Ce qui devait arriver, arriva : quand Alain Finkielkraut devient l’alibi des ennemis des Juifs. Par L’Étoile de David

Une image circule. On y voit Alain Finkielkraut, cravate pendante, mine sévère, sur un plateau télé. Autour de lui, un montage propre, viral, efficace :
« MÊME LUI EST CONTRE LE NETTOYAGE ETHNIQUE À GAZA »
« J’AI HONTE D’ISRAËL »

Et voilà. Ce qui devait arriver, arriva.
Quand un intellectuel français juif — qui fut jadis défenseur de la mémoire, de la nuance, de la transmission — décide de se pavaner dans la repentance télévisuelle, les ennemis d’Israël, eux, n’ont plus qu’à se baisser pour ramasser. Et à s’en servir comme d’une matraque pour cogner, encore un peu plus fort, sur ceux qu’ils détestent vraiment : les Juifs qui refusent d’avoir honte.

Le prix du spot

Peut-être, M. Finkielkraut, avez-vous oublié que les phrases que vous prononcez — en plateau, sur France Culture, dans Le Monde ou à la table d’Edwy Plenel — ne restent pas là. Elles ne sont pas citées dans un séminaire discret de Normale Sup. Elles deviennent images. Armes. Hashtags. Légendes.
Et comme celle-ci, elles sont reprises par des militants antisémites pour justifier leur haine, pour dire :
— Regardez, même les Juifs le disent.
— Même les intellectuels de chez vous ont honte de ce que vous êtes.
— Même eux appellent cela un nettoyage ethnique.
Vous, en quête de lumière, vous leur offrez le projecteur.

Un mot qui tue

Le mot est fort : nettoyage ethnique. Il ne vous a pas échappé, Monsieur le Philosophe, que ce terme n’est pas neutre. Il évoque la Bosnie. Le Rwanda. L’Holocauste. Il jette sur Israël le soupçon du génocide, il inscrit l’État juif dans une lignée criminelle.

Et vous le prononcez en sachant très bien ce qu’il déclenchera.

À moins que vous ne sachiez plus. Que votre besoin d’être entendu, votre besoin d’être cité, ait pris le pas sur votre devoir de responsabilité.

Le club des Shame Miles, acte II

On en parlait hier : il existe désormais un barème symbolique — appelons-le les Shame Miles.
Pour chaque sortie contre Israël : quelques points.
À 3 000 Shame Miles : une invitation à La Grande Librairie.
À 5 000 : une chronique dans Libé.
À 7 000 : un stage au Forum de Doha pour “la paix”.
À 10 000 : l’entrée au panthéon des intellectuels français “libérés de leur judaïsme pesant”.
Et au-delà : la canonisation laïque.
Vous y êtes presque, Alain. Courage. Encore deux ou trois phrases. Encore un ou deux reniements, et la légion d’honneur du désengagement ne sera plus très loin.

Une haine recyclée

Mais vous, vous ne la voyez pas, cette haine recyclée dans vos mots. Vous ne voyez pas comment vos propos sont utilisés non pas pour défendre les Palestiniens, mais pour frapper les Juifs.

Ce que vous appelez honte, ce que vous appelez lucidité, ce que vous appelez morale, les autres l’appellent preuve.
Preuve que le Juif est coupable.
Preuve qu’il faut l’exclure, le harceler, le faire taire.
Preuve que même l’intellectuel juif n’a plus rien à défendre.

Un philosophe sans peuple

Vous ne vivez pas en Israël.
Vous ne connaissez pas les soldats qui enterrent leurs camarades.
Vous ne vivez pas avec les familles dont les enfants ont été enlevés.
Vous ne savez pas ce que c’est que d’envoyer ses enfants à l’école sous escorte.
Mais vous pensez savoir mieux qu’eux.
Vous, vous savez ce qu’est la justice, la morale, l’universel. Vous corrigez de loin, comme un surveillant de bac qui note les copies d’un autre siècle.

Et pendant ce temps…

… des jeunes juifs cachent leur étoile de David dans le métro.
… des écoles juives reçoivent des menaces.
… des synagogues doivent être gardées par l’armée.
Mais vous avez honte d’Israël.
Pas de cette France qui tolère que l’on scande “mort aux Juifs” dans ses rues.
Pas de cette France où la haine des Juifs se recycle en « critique d’Israël ».

