
Ils ne marchent plus au pas ; ils n’ont plus besoin de bottes. Ils n’ont plus le drapeau de leur pays, seulement le palestinien. Ils n’ont pour emblème que le sourire égalitaire du Bien, cette grimace morale dont ils se parent comme d’un uniforme de parade. Les nouveaux petits fascistes ne lisent plus Nietzsche ni Drieu : ils twittent des slogans compassionnels, ils prêchent l’inclusion, la diversité, l’antiracisme — mots si usés qu’ils ne disent plus rien sinon leur propre vacuité. Ils sont les enfants gâtés d’une époque qui croit conjurer la barbarie en la mimant dans le langage.
Sous les atours de la tolérance, c’est la haine de toute dissidence qui opère. L’époque n’a plus besoin de censure officielle : elle produit sa propre police intérieure, faite de délations numériques, d’excommunications médiatiques, de procès moraux sans appel. Le dogme se veut progressiste, mais il est d’essence inquisitoriale. Il ne supporte pas qu’on l’interroge, qu’on le soumette à l’épreuve du réel. Il hait le doute comme autrefois l’Église haïssait le péché de pensée.
Ces enfants du ressentiment — car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une génération élevée dans le confort mais se rêvant martyre — ont troqué les fusils contre des hashtags, les camps contre des réseaux, la censure contre la vertu. Ce ne sont plus les livres qu’ils brûlent, c’est leur souvenir même, leur présence dans le canon d’une culture qu’ils abhorrent parce qu’elle est trop blanche, trop masculine, trop enracinée.
Ils prétendent abolir les frontières, les sexes, les hiérarchies, sans voir qu’ils érigent de nouvelles clôtures, plus sournoises, plus féroces : celles de l’opinion obligatoire. Le monde qu’ils préparent est une utopie glacée, un empire sans territoire, où chacun ne sera plus que l’ombre fluide d’un être sans passé, sans nom, sans héritage.
L’antifascisme est leur mot-fétiche, leur incantation préférée. Mais à regarder de près leurs méthodes — interdits, invectives, diffamations, purges culturelles — on croirait lire le manuel d’un commissaire politique d’un autre siècle. Ils ne brûlent pas les hommes ; ils les effacent. Ce n’est plus la Terreur au sens sanglant, mais une violence blanche, aseptisée, d’autant plus impitoyable qu’elle se croit du côté du Bien.
Ils veulent un homme nouveau — ce rêve qui toujours précéda les pires cauchemars. Un homme sans racines, sans sexe, sans langue propre. Un homme interchangeable, consommable, docile — idéal pour le marché comme pour l’idéologie. Ce qui les anime n’est pas la justice : c’est le vide. Le vide laissé par la chute des dieux, la fin des nations, la dissolution des familles, le mépris de la beauté.
C’est une époque qui prétend défendre la différence mais pour mieux l’abolir. Qui vante la pluralité mais hait la singularité. Qui célèbre la mémoire de l’Autre en crachant sur la sienne. Ce qu’elle cherche, ce n’est pas l’égalité : c’est l’oubli.
Et dans cet oubli général — oubli des morts, des patries, des pères — s’avance, à pas feutrés, une forme de totalitarisme qui ne dit pas son nom. Il ne tonne pas, il susurre. Il ne défile pas en colonne, mais circule à travers les fibres invisibles du langage, des réseaux, des lois molles votées au nom du Bien. Ce n’est plus un fascisme d’uniformes et de bottes, mais un fascisme sentimental, larvé, engendré par une société qui, ayant renoncé à l’autorité, cherche dans la moraline l’équivalent d’un ordre perdu.
Ce fascisme ne brutalise pas ; il cajole. Il vous regarde d’un œil compatissant pendant qu’il vous censure. Il vous murmure des mantras de tolérance pendant qu’il efface vos paroles. Il se réclame de l’amour, mais ne tolère rien d’autre que sa propre image — pâle reflet d’un monde qui n’aime plus rien, sinon sa propre dissolution. C’est une dictature d’autant plus implacable qu’elle se veut douce, progressiste, inclusive — et qu’elle avance masquée, vêtue de toutes les vertus de son temps, comme autrefois les fanatiques se drapaient dans la foi.
Ainsi s’impose ce nouvel ordre : sans bourreau ni tribunal, sans canon ni croix gammée. Il vous convainc de disparaître au nom de l’autre. Il vous apprend à haïr ce que vous êtes, à récuser vos racines, à réécrire votre passé pour qu’il ne vous reste plus que l’instant présent — ce présent perpétuel et sans mémoire où l’homme n’est plus qu’un consommateur de causes, un spectateur de sa propre disparition.
Et ce monde-là, qui se croit libre, n’est que le décor feutré d’une servitude nouvelle.
© Charles Rojzman
Vient de paraître:

Dernier ouvrage: « Les Masques tombent. Illusions collectives, vérités interdites. Le réel, arme secrète de la démocratie ». FYP Éditions. Mai 2025
Ces foules scandant Black Lives matter et Free Palestine ou From the river to the sea représentent le Mal absolu. Le summum du crétinisme et le summum de la haine (y compris la haine de soi).
Si par rapport aux années 30, le Nazisme a changé de visage, il n’en conserve pas moins un élément constant et central : la haine des Juifs. Pour savoir quels sont les régimes Nazis actuels, il suffit de dresser la liste des pays où la haine antisémite est totalement banalisée en actes et en discours, dans la rue et la sphère publique, au niveau politique, médiatique et universitaire. Nous vivons dans l’un d’eux.
Analyse très juste.
Pour moi enfin des mots qui expriment ma pensée sur ce sujet.