
EXTRAIT DU LIVRE DE THERESE – RECUEIL DE PETITES FABLES…

Les larmes de ma maman ressemblent à des perles fines qui roulent doucement sur ses joues parcheminées. Les années de dur labeur et de solitude ont eu raison de sa forte personnalité, de son caractère et surtout de sa détermination. Et c’est devant son regard hagard et fatigué que je me rappelle de ses larmes silencieuses de femme vaincue.
Il y eut des larmes de joie, quand je naquis, m’avait-elle raconté. Puis il y eut aussi d’autres larmes plus amères, celles de la déception, de la tristesse, d’un amour bafoué qui n’a pas survécu à l’érosion du quotidien.
Mais celles dont elle parlait le plus, c’étaient ces larmes de tendresse, de celles que l’on voit briller au coin de l’œil, et qu’on écrase d’un geste furtif, simplement pour conserver une façade plus équilibrée, moins émotive et vulnérable.
Il y eut bien sûr des larmes de colère, lorsque l’enfant que j’étais ne réussissait pas à intercepter ses signes de détresse devant son incapacité à répondre à toutes mes demandes, à me guider pour mieux contrer les caprices de l’enfance, la fièvre de la compétition et le feu de l’exhibitionnisme. Ma mère n’était pas pauvre, mais elle n’était pas riche non plus. Elle possédait une autre sorte de richesse, plus subtile, plus raffinée qui ne me suffisait pas devant celles que le sort avait mieux nanties.
Il y eut aussi des larmes causées par mon ingratitude, mon manque d’appréciation, et surtout ma cécité face à ses efforts inhumains… Et c’est bien leur souvenir qui me déchire aujourd’hui le cœur. Comment n’avais-je pas vu ses luttes qui commençaient aux premières lueurs de l’aube et ne cessaient que lorsque la fatigue avait eu raison d’elle ?
Il m’a fallu attendre ma maturité pour mieux la comprendre, pour me pencher sur ses belles mains que le labeur avait rendues noueuses et osseuses et les baiser humblement. Il m’a fallu attendre de devenir mère pour mieux apprécier sa valeur et sa présence bienfaitrice dans ma vie. Ce ne fut qu’à ce moment que je pus réaliser l’ampleur de ses sacrifices, son dévouement, ses privations… Elle s’était immolée pour nous ouvrir la voie d’une vie meilleure, pour nous accorder ce qu’elle n’avait jamais reçu. Comment n’avais-je pas vu à travers ses renonciations, son amourimbattable pour nous, ses enfants ?
Ses plus grandes joies étaient lorsque je retournais de l’école, les bras chargés de prix de fin d’année. Lorsque bravache, elle lançait les mots qu’il fallait m’asséner pour gentiment m’aider à descendre de mon piédestal. ‘C’est surement une erreur… Un cancre comme toi, ne peut pas avoir autant de prix ?’ Puis elle riait comme personne ne pouvait le faire, en me serrant dans ses bras et en me baisant le front…
‘Tu es le plus beau cadeau de ma vie’, me murmurait-elle enfin.
Et c’était moi qui à cet instant précis, avais les larmes aux yeux… C’était moi qui venais enfin d’apprendre combien je comptais pour elle.
C’était alors ma mère… Mais c’est aussi toutes les mamans de ce monde. Peu importent leur couleur, leur race et leur religion. Une mère est toujours une mère, qui comme le pélican, ouvrira de son bec son ventre pour nourrir avec ses viscères, ses petits.
© Thérèse Zrihen-Dvir

Comme vous avez de la chance d’avoir pu conserver ce lien avec votre maman
d’avoir pu l’avoir longtemps auprès de vous
La mienne est partie très tôt pour les camps de la mort
J’étais encore petite et que me reste-t-il ?
une lettre écrite depuis Drancy et une photo
Soyez heureuse de l’avoir accompagnée
Chère Jeannine, votre maman veille sur vous.
Bonjour Jeannine,
Nos mamans – enfin celles qui méritent ce qualificatif – ne nous quittent jamais. Je vois ma mère lors de mes nuits de détresse… elle est aussi venue pour m’annoncer la mort de mon jeune frère. Son esprit est toujours autour de nous… et pas seulement elles. Tous ceux qui nous avons aimés et qui nous ont aimés aussi. En fait, la vie, la mort n’est que l’antichambre d’une autre vie. Soyez certaine qu’elle vous observe et vous suit. N’oubliez jamais de lui parler, de lui confier vos sentiments, vos appréhensions…