FIN DE VIE : CRITÈRES, AUTO-ADMINISTRATION, «CLAUSE DE CONSCIENCE»… QUE CONTIENT LE TEXTE VISANT À CRÉER UN DROIT À L’AIDE À MOURIR ?

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La proposition de loi visant à créer un droit à l’aide à mourir a été adoptée par les députés en première lecture ce mardi 27 mai. Fruit de semaines d’échanges et de débats, le texte garantit les critères des personnes pouvant bénéficier de ce droit, tout en tentant d’accompagner les personnels soignants et en luttant contre les dérives.
L’aboutissement de deux semaines de débats et de mois, voire d’années, de travaux pour certains parlementaires. Ce mardi, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture deux textes sur la fin de vie. L’un prévoyant un renforcement des soins palliatifs et l’accompagnement et l’autre créant les conditions d’un droit à l’aide à mourir.
Cette dernière proposition, dont l’examen s’était achevé ce samedi dans l’Hémicycle du Palais-Bourbon, représente pour certains la plus grande réforme de société de ces dernières années.
Ainsi, ce texte, a défini les critères permettant l’éligibilité à ce droit. Dans le détail, cinq conditions cumulatives devront être remplies :
Avoir au moins 18 ans.
Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France.
Être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale.
Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement.
Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairé.
À noter que lors des échanges, des élus issus des groupes Horizons et des Républicains ont fait voter un amendement insistant sur le fait qu’ »une souffrance psychologique ne pouvait en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ».
Le gouvernement a aussi fait préciser un des critères d’éligibilité. Tenant compte d’un avis de la Haute Autorité de Santé, le texte affirme désormais que la phase «avancée» d’une maladie se caractérise par « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ».
DES CONDITIONS RENFORCÉES
Dans le cadre de l’examen de cette loi, les députés ont renforcé l’article 6, qui vise à encadrer la procédure d’évaluation d’une demande d’aide à mourir.
Ainsi, la réunion du collège professionnel doit être composée «au minimum de deux médecins et d’un soignant», contre un seul médecin dans le texte initial.
Cette réunion se déroule «en la présence physique de tous les membres», mais «en cas d’impossibilité, il peut être recouru à des moyens de visioconférence ou de télécommunication».
QUEL DÉLAI ?
Au cours des débats, le gouvernement a obtenu le rétablissement d’un délai incompressible de deux jours entre la décision des médecins et la confirmation par le patient de sa demande.
Un amendement de l’exécutif prévoit que les médecins réévaluent la volonté libre et éclairée de la personne lorsque la date retenue intervient plus de trois mois après l’autorisation donnée.
L’administration de la substance létale devrait ensuite être effectuée dans un établissement de santé.
UNE AUTO-ADMINISTRATION
Lors de l’examen de cette loi, les députés ont rétabli le principe d’une auto-administration de la substance létale. Il reviendra donc à la personne bénéficiant du droit de l’injecter, excepté si celle-ci n’est pas en capacité de le faire.
La personne ayant droit à l’aide à mourir pourra alors solliciter un soignant. Pour rappel, le texte initial, adopté en commission, prévoyait que le malade pouvait choisir entre s’auto-administrer le produit, et la possibilité de demander à un médecin ou un infirmier de le faire.
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, s’est dite très attachée au fait que ce droit reste «un acte personnel du patient», évoquant «un acte de souveraineté sur sa propre existence.
UNE CLAUSE DE CONSCIENCE POUR LES MÉDECINS
La loi permet à tout médecin de refuser de pratiquer l’aide à mourir, sur le modèle des règles existantes pour l’avortement, dans le cadre d’une «clause de conscience».
Cette clause ne sera cependant pas proposée aux pharmaciens qui fourniront le produit létal.
UNE COMMISSION DE CONTRÔLE ET D’ÉVALUATION
Au cours de leur travail législatif, les députés ont validé la création d’une «commission de contrôle et d’évaluation». Elle sera principalement chargée de tenir le registre des soignants pratiquant l’aide à mourir, et de signaler aux ordres de santé ou à la justice les faits relevant de leurs compétences, tel que des manquements à la déontologie d’une part, crimes et délits d’autre part.
