Moyen-Orient: Obsession génocidaire ou Passion de la disparition. Par Charles Rojzman

Il est des erreurs qui ne sont pas des fautes, mais des égarements de l’intelligence happée par le vertige moral de l’Histoire. Ce sont celles de la conscience occidentale, quand elle se fait militante et rêveuse, emportée par le fantasme d’un monde lavé de toute impureté coloniale, de toute domination, de tout pouvoir légitime. Alors l’intellectuel devient aveugle, non pas malgré son savoir, mais à cause de lui, comme un voyant qui refuserait la lumière pour mieux s’enivrer de sa propre cécité.

De la défense du goulag au culte de Mao, des illusions khmères au messianisme de Khomeini, jusqu’aux hallucinations du FLN, la gauche européenne s’est longtemps bercée d’un rêve ensanglanté : celui d’une pureté révolutionnaire qui justifierait tout — même l’horreur. Aujourd’hui, ce rêve a trouvé une nouvelle scène tragique : le conflit israélo-palestinien, où se rejoue, en boucle, l’antique fable du faible contre le fort, du colonisé contre le colon, du juste contre l’oppresseur. Mais il ne s’agit là que de théâtre moral, où le réel est sacrifié sur l’autel du symbole.

La pierre contre le char. L’enfant contre le soldat. Le keffieh contre l’uniforme. L’imaginaire occidental a besoin de cette image — elle lui est nécessaire pour continuer à croire en sa propre innocence, pour se croire du côté du bien. Peu importe que cette image soit fausse, partielle, truquée. Peu importe que, derrière la façade d’une résistance romantique, se cachent des tyrannies cyniques, des régimes corrompus, des prêches haineux, des enfants sacrifiés non à la paix, mais à l’idéologie du martyre.

À Ramallah, une bourgeoisie prospère, grassement financée par les aides européennes, vit au rythme de la corruption endémique de l’Autorité palestinienne, née des accords d’Oslo (1993), tandis que dans Gaza, soumise depuis 2007 au joug du Hamas, une milice islamiste née dans le giron des Frères musulmans, la vie est réduite à une alternance de sièges, de ruines et d’embrasements. Là où il faudrait construire, il démolit ; là où il faudrait éduquer, il endoctrine.

La guerre de Gaza (2023–2024), déclenchée par l’attaque barbare du 7 octobre 2023 — 1 200 civils israéliens massacrés, des enfants égorgés, des femmes violées, des vieillards brûlés vifs, des familles entières enlevées — a mis fin brutalement à l’illusion d’un statu quo maîtrisable. Jamais depuis la création de l’État d’Israël en 1948, les Juifs n’avaient été ainsi tués en une seule journée. L’histoire bégaie : et l’on vit dans cette barbarie froide le retour d’un antisémitisme archaïque, réincarné dans une modernité nihiliste, numérique, décomplexée.

Les représailles israéliennes furent terribles — bombardements massifs, invasion terrestre, combats urbains acharnés. Gaza fut à nouveau écrasée sous la pierre et le feu. Mais qui a voulu cette guerre ? Qui l’a provoquée, méthodiquement, depuis des années, en creusant des tunnels, en armant les enfants, en se servant des hôpitaux comme de boucliers vivants ? Il faut le redire : le Hamas ne cherche pas la paix. Sa charte fondatrice (1988) l’affirme sans ambiguïté : la destruction totale de l’État d’Israël est son but. Il ne combat pas pour un État palestinien, mais pour une apocalypse théologique.

Israël, lui, a cru. Il a cru en Camp David (2000), quand Ehud Barak proposa à Yasser Arafat un État palestinien sur 94 % de la Cisjordanie. Il a cru à Taba, à Annapolis, à l’Initiative arabe de paix (2002). Il s’est retiré unilatéralement de Gaza en 2005, laissant derrière lui des serres et des infrastructures que le Hamas réduira en cendres. Il a payé pour voir. Et il a vu : des roquettes, des attentats, des tunnels, des intifadas, et enfin, le massacre du 7 octobre.