Une honte bien française

Alors oui, ce qui devait arriver est arrivé.
Vous êtes devenu une arme de vos ennemis.
Et vous n’en êtes même pas conscient.

Mais les Juifs de France, eux, en paient déjà le prix.
Avec leurs enfants, leurs noms, leurs portes, leurs écoles.

Et ce que vous appelez honte, Monsieur Finkielkraut,
nous l’appelons courage.
Celui de ne pas fuir.
Celui de ne pas renier.
Celui de rester debout — même sans projecteur

Alain tais toi, tes mots vont tuer des juifs.

© L’Étoile de David

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7 Comments

  1. « Nul n’est prisonnier à vie de ses déclarations. Il ne tient qu’à lui de tourner la page. »
    Cette phrase d’Alain Finkielkraut me semble être la clé.

    Je salue l’effort d’un homme qui n’a jamais cessé de se confronter à ce qu’il croyait savoir. Je n’ai jamais oublié qu’il a été la cible de sarcasmes, de menaces, d’attaques antisémites violentes. À cette époque, il tenait bon, au prix de sa tranquillité. Aujourd’hui, il poursuit le même chemin, mais avec une volonté d’ajuster sa parole

    Je ne suis pas juif. Mais ce que je vois, ce que j’entends dans ses propos récents, ne correspond pas à l’image que vous décrivez dans votre texte. Je n’ai pas l’impression qu’il appelle Israël à subir, ni qu’il se place dans le camp de ceux qui voudraient délégitimer l’existence même de cet État. J’y entends plutôt la voix d’un homme qui s’interroge quitte à s’exposer à la polémique.

    On peut discuter ses mots, on peut regretter certains choix. Mais je persiste à croire que sa démarche n’est pas celle d’un reniement.

    En bref, merci Finkielkraut, juif parmi les juifs

  2. Je rejoins les propos magnifiques de M. l’homme honnête sur Alain Finkielkraut. Merci de les avoir tenus quand beaucoup, ici même, sonne l’hallali.

    Il y a d’abord tout ce qu’il nous aura apporté par ses livres, par son œuvre, lui, ce juif de parents polonais, éloigné par l’histoire familiale et personnelle de la pratique du judaïsme, et qui a su avec quelques autres nous rappeler l’importance et la singularité métaphysiques de cette religion, de cette civilisation et cela après la shoah. Il nous aura permis de lire Lévinas, Péguy et tant d’autres, autrement. De redevenir des lecteurs de la Bible. Il aura été aussi le fidèle ami de Kundera et de Roth dans des moments difficiles et d’abord quand il a fallu combattre ce « Biafra de l’esprit » que fut le totalitarisme stalinien réprimant par ses chars le printemps de Prague. Moi qui ne suis pas juif, qui suis même fondamentalement athée, ma dette envers lui est considérable, impayable.

    Je ne suis pas d’accord avec lui sur la reconnaissance – purement formelle, convenons-en – de l’État de Palestine, qui n’est pas un État-nation comme il en existe tant de par le monde, mais un État islamiste frériste visant la destruction de l’État d’Israël, seul État laïc et démocratique dans la région de par la volonté farouche – ou l’indifférence peut-être diront certains – de Ben Gourion afin que cet État ne soit pas un État juif comme le souhaitait à l’origine Herzl.

    Mais au-delà de ce désaccord important, j’en conviens, reconnaissons la sincérité de Finkielkraut dans ce choix qu’il fait à l’opposé du nôtre. Car son choix, j’en suis sûr, ne saurait être mesquin ou intéressé. Ni la vieillesse ni quelque souci de reconnaissance, de notoriété pour cet Académicien français, ni aucune prébende sont les causes qui viendraient expliquer un tel choix. Expliquez par là les propos du méprisable Villepin, si vous voulez, sans conscience ni scrupule, ayant fait sa réputation sur un discours qu’il n’a même pas écrit mais seulement lu en histrion et poseur qu’il est, et vous aurez entièrement raison, mais pas pour un homme qui est d’abord une sorte de héros cornélien, un juif authentiquement juif et déchiré par des exigences morales qui sont pour lui comme un terrible et douloureux écartelement : ce qu’exige une fidélité à un peuple auquel il appartient, à une histoire séculaire d’un côté et une fidélité sans doute à la lettre de la Loi : « tu ne tueras point » de l’autre. On ne peut pas traiter cela à la légère, dans le confort de nos propres certitudes. On ne peut pas lui en faire le reproche sinon dire qu’on ne le suivra pas pour une fois, pour cette fois. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, comme le font les nations, toujours ingrates et empressées de faire place nette pour montrer leur belle âme. Tous les choix auxquels il faut nous résoudre doivent être décidés avec crainte et tremblement.

    Je crois qu’Alain Finkielkraut se trompe, que reconnaître un État de Palestine ce n’est pas combattre le Hamas mais le légitimer, le récompenser, le renforcer. Mais il faut reconnaître que côté israélien, comme beaucoup de soldats de Tsahal le disent, soldats de gauche et de droite, il faudra bien un jour terminer cette guerre menée à Gaza contre les islamistes, même si elle ne parvient pas, hélas, à faire libérer les otages et anéantir les terroristes qui terrorisent aussi une population palestinienne pas toute acquise à la cause des auteurs du pogrome du 7 octobre. « Pour dix justes, je ne détruirai pas. » Peut-être trouverait-t-on à Gaza les dix justes que Dieu ne trouva pas à Sodome. On peut l’espérer malgré l’épaisseur de l’antisémitisme qui règne partout dans le monde arabo-musulman où Mein Kampf est disponible dans toutes les bonnes librairies. Bien sûr, il est certain que ces questions sont de nature différente : envisager la fin d’une guerre qu’il faudra bien terminer et reconnaître un État, ce qui n’est plus une question militaire mais politique.

    « Il a changé notre Finki, mais je l’aime bien quand même.» disait généreusement Daniela dans un post du 16 septembre sur TJ. Je ne peux que reprendre à mon compte cette parole qui vient du cœur. En remerciement pour ce qu’il fut et qui aura permis à quelques uns d’entre nous d’être devenus ce que nous sommes.

  3. A. Finkielkraut n’est pas un philosophe. Les mots ont un sens. Imagine-t-on Spinoza , Diderot, et Nietzsche se prostituer sur les plateaux de TV et de radio ?

  4. Finkielkraut est simplement Finkielkraut, c’est-à-dire un nom qui désigne une œuvre et un style, que vous êtes libre de ne pas lire, de détester, de critiquer, d’apprécier, de prolonger, etc. Et c’est bien la seule chose qui importe. « Philosophe » reste une étiquette qui sert seulement le marketing éditorial.

    Je vous mets au défi de me dire en vérité, ce que doit être un philosophe pour mériter un tel titre. Vous vous lanceriez dans un épineux problème, vieux de vingt-cinq siècles, et qui n’a pas encore trouvé de réponse satisfaisante, il me semble. En tout cas, je retiens de votre propos que, selon vous, un philosophe est quelqu’un qui ne doit pas se montrer à la télévision, parler à la radio ou se prostituer. Voilà des critères après tout qui en valent bien d’autres plus sophistiqués. Je crois en me les appliquant à moi-même pouvoir vous dire que je suis un philosophe. Merci de donner un sens tout à fait nouveau et inespéré à mon anonymat et à ma vertu.

  5. @Alain Bienaimé
    Vous êtes trop intelligent et trop cultivé pour ne pas vous être rendu compte que les étiquettes philosophe, écrivain et intellectuel sont devenues vides de sens. Mon propos ne vise pas uniquement Alain Finkielkraut et les autres intervenants des plateaux TV : c’est un constat général. Il me semble que pour mériter le titre de philosophe, il faut au moins faire preuve d’une hauteur de vue et d’une capacité d’analyse hors du commun. Cela ne saurait suffire : il faut également avoir apporté quelque chose de neuf et de constructif à la pensée humaine. Et il peut y avoir des écrivains-philosophes (ex Marcel Proust), des poetes-philosophes (ex Charles Baudelaire), des scientifiques-philosophes (ex Albert Einstein). Vous ne m’en voudrez pas si je refuse d’accorder ce statut à des People incapables de comprendre et encore moins d’analyser le monde où ils vivent. Certains auteurs publiés dans Tribune Juive ou d’autres sites du même ton, et qui ne se définissent pas comme philosophes, seraient en fin de compte bien plus dignes d’être qualifiés ainsi. Bien à vous.

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