
Mme von der Leyen et la Commission sont désormais sur la sellette. La Commission et sa cheffe se croient investies de tous les pouvoirs et donc, celui de passer des accords qui portent préjudice sinon à tous, mais à certains. Les deux derniers épisodes qui mettent à mal l’Institution et sa pilote sont l’accord consenti avec le Mercosur, rejeté par les agriculteurs français et l’ accord sur les tarifs douaniers fortement désavoué par tous, Allemagne en tête (premier pays de l’UE) – pays le plus touché car c’est le plus important économiquement et très exposé à l’exportation. Concernant l’accord sur le Mercosur il est probable que la France sera un opposant minoritaire.
Mme von der Leyen avait même souligné la « très grande qualité de négociateur du président Trump » lors de leur rencontre en Ecosse, autour d’un terrain de golf, alors…
L’effet domino
Ces échecs ont mis en évidence l’absence d’autonomie de l’UE vis à vis de Washington et le manque de fermeté vis à de l’Amérique du Sud. D’autres souligneront le manque de compétences et la capacité nécessaire pour agir au mieux des intérêts des pays.
Le soutien de l’UE à Israël mis à mal
Enfin le soutien quasi inconditionnel de la Commission à Israël provoque de vives réactions dans certains pays, particulièrement en Espagne. La crise politique française ajoute de la crise à la crise. Car la position à adopter vis à vis d’Israël est loin d’être unanime. Elle varie d’une rupture complète des relations avec l’état hébreu à la suspension de tous les accords, qui est la position en pointe de Madrid. Alors que l’Allemagne est beaucoup plus modérée et circonspecte, vu ses relations étroites avec Jérusalem. Ce qui n’est pas du tout le cas de Madrid qui s’impose définitivement comme le fer de lance des pro palestiniens en Europe. Son premier ministre P. Sanchez a même osé déclarer regretter de ne pas avoir la bombe atomique pour arrêter Israël.
Enfin il y a plusieurs autres pays de l’UE qui utilisent du matériel israélien et qui n’envisagent pas d’interrompre leur relation. La position française, suivie par plusieurs membres, de reconnaitre inconditionnellement « l’état de Palestine » voit une nouvelle ligne de fracture apparaître au sein-même de l’Union. La Cheffe de la Commission a passé sous un silence total l’échec de son plan contre l’antisémitisme (2021-2030) qui n’a pas eu de résultats concrets, si on en juge par le tsunami actuel qui n’épargne aucun pays de l’Union.
L’abaissement de la note attribuée à Paris par FICHT est un signe des marchés qui ne doit tromper personne. C’est un premier avertissement (avec frais à suivre) qui aura pour conséquence, à terme, de voir les taux d’intérêts sur la dette française grimper. Donc la France verra le montant de ses remboursements automatiquement croître si rien n’est fait sérieusement et très rapidement pour la réduire.
Sortie possible de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
On n’exclut pas une sortie ou au moins une suspension de l’adhésion de l’UE à l’OMC, car on considère que toutes les règles sur le Libre-Échange, pierre de fondation de l’organisme, sont violées, quand un membre, les États-Unis, impose à un autre des droits de douane unilatéralement. C’est ce que l’UE subit sauf s’il y avait une renégociation de cette situation, qui permet à Washington d’exporter sans droits de douane en Europe.
Dépendance énergétique du gaz naturel russe dans l’UE
Dans le même temps, alors que l’UE évoque un dix-neuvième paquet de sanctions(?), plusieurs pays de l’UE continuent à acheter du gaz russe. Ce qui fournit des revenus aux Kremlin, pendant que l’UE prétend lui appliquer sanction après sanction. Sur les six premiers mois de 2025 les importations de l’UE en gaz naturel liquéfié (GNL) de Russie sont passées sous la barre des 10%. Toutefois pour l’année en cours elles devraient dépasser 14% pour l’ensemble des 27 (source Grand continent). La France est devenue le plus gros importateur en 2024, selon le groupe de réflexion IEEFA. La Hongrie et la Slovaquie continuent depuis le début des sanctions à s’opposer à l’embargo sur les achats de gaz et de pétrole russe – qu’ils poursuivent malgré les décisions de l’UE. Accessoirement la Turquie, membre de l’Otan, continue son approvisionnement de pétrole et de gaz russe, sans fléchir. Cherchez l’erreur.
Une crise de l’Euro est elle possible
La situation politique et économique de la France, deuxième pays de l’UE après l’Allemagne, commence à susciter des inquiétudes fondées. Le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans la dette et ses conséquences dramatiques à terme. Le budget militaire français est passé d’un peu plus de 32 milliards en 2017 pour atteindre 64 milliards en 2027, soit un doublement en à peine 10 ans.