Dans ce contexte, on ne peut ignorer un autre symptôme de cette usure historique : la présence, au sein du gouvernement de Benyamin Netanyahou, de deux  ministres ouvertement extrémistes. Leur nomination illustre l’exaspération jusqu’au-boutiste d’une partie de la population israélienne, lassée d’attendre une paix qui ne vient pas, et poussée à bout par la violence récurrente et le fanatisme islamiste du Hamas. Ce radicalisme politique est le reflet, non d’une victoire idéologique, mais d’un désespoir politique.

Il n’y a pas eu de paix, parce que la paix n’était pas le but. Le but, c’est l’effacement. Non pas d’un territoire, mais d’une existence. 

Une négation pure, intransigeante, sacrée

Depuis la première intifada (1987) jusqu’à aujourd’hui, l’enfant palestinien n’apprend pas l’histoire mais la vengeance. Dans les manuels de l’UNRWA, Israël est absent des cartes. Dans les séries télévisées, les Juifs sont des serpents, des porcs, des traîtres. Dans les prêches, on invoque Khaybar et la soumission des tribus juives. Mein Kampf est vendu en kiosque à Amman ; les Protocoles des Sages de Sion circulent au Caire.

On peut parler de conditionnement. Mieux encore : de programmation psychique. Une génération après l’autre, on élève non des citoyens, mais des fantassins. Et dans ce climat, l’idée même de paix devient une trahison.

Le statut de réfugié palestinien est une anomalie historique. Un héritage figé par la résolution 194 de l’ONU (1948), jamais actualisé, entretenu comme un ferment de revanche. En 1948, 700 000 Palestiniens fuient ou sont expulsés. En parallèle, plus de 850 000 Juifs sont chassés du monde arabe — du Maroc à l’Irak — sans droit au retour ni reconnaissance. Les premiers vivent dans des camps, subventionnés, symboles de la souffrance politique. Les seconds se sont intégrés, souvent en silence.

La souffrance palestinienne est bien réelle. Mais elle est exploitée, recyclée, sacralisée. On ne cherche pas à la résoudre : on s’en nourrit. Elle permet d’alimenter une hostilité perpétuelle, d’empêcher tout compromis.

Il faut le dire : ce n’est plus un conflit. C’est une liturgie de haine. Une passion sacrificielle. Une mystique négative. Israël dérange, non parce qu’il occupe, mais parce qu’il est. Parce qu’il a survécu. Parce qu’il prospère. Parce qu’il ne meurt pas.

Il y a dans cette haine une dimension théologique : Israël est vu comme une anomalie métaphysique. Il doit disparaître, non pour des raisons pratiques, mais pour restaurer une harmonie imaginaire. C’est pourquoi les négociations échouent : elles ne portent pas sur des frontières, mais sur une présence jugée ontologiquement illégitime.

Face à cette passion morbide, à cette fixité tragique de l’âme arabe — non dans son ensemble, mais dans sa part malade — Israël n’a d’autre choix que de durer. D’être, malgré tout. La paix n’adviendra pas par la diplomatie ni par les illusions. Elle n’adviendra que lorsque les Palestiniens — et à travers eux, le monde arabe — renonceront à ce désir de disparition. Tant que le nom même d’Israël sera une offense, aucune paix ne sera possible.

Et pourtant, Israël est là. Présence irréductible. Inacceptable pour certains, mais indestructible. Il est la blessure que le monde refuse de soigner. Il est la mémoire d’un peuple que l’on veut à nouveau effacer.

Et il est, surtout, le rappel insupportable que ce que l’Histoire croyait pouvoir effacer continue de vivre, de parler, d’exister — envers et contre tous les vœux d’oubli.

© Charles Rojzman

Dernier ouvrage: « Les Masques tombent. Illusions collectives, vérités interdites. Le réel, arme secrète de la démocratie ». FYP Éditions. Mai 2025

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1 Comment

  1. La faillite morale, économique, militaire, existentielle de l’occident Chrétien est presque aboutie. D. et le courage du Peuple d’Israel auront raison de la Haine et des crimes de nos ennemis irrascibles.
    Am Israel hai !!!

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