Gaza : une guerre « inhumaine »? Par Charles Rojzman

Il est devenu coutume, aujourd’hui, de faire de Gaza le miroir d’un nouveau Guernica, d’une Shoah inversée, où l’État juif, naguère victime sacrée du XXe siècle, deviendrait bourreau du XXIe. La rhétorique est huilée, impitoyable dans son efficacité sentimentale : parler de génocide, d’inhumanité, comme si les mots n’avaient plus de poids, comme s’ils étaient libres de toute histoire, de toute mémoire. Gaza devient ainsi le nom d’un mythe sacrificiel au service d’une cause — celle d’un islam politique revêtu ironiquement  de progressisme  — qui n’a que faire de la vérité, et qui brandit la mort comme une bannière.

Il ne s’agit plus ici de compassion, mais d’instrumentalisation : la souffrance des Palestiniens, bien réelle, bien tragique, est désormais confisquée au profit d’une narration manichéenne, où l’armée israélienne, pourtant l’une des plus contraintes par des règles d’engagement parmi les plus strictes au monde, est présentée comme l’agent d’un Mal absolu. Et ceux qui ne reprennent pas cette antienne sont aussitôt exclus du chœur, accusés de complicité. Le seul moyen d’être épargné, d’avoir droit de cité dans les cercles médiatiques et militants, est d’aboyer avec les loups, en répétant servilement les termes imposés : génocide, apartheid, massacre.

Et cela vaut pour tous, y compris certains Juifs, soucieux de ne pas être assimilés à l’État honni, ou désireux, par peur ou par zèle idéologique, de prouver qu’ils ne sont pas de ceux-là — comme si leur salut passait par une prise de distance affichée, voire une condamnation rituelle. Cette lucidité désavouée par prudence devient, chez eux, une forme de sacrifice intérieur.

Qu’on ne s’y trompe pas. Les mots, à force d’être galvaudés, ne disent plus le réel : ils le falsifient. Qui regarde, ne serait-ce qu’un instant, le Yémen, le Soudan, la Syrie ? Qui voit, dans ces confins oubliés de la carte médiatique, les véritables famines, les massacres de masse, les enfants déchiquetés non par des frappes ciblées mais par une haine tribale, archaïque, sans la moindre retenue ? Qui parle de ces civils réduits en cendres sans que quiconque s’en indigne à l’échelle planétaire ?

Ce silence en dit long. Il révèle l’indécence sélective d’un monde qui ne s’émeut que lorsque son indignation peut être dirigée contre Israël, c’est-à-dire, par ricochet, contre les Juifs eux-mêmes. Car dans cette époque qui a perdu foi en toute transcendance, seul le sacrifice d’Israël semble encore capable de réunir les foules dans une communion de haine.

Et pourtant, Israël tient. Il tient par la force, certes, mais aussi par la lucidité. Il sait que derrière la façade des droits humains brandis à chaque bombardement, ce qui se joue est bien plus grave : la survie même de son existence. Face à un ennemi qui rêve non de paix, mais d’annihilation, qui utilise ses propres enfants comme boucliers et ses morts comme propagande, Israël résiste avec cette ambivalence tragique qui consiste à devoir frapper tout en voulant épargner, à devoir survivre tout en étant accusé de tuer.

Ce n’est pas un génocide. C’est une guerre. Une guerre sale, cruelle, asymétrique, mais une guerre défensive. Et refuser de l’admettre, c’est participer, consciemment ou non, à cette entreprise de diabolisation dont les conséquences, déjà visibles, vont bien au-delà du Proche-Orient : elles contaminent l’Occident lui-même, qui, à force de haïr Israël, finit par haïr ce qu’il a été — une civilisation fondée sur le tragique, sur la tension entre justice et droit, entre survie et morale.

Il est temps de se taire, ou de parler autrement. Non pour excuser. Mais pour ne pas trahir la vérité.

© Charles Rojzman‌‌

Dernier ouvrage: « Les Masques tombent. Illusions collectives, vérités interdites. Le réel, arme secrète de la démocratie ». FYP Éditions. Mai 2025

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