
Je suis devenu nationaliste. Un mot lourd, sale, excommunié par les nouveaux prêtres de l’universel — mais un mot que je prononce désormais sans honte, avec la gravité d’un testament. Nationaliste de France, certes, puisque c’est ici que j’ai appris la langue, l’humilité, la fidélité au sol et aux morts. Mais aussi d’Israël, de la Hongrie, de l’Allemagne, de l’Italie, des États-Unis — de toute nation encore assez digne pour vouloir survivre, assez fière pour refuser de disparaître.
Cette conviction ne m’est pas venue d’un coup. Elle a mis des années à s’imposer, comme une silhouette que l’on voit d’abord de biais, puis que l’on ne peut plus ignorer. Elle est née de l’écoute — de cette attention lente, patiente, presque clandestine que j’ai commencée un jour sans le savoir, en prêtant l’oreille à ces voix que l’époque n’entend plus. J’ai écouté des gens simples, réels, fatigués d’avoir trop encaissé : des ouvriers au bout du souffle, des professeurs désarmés, des mères seules, des vieillards humiliés, des paysans que l’on chasse de leur propre histoire. Aucun ne cherchait à convaincre. Tous parlaient vrai. Et dans leur voix, quelque chose vibrait — une vérité nue, qui fendait le mensonge du temps.
C’est ainsi que j’en suis arrivé là : non par construction idéologique, mais par effondrement progressif des faux-semblants. À force d’écouter, j’ai appris à voir. Et ce que j’ai vu, c’est que nos nations, nos peuples, nos langues, nos formes de vie — tout ce que nous tenions pour éternel — sont aujourd’hui menacés. Non par une guerre ouverte, mais par une dissolution lente, méthodique, dont les agents sont à la fois dissimulés et omniprésents. Ce sont les trois totalitarismes contemporains, trois visages d’une même entreprise de dévastation.
Le capital d’abord : abstrait, apolitique, liquide. Il rêve d’un monde sans frontière, sans attache, sans peuple. Il veut des consommateurs dociles, sans mémoire, errants, obsédés par leur bonheur solitaire, branchés à une matrice invisible qui les surveille et les dirige. L’homme du capital, c’est celui qui n’a plus de pays, plus de langue, plus de fidélité. Il ne veut plus transmettre : il veut durer. Il ne veut plus croire : il veut jouir.
Puis vient l’islamisme, projet religieux total, qui rêve d’une oumma mondiale, d’un empire soumis à une loi unique, celle de Dieu. La nation, dans ce projet, est une hérésie : elle divise là où il faut unifier, elle singularise là où il faut soumettre. L’islamisme ne négocie pas : il avance, patiemment, s’installe dans les failles, convertit, reconquiert. Il est une force, et il méprise les faibles.
Enfin, le néo-communisme, dernier masque de l’utopie égalitariste. Il ne croit pas à la nature humaine : il veut la reconstruire. Il rêve d’un homme nouveau, indifférencié, sans sexe ni peuple, sans mémoire ni territoire. Il hait l’histoire, le tragique, la nuance. Tout ce qui distingue est à ses yeux une injustice. Il n’a pas besoin de camps : ses goulag sont numériques, mentaux, culturels. Il exclut, il diffame, il réduit au silence.
Ces trois totalitarismes — le marché, l’idéologie, la religion politique — ne partagent pas les mêmes buts, mais ils marchent ensemble. Et leur objectif commun est clair : l’effacement des nations. Pour y parvenir, ils utilisent les armes classiques du mensonge : la propagande, la culpabilisation, la censure. Le capitalisme détruit par la distraction et la solitude. L’islamisme interdit le blasphème. Le néo-communisme supprime la parole dissidente. À chacun son goulag : pour l’un c’est l’oubli, pour l’autre la charia, pour le troisième la mort sociale.
Et pourtant, j’ai vu se lever, un peu partout, des voix brisées mais debout. Des femmes et des hommes qui, las de se taire, se sont mis à parler sans masque. Non pas en militants, mais en témoins. Ils n’ont plus peur. Ils ne veulent plus plaire. Ils disent ce qu’ils vivent : l’insécurité, la dépossession, la fatigue morale, le sentiment d’un monde qui se défait. C’est en les écoutant que j’ai compris : que la vérité ne vient plus d’en haut, mais du bas ; qu’elle est fragile, mais tenace. Et qu’il faut lui prêter sa voix.
Car dire le réel aujourd’hui, c’est déjà résister
Car dire le réel aujourd’hui, c’est déjà résister.
Être nationaliste, ce n’est pas exalter un passé figé, c’est défendre la possibilité même d’un avenir habitable. C’est croire qu’un peuple est plus qu’une somme d’individus, qu’une langue est plus qu’un outil, qu’un territoire est plus qu’un espace. C’est refuser de se dissoudre, de se soumettre, de se taire. C’est affirmer, à contre-courant, que la beauté du monde tient à sa diversité : non pas celle des slogans, mais celle des civilisations.
Et moi, je choisis de rester du côté des peuples. Non pour dominer, mais pour durer. Non pour exclure, mais pour transmettre. Non par haine, mais par amour.
Un amour rude, grave, tragique : celui qui sait que tout peut disparaître — et qui décide, malgré tout, de tenir.
© Charles Rojzman
Dernier ouvrage paru: « Les masques toment. Illusions collectives Vérités interdites. Le réel, arme secrète de la démocratie »

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