Pendant ce temps l’endettement atteint près de 115% du produit brut intérieur. Selon certains économistes il pourrait grimper jusqu’à 150% d’ici 2030, si la France ne corrige pas sa trajectoire de toute urgence, car les taux d’intérêt payés sont désormais supérieurs à ceux appliqués à la Grèce. Le service des intérêts devrait se situer autour de 67 milliards en 2025. Parallèlement l’Allemagne emprunte également et augmente son endettement qui doit passer de 62% à 100% du PIB pour financer son énorme programme militaire. Elle en a les moyens, car sa balance du commerce extérieur est largement excédentaire, pendant que celle de la France, en comparaison, est doublement déficitaire . Ce qui fait toute la différence en matière des taux payés. L’Europe a appris vendredi l’abaissement de la notation de Paris par FICHT. Sans provoquer immédiatement une crise, c’est un signe avant-coureur, qui pousse vers le haut les taux d’intérêt pratiqués sur la dette française.
Le discours passéiste de la Présidente de la Commission sur l’état de l’UE
Vu le mécontentement général, c’est sans doute son dernier mandat et son dernier discours. Elle a largement pratiqué l’auto-satisfaction sur les réalisations effectives et n’a pas manqué de s’étendre sur l’Ukraine qui aura été largement au cœur de ses propos, car devenu le sujet « incontestable ».
Elle a également évoqué plusieurs grands projets, on dira « trop ambitieux pour l’heure », en matière de politique climatique. Le dernier contentieux, de grande actualité, concerne le passage définitif des véhicules à énergie fossile à l’électrique prévu en 2035. L’industrie réclame un délai supplémentaire de 3 ans minimum, car elle n’est pas prête à ce changement technologique majeur, face à l’invasion chinoise, qui, elle, est en avance sur l’Europe.
Si la date actuelle n’est pas revue, l’industrie automobile sera en très grande difficulté. La chute des ventes actuelle n’en sera qu’amplifiée. L’Allemagne travaille déjà à transformer des usines automobiles en usines militaires.
Elle a largement évoqué ses projets de politique industrielle susceptibles de doter dans le futur une industrie militaire européenne, bien que l’UE à date n’ait pas de vocation au plan militaire. La « grande novation » est la nomination d’un responsable des PME. On reste impressionné par cette décision d’avant-garde. C’est d’autant plus surprenant quand on apprend aussi la décision de la Commission d’instaurer une Loi sur la chaîne d’approvisionnement au sein de l’UE :
Avec obligation de preuve détaillée à tous les niveaux, de valeur mondiale. C’est une démonstration éclatante de plus de la bureaucratie à l’œuvre. Les PME, qui ont déjà du mal à s’adapter à la suprématie des normes édictées par Bruxelles, que ce soit en Allemagne ou en France, le seront encore plus lorsqu’on sait que la bureaucratie française ne veut pas être en reste. Elle applique le nom moins fameux « principe de sécurité », autrement dit, qui dit mieux en matière de normes, laver plus blanc que blanc reste un défi que certains pays pensent devoir relever.
En Allemagne un grand distributeur de café a déjà dû renoncer à ses approvisionnements en Éthiopie car ses petits fournisseurs dans ce pays pauvre sont incapables de satisfaire à ces nouvelles conditions. Comme c’est un cas général, autant de pays pauvres en seront victimes, comme le seront ensuite les consommateurs.
Crise de leadership
Manifestement tant le Conseil européen composé des chefs d’état que la Commission et sa Cheffe ne se sont montrés à la hauteur de la situation. On a agi en total décalage avec les peuples et leurs problèmes. C’est une forme d’oligarchie politico-bureaucratique qu’on a laissée progressivement imposer son mode de commandement. Plus de prérogatives, plus de normes, plus de décisions en lieu et place des pays eux-même.
Le Conseil a laissé faire, la Commission a laissé croire. Tout le monde s’est endormi et le réveil s’avère très dur.
À date, restent à traiter le plus grand sujet resté en l’état ou presque: l’immigration et toutes ses implications. Ensuite doivent être revus et modifiés les prérogatives de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la Cour européenne de Justice, qui empêchent les états d’appliquer le droit et de protéger ses citoyens. Ce n’est pas aux instances européennes de prêcher la morale aux états-membres. En revanche il n’est peut-être pas trop tard pour revoir le mode de fonctionnement de la machine européenne, sinon elle risque d’être rejetée par les peuples, qui n’en voudront plus du tout. Les pères fondateurs pensaient que la monnaie unique serait le carburant et le ciment idéal. Hélas la réalité s’est révélée différente. Une fois de plus il ne faut pas prendre l’apparence de la réalité ( le « tout va bien mais ») avec la réalité elle-même .
Ainsi va le monde,
© Francis Moritz
Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion. Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps

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