« La trahison des élites, c’est toujours la plus cruelle des abandons. » — André Malraux
« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons. » — Martin Luther King
À la veille d’une date doublement symbolique – la reconnaissance par la France d’un État palestinien et les festivités du Nouvel An juif – Emmanuel Macron a cru bon de dégainer une circulaire et un tweet. Comme toujours chez lui, les mots se veulent définitifs : « vigilance absolue », « réponse immédiate », « punir très fermement ». Une rhétorique martiale qui, à force d’être répétée, a perdu toute force.
Car depuis huit ans, les Juifs de France ont appris à décoder cette communication creuse. Le président multiplie les proclamations solennelles, mais les actes sont absents ou contradictoires. Les circulaires se succèdent, les mots s’empilent, mais la réalité est implacable : l’antisémitisme progresse, les attaques se multiplient, et la peur s’installe.
Le décalage entre les paroles et les actes est devenu abyssal. On ne gouverne pas avec des tweets, encore moins lorsqu’ils sont envoyés dans le vide, sans autorité réelle sur un gouvernement fragmenté et un législatif qui ne le suit plus.
Emmanuel Macron a voulu apparaître comme le rempart de la République ; il n’a réussi qu’à ressembler à un spectateur impuissant, lançant des slogans à la foule alors que la maison brûle.
La responsabilité directe dans la banalisation de l’antisémitisme
Il est faux de croire que l’actuel tsunami antisémite serait tombé du ciel. Les fondations de cette vague ont été créées, consolidées et renforcées par la politique menée depuis 2017.
Dès le début de son mandat, Macron a laissé prospérer autour de lui des personnalités flirtant avec l’antisémitisme ou s’en nourrissant. Certains furent écartés, d’autres adoubés, beaucoup tolérés. À force de compromis, il a fini par donner une légitimité institutionnelle à la haine, en fermant les yeux sur ses relais et ses métastases.
Pis encore, sa politique étrangère n’a cessé d’alimenter le ressentiment contre Israël, transformant chaque prise de position critique en permission implicite de s’en prendre aux Juifs de France. Chacun sait qu’il existe une corrélation absolue entre les attaques répétées contre Israël et les flambées d’antisémitisme en France. Le président le sait, mais il s’en est accommodé, comme si ce lien, loin de l’inquiéter, pouvait lui servir.
Ce n’est pas seulement par faiblesse qu’il a laissé faire. C’est par calcul, parfois par goût. Un goût pervers pour le double langage, où l’on dit une chose à Jérusalem et l’inverse à Ramallah, où l’on promet protection aux Juifs de France tout en caressant leurs adversaires idéologiques. De ce jeu cynique est né un climat délétère : la haine n’est plus marginale, elle est devenue courante, presque légitime.
De Pétain à Macron : le sacrifice volontaire
L’histoire retiendra cette comparaison brutale : pour les Juifs de France, Macron aura été perçu comme un Pétain sans excuse. Pétain avait l’alibi de l’Occupation, la menace tangible de l’Allemagne nazie. Macron n’a aucune contrainte extérieure. Il agit librement. Et c’est librement qu’il a sacrifié « ses Juifs » – non par obligation, mais par choix politique, par confort idéologique, et peut-être par haine personnelle.
Ce qui, pour Pétain, fut une compromission sous la terreur, devient chez Macron une compromission volontaire. Cela le rend plus odieux encore. Car il ne s’agit plus de céder à la peur, mais d’orchestrer consciemment la duplicité, de manier le poison du double langage, de se complaire dans l’ambiguïté. Rien de pire qu’un pervers narcissique au pouvoir : il aime créer le chaos, pour ensuite jouer le rôle du pompier.
De Mélenchon à Macron : du tribun au président
Paradoxe cruel de l’Histoire : Emmanuel Macron, en prétendant incarner le centre protecteur, a fini par mettre en lumière Marine Le Pen comme bouclier et dernier rempart pour les Juifs de France. L’histoire nous joue parfois de ces tours : confrontés au réel, l’apparence des uns devient la vérité des autres. Ce que Macron voulait dénoncer comme une menace, il l’a transformé en refuge. Ce qu’il prétendait combattre, il l’a légitimé.
Les antisémites, hier, s’illusionnaient en voyant en Jean-Luc Mélenchon leur héraut. Mais il n’était qu’un tribun d’opposition, un bateleur sans prise réelle sur le destin du pays. Ses outrances faisaient du bruit, elles excitaient les foules, mais elles restaient cantonnées à la marge, dans les postures et les vociférations.
Aujourd’hui, ils se réjouissent : ils n’ont plus seulement un agitateur, ils ont trouvé un président. En Emmanuel Macron, ils voient un chef d’État qui, sous couvert de subtilité diplomatique et de double langage, a offert à leur haine la caution la plus redoutable : celle du pouvoir suprême. Avec lui, l’antisémitisme n’est plus un cri de rue, il devient une atmosphère d’État ; il ne s’exprime plus dans les marges, il s’infiltre dans le cœur des institutions.
C’est là la tragédie. Mélenchon excitait, Macron légitime. Le premier vociférait, le second consacre. Pour les Juifs de France, c’est le coup de grâce : après avoir été les cibles d’un tribun, ils découvrent qu’ils sont sacrifiés par un président. Et voilà que, par un effet de miroir, celui qui se voulait le barrage à l’extrême droite aura, paradoxalement, présenté Marine Le Pen comme le seul parapet. L’Histoire retiendra cette ironie cruelle : en voulant se poser en protecteur, Macron a fait de son adversaire honnie le refuge inespéré.
Conclusion
Pour les Juifs de France, il n’est plus question d’écouter des promesses. Ils savent que les institutions ne les protègent plus, que la parole présidentielle ne vaut plus rien. Ils n’ont pas peur : ils sont écœurés. Écœurés par l’absence d’empathie, par l’indifférence, par le mépris voilé. Écœurés de constater qu’à l’heure où ils portent encore la mémoire des pires horreurs de l’Histoire, ils doivent faire face à une haine ressuscitée, entretenue, amplifiée par ceux-là mêmes qui prétendent les défendre.
Macron voulait calmer une colère. Il l’a rendue irréversible. Il restera dans la mémoire collective comme l’homme qui, par duplicité et par haine, aura joué avec l’antisémitisme comme on joue avec le feu – et qui aura choisi, au nom de son pouvoir narcissique, de sacrifier ceux qui attendaient protection.
© Richard Abitbol


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