
EXCLUSIF. Ancien moine et consultant, Didier Long publie avec Dov Maïmon, conseiller du gouvernement israélien, un livre-enquête sidérant, « La Fin des juifs de France ? »
Propos recueillis par Jérôme Cordelier
Alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau vient de se voir remettre un rapport explosif sur l’entrisme des Frères musulmans en France, sort un livre alarmiste dont Le Point a eu la primeur. Son titre : La Fin des juifs de France ? (éd. Le Cherche Midi). Il est signé par Dov Maïmon, chercheur au Jewish People Policy Institute à Jérusalem, docteur en islamologie et conseiller du gouvernement israélien sur les relations avec le monde musulman, ainsi que par Didier Long, ancien moine bénédictin, consultant, écrivain et théologien français, auteur de plusieurs ouvrages sur les liens entre judaïsme et christianisme.
Nourri de nombreuses statistiques, dont certaines proviennent des services de renseignements israéliens et français, les auteurs dressent un constat direct, implacable et tragique de la situation des juifs de France, dont, affirment-ils, 150 000 – sur 440 000 – courent un danger immédiat face à la progression de l’antisémitisme et s’apprêtent à quitter le pays. Selon leur enquête, si l’on ne fait rien, il n’y aura plus de juifs en France en 2050.
Le Point : Le titre de votre livre fait évidemment songer au maître ouvrage de Raul Hilberg sur la Shoah, La destruction des Juifs d’Europe. Faut-il être aussi alarmant ?
Didier Long : C’est un titre brutal parce que les faits sont brutaux. Oui si l’on ne fait rien la seconde diaspora mondiale va hélas disparaitre. Et il faut se réveiller.
Nous avons voulu dresser un constat, un rapport d’enquête. Nous avons interrogé plusieurs centaines de personnes partout en France et cette enquête de terrain en agrégeant tous les chiffres sur la situation des Juifs en France. Et nous nous sommes aperçus que la situation était réellement catastrophique. Non pas à Neuilly ou Boulogne Billancourt, mais partout. A Sarcelles, à Toulouse, à Villeurbanne, à Nice, à Villeurbanne où vivent 10 000 juifs – sur les 30 000 juifs lyonnais, à Marseille qui compte 50 000 Juifs. Sur les 440 000 français juifs que nous avons comptés aujourd’hui en France, avec des situations locales spécifiques, il y en a à peu près 150 000 qui sont en danger.
Comment aboutissez-vous à ce chiffre ?
Ce livre est un constat, pas un plