« De l’Enéide et de la haine… d’Israël ». Par Aline Benain

Aline Benain

J’achève la lecture du livre de Pascale Roze, « Le roman de Mécène », récemment paru et à propos duquel des chroniqueurs complaisants ont évoqué sans rire le souvenir des « Mémoires d’Hadrien ». C’est d’ailleurs ce qui avait attiré mon attention sur lui.

La trame du récit est la vie de Mécène qui découvrit Virgile, Horace et Properce dont il sut placer la renommée au service d’Auguste. Il vaut essentiellement par le rappel de quelques-uns des plus beaux morceaux de la littérature latine, les « Géorgiques » et l’ »Enéide » d’abord.

Il ramène à la mémoire les Budé bilingues et le Gaffiot où l’on espérait trouver un petit morceau de phrase traduite pour aider à une version coriace. Une madeleine de khâgneux, ce qu’assurément on ne lui reprochera pas.

Le moindre problème est que Pascale Roze nous inflige, avec le récit de la vie de Mécène, celui de la sienne propre, dont on se moque passablement, et se risque au petit jeu très à la mode de l’anachronisme. Cela nous vaut quelques savoureuses comparaisons, au choix, entre Auguste et Joe Biden, Auguste et Staline, Auguste et Poutine.

Bécassine historienne.

Tout ceci ne serait pas grave -un mauvais livre de plus- si l’on ne lisait sans d’abord vouloir y croire vraiment, page 437, le paragraphe suivant : « J’écris pendant que l’attaque du Hamas et l’attente de la réplique d’Israël jettent leur ombre mortelle sur le monde. J’ai peur d’apprendre la réplique d’Israël. Je me dis que si Israël ne réplique pas, la terre est sauvée, la loi du Talion vaincue. Hélas, la réplique est tombée. »

Passons sur la compréhension béotienne de la Loi du Talion qui ne fait que poursuivre des siècles de polémique chrétienne contre le Judaïsme. Il y a bien pire qui arrive à nous sidérer encore malgré le déferlement de haine auquel nous sommes, désormais, presque habitués.

Ainsi donc, selon Pascale Roze, ce qui éteint définitivement l’espérance du monde ce n’est pas la barbarie du 7 octobre, ce ne sont pas les massacres, les meurtres, les viols, non, ce qui voue la terre au chaos, c’est qu’Israël ait osé se défendre. La mécanique de l’inversion accusatoire touche ici à une forme de perfection tranquille : sous l’absence de virulence du style, le propos est parfaitement abject.

Il dit un monde où la seule place accordée aux Juifs, aujourd’hui comme hier, est celle de victime, le seul droit qui leur soit consenti, celui de baisser la tête, le seul avenir envisageable, la soumission.

Pascale Roze pourtant connait Virgile. Elle sait qu’Enée a fui Troie détruite par les flammes avant d’aborder aux rivages où sera fondée Rome.

Fuir les flammes et continuer toujours, renaitre encore, revenir même d’où nous avons été chassés, nous autres Juifs savons aussi le faire.

C’est toute l’histoire d’Israël.

Sans perdre jamais l’espoir de vivre en paix avec tous ceux qui aspirent vraiment à la fraternité.

© Aline Benain

Aline Benain est Historienne et Professeur d’Histoire

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