UN DÉLIT D’ENTRAVE
Samedi, peu de temps avant la fin de l’examen, l’Assemblée nationale a voté la création d’un délit d’entrave à l’accès à l’aide à mourir, contre le « fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher » de « pratiquer ou de s’informer » sur ce sujet, tout en renforçant la peine encourue.
Concrètement, ce délit sera constitué en cas de perturbation de « l’accès » aux lieux où est pratiquée l’aide à mourir, « en exerçant des pressions morales ou psychologiques », « en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation » vis-à-vis des patients ou des professionnels de santé.
Celui-ci est d’ailleurs similaire au délit d’entrave aux interruptions volontaires de grossesse (IVG). Lors de l’examen de cet article, adopté par 84 voix contre 49, les élus ont alourdi la peine prévue, la portant à deux ans de prison et 30.000 euros d’amende.
L’ABSENCE DE « MORT NATURELLE » SUR LE CERTIFICAT DE DÉCÈS
Vendredi 23 mai, les députés ont supprimé une disposition du texte relatif au droit à l’aide à mourir selon laquelle les patients qui y auraient recours seraient ensuite « réputés décédés de mort naturelle » sur leur certificat de décès.
UNE ADOPTION DÉFINITIVE SOUHAITÉE POUR 2027
Après ce vote solennel, le texte prendra la direction du Sénat. Dans un entretien accordé à la Tribune du Dimanche, Catherine Vautrin a espéré que la loi soit examinée en automne, avant un retour au Palais Bourbon début 2026. « Je souhaite que le texte soit voté d’ici 2027 », a-t-elle souhaité.
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Fallait il voter une loi pour l’aide à mourir,c’est au médecin de décider avec son patient cette décision de comprendre la souffrance et de la soulager quand elle devient insupportable, à l’hopital, les infirmiéres prodiguent des soins palliatifs, personne ne veut voir des malades incurables, en fin de vie, qui n’en peuvent plus sans les aider, mais il n’y a pas besoin d’une loi qui est dangereuse.
D’accord avec cette loi sur le principe, mais il s’agit avant tout d’un écran de fumée visant à masquer la faillite du système de santé français et la réalité honteuse de notre société dans son ensemble. Avant de mettre en place ce genre de loi, il faudrait d’abord songer à traiter d’une manière décente les personnes qui sont en vie et souhaitent le rester. Ce qui, dans un pays où certains établissements de soins ressemblent à des prisons de haute sécurité et certains EHPADs à des mouroirs, et plus largement dans un État de non-droit où la vie des citoyens ne vaut plus rien, n’est pas le cas.
Je suis tout à fait d’accord avec @daniela ; j’avais écrit il y a un an un texte qui, de mémoire, a figuré pendant 4 semaines dans les 10 articles les plus lus du site : https://www.tribunejuive.info/2024/03/15/projet-de-loi-fin-de-vie-lopinion-de-jean-marc-levy/ (et dont le titre original était : dans euthanasie, il y a nazi !)
Je n’ai pas une virgule à changer à mon texte d’il y a un an concernant les dérives anthropologiques qui s’annoncent dans la société. Comme chez Orwell et comme chez Huxley, tout cela est enrobé dans une sémantique destinée à édulcorer l’horreur de la chose : donc, pour résumer, en macronie, la fraternité consistera à donner la mort, qui est en passe de devenir un soin (il ne faut pas s’étonner que les personnels soignants soient toujours encore vent debout contre le suicide assisté), et nous pourrons potentiellement être « éligibles à l’aide à mourir » : qu’en termes élégants, ces choses là sont dites !
Au vu des dérives déjà constatées en Belgique ou au Québec, les députés ont voté avec le sourire, une possibilité d’eugénisme qui ne dit pas son nom. On le sait déjà : l’aide à vivre coûte plus chère que l’aide à mourir. Combien de temps, la société résistera-t-elle à une logique purement comptable et totalement inhumaine ?
Sur fond de dérive totalitaire (confusion des pouvoirs législatifs, mort violente d’enfants dans cette France orange mécanique, fermeture de chaines de télévision, atteintes aux libertés d’expression), le vote de l’euthanasie par un Etat qui veut s’interposer dans tous les domaines (y compris intimes) des Français est catastrophique ! On ne dira pas qu’on ne savait pas !