
MEMRI (@memri) est une organisation d’une grande utilité. Elle documente et expose, à travers divers médias, des discours islamistes, principalement antisémites, qui seraient autrement ignorés ou minimisés. Il suffit de se rappeler ce que certains imams ont pu tenir publiquement en Australie ces dernières années, sans être inquiétés, pour comprendre comment un attentat comme celui de Bondi Beach a pu devenir possible. Deux âmes perdues, dont l’esprit a été progressivement enflammé par des discours de haine répétés.
Discours de haine, excitation systématique des esprits contre les Juifs, étroitesse intellectuelle et volonté de vengeance : le mélange est explosif et suffit à susciter des vocations meurtrières.
La liberté de parole est un pilier fondamental de toute démocratie, quoi qu’en pense Emmanuel Macron avec ses tentations de contrôle bureaucratique. La véritable question n’est pas celle de la liberté d’expression en soi, mais celle de la tolérance accordée à des paroles qui appellent explicitement et volontairement au meurtre d’une partie de la population. La législation française est, de ce point de vue, plus stricte que celle de l’Australie ou de nombreux pays anglo-saxons, mais la situation est loin d’être satisfaisante. Le problème réside moins dans le droit que dans son application : nous faisons face à un laxisme généralisé, qui permet l’intervention d’imams envoyés par des puissances islamistes étrangères — Qatar, Algérie, Turquie, et naguère encore l’Arabie saoudite — aux intentions clairement toxiques, ou d’imams autoproclamés tenant des propos délirants au gré de leurs obsessions personnelles. Et il est finalement exceptionnel que les discours antisémites sur les réseaux sociaux soient recherchés et poursuivis de façon systématique, je peux en témoigner.
L’Occident n’a toujours pas tiré les leçons de pays musulmans plus lucides sur ces questions, comme le Maroc ou les Émirats arabes unis. Le message est pourtant clair : il ne faut plus être naïf. La lutte contre les discours extrémistes doit être menée de façon beaucoup plus ferme afin de permettre l’expression d’une pratique religieuse sereine et apaisée.
À cet égard, les paroles de l’écrivain Tahar Ben Jelloun sont éclairantes :
« Les immigrés qui sont venus dans les années 50-60 ont une pratique très pauvre, très modeste de l’Islam. Ils arrivent ici avec un Islam d’apparence, pas très profond. Les enfants sont à la recherche d’une identité, et la culture de leurs parents n’est pas séduisante, n’est pas quelque chose qui les attire. Alors ils vont aller au-delà, et ils ont trouvé dans l’Islam une identité et aussi un combat. Un combat contre qui : contre l’Occident, contre la laïcité, contre même la démocratie, parce ce sont des jeunes qui ne se rattachent à rien. La preuve, quand il y a eu des recrutements de jihadiste, il y a eu énormément de candidats qui sont partis en Syrie, en Irak, qui ont commis des crimes un peu partout. Et il y avait parmi eux des Français de souche et des Français nés d’origine immigrée. Ce problème d’identité est pour moi le principal sujet qui fait qu’aujourd’hui ils s’accrochent à une culture, et ils confondent la religion et la culture, dans la mesure où cette liberté qui est dans la culture, ils la laissent de côté, et ils ne voient que la pratique qui les identifie et qui les distingue absolument du reste de la population française. »
Ahmed al-Ahmed, l’homme courageux qui a maîtrisé l’un des terroristes sur la plage de Bondi Beach avant d’être lui-même blessé, incarne probablement cette majorité silencieuse de musulmans à la pratique sereine, traditionnelle et non revendicatrice. Il est manifestement à l’opposé des dérives théologiques qui consistent à prendre le Coran — considéré comme dicté directement par Allah — comme un programme politique et un code de conduite à appliquer littéralement. Il ne voit certainement pas les versets les plus hostiles aux Juifs, pourtant bien réels, comme des ordres lui intimant de les pourchasser.
La majorité des musulmans issus de l’immigration en France n’a peut-être pas le courage exceptionnel d’Ahmed al-Ahmed, mais aspire néanmoins à une vie paisible. Certes, les enquêtes d’opinion montrent un niveau d’antisémitisme plus élevé parmi les populations musulmanes. Cependant, les intentions sont rarement malveillantes : il s’agit plutôt de l’héritage d’une tradition profondément ancrée fondée sur certains passages du texte coranique, entretenue par des leaders religieux ou politiques à la recherche de boucs émissaires, qui véhicule une perception négative des Juifs. Cela explique notamment la disparition quasi totale des communautés juives dans les pays musulmans en l’espace de quelques décennies.
Rappelons toutefois que le christianisme a longtemps été encore plus violemment antisémite, avant que des réformes doctrinales profondes ne s’opèrent, notamment avec Nostra Aetate pour les catholiques. Les textes fondateurs du christianisme, en particulier certains passages des Évangiles, contiennent eux aussi des propos d’une extrême violence à l’égard des Juifs. Jean Chrysostome, pourtant sanctifié, a été particulièrement extrême dans l’expression d’une haine des Juifs (par exemple : « Les Juifs sont possédés par le démon ; leurs âmes sont la demeure de Satan. », parmi de nombreuses autres infamies). Mais il semble qu’une page ait été tournée, du moins pour la très grande majorité des Chrétiens. L’Islam n’a pas encore accompli ce travail de relecture critique, que le Christianisme n’a entrepris que très récemment à l’échelle de son histoire de deux mille ans. Ce processus prendra du temps, comme en témoigne le harcèlement constant subi par des figures telles que l’imam Hassan Chalghoumi, qui incarne en France une version pacifiée et modernisée de l’Islam. L’isolement de cet imam au sein du monde musulman donne aussi le sentiment d’une difficulté à réinventer avec vigueur un Islam modernisé.
L’enjeu central est de soutenir les musulmans qui acceptent l’idée que le texte originel puisse être réinterprété à la lumière de l’évolution des sociétés. Les schismes et les divisions sont nombreux dans l’Islam, contrairement à l’image erronée d’un bloc homogène. Le problème majeur est que, depuis plusieurs décennies, les courants les plus intolérants et agressifs ont pris le dessus sur des tendances plus ouvertes.
En Occident, le facteur aggravant est la dégradation intellectuelle d’une partie de la jeunesse issue de l’immigration, conséquence d’un système scolaire en perte de repères, où la discipline et la culture classique ont été largement abandonnées. La fin du Service National aura aussi été une erreur sociale majeure, merci Chirac. Cette dégradation, combinée à des discours de haine tenus dans des lieux de culte insuffisamment surveillés, et des réseaux sociaux en roue libre, conduit une fraction croissante de jeunes se revendiquant musulmans à adopter l’intolérance et le mépris de l’autre.
Les insultes visant l’imam Chalghoumi proviennent essentiellement de jeunes. La jeune députée française Shannon Seban est, elle aussi, la cible d’attaques, parfois dans la plus pure tradition de l’antisémitisme occidental. Elle a récemment publié un message à ce sujet :
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=pfbid02fTKLUKgENHBAupB4w5W28zYVTFPQo3c4DdtT4s1snFD4kwUVgbcA3TMUzDKfvv7Kl&id=100079451775270. Ce type de publication n’a, en soi, rien de nouveau. Ce qui est profondément inquiétant, ce sont les réponses qui ont suivi ce post. Les soutiens proviennent majoritairement de personnes aux noms d’origine juive ou chrétienne, tandis que l’écrasante majorité des réponses émanant de profils aux noms d’origine musulmane consistent en insultes, moqueries ou invocations fallacieuses de la « liberté d’expression ». Il s’agit, là encore, essentiellement de jeunes, ce qui témoigne d’un glissement particulièrement préoccupant d’une partie de la jeunesse musulmane.
Il est plus que temps de remettre de l’ordre, sous peine de réveils extrêmement douloureux. Bondi Beach n’est qu’un prélude pour les pays qui continueront à laisser dériver leur jeunesse sans sanctionner, fermement s’il le faut, les dérapages verbaux, première étape vers la violence physique. La seule censure légitime est celle des appels à la haine, et elle doit être strictement encadrée pour éviter les abus propres aux régimes autoritaires. L’urgence est réelle : à défaut de réaction, l’Occident s’expose à des heures très sombres. Et les Juifs seront en première ligne, comme toujours.
© Jean Mizrahi

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