme le futur centre de gouvernance, accueillerait plus d’un demi-million d’habitants, répartis dans plus de 100 000 logements, avec un dense maillage d’écoles, d’établissements de santé, de mosquées et de centres culturels.
Sur le plan financier, l’addition est à la hauteur de l’ambition. Le coût total est évalué à 112,1 milliards de dollars sur dix ans, une somme incluant les dépenses publiques et une large part dédiée, au départ, à l’aide humanitaire. Près de 60 milliards de dollars proviendraient de subventions et d’endettement, les États-Unis se proposant d’assumer un rôle central en garantissant environ 20 % de l’effort. La Banque mondiale est également citée comme partenaire potentiel. À terme, les promoteurs du projet misent sur une autonomisation économique de Gaza, rendue possible par la valorisation de 70 % de son littoral à partir de la dixième année, avec l’espoir de générer plus de 55 milliards de dollars de retombées sur le long terme.
Selon des responsables américains cités par le Wall Street Journal, Jared Kushner, Steve Witkoff, Josh Gruenbaum et leurs équipes ont conçu ce plan en un mois et demi, en s’appuyant sur des échanges avec des responsables israéliens, des acteurs du secteur privé et des entreprises de construction. Les projections financières devraient être révisées régulièrement si le projet venait à voir le jour.
Un processus de paix bloqué à la première phase
Derrière cette projection optimiste, de nombreuses inconnues demeurent. Le document ne précise ni l’identité des États ou des entreprises appelés à financer la reconstruction, ni la manière dont seraient relogés les quelque deux millions de Palestiniens déplacés pendant les travaux. Autre point crucial : le calendrier affiché se heurte à la situation actuelle dans la bande de Gaza.
Les auteurs du plan reconnaissent eux-mêmes que tout repose sur une condition préalable, inscrite noir sur blanc dès les premières pages : la démilitarisation complète du Hamas. Or, le contexte actuel rend cette hypothèse hautement incertaine. Après deux années de guerre, Gaza reste un territoire profondément meurtri, où des milliers de corps seraient encore enfouis sous des dizaines de millions de tonnes de gravats, selon des estimations officielles. Les sols sont contaminés, les explosifs non neutralisés, et les combattants du Hamas toujours présents.
Sur le plan politique, le processus de cessez-le-feu n’a pas dépassé sa première phase. Le Hamas n’a pas encore remis le dernier otage, le corps de Ran Gvili, condition indispensable au retrait progressif de l’armée israélienne. Ce n’est qu’après un désarmement effectif du mouvement islamiste et la fin de toute présence militaire israélienne que la reconstruction pourrait réellement commencer.
Malgré ces obstacles, Washington s’active sur le front diplomatique. Les États-Unis ont déjà présenté les grandes lignes du projet à plusieurs bailleurs potentiels, notamment des monarchies du Golfe, ainsi qu’à la Turquie et à l’Égypte. Des réunions ont également eu lieu à Miami avec des représentants égyptiens, turcs et qataris pour discuter de l’avenir de Gaza, selon des responsables américains.
TJ avec L’Express et AFP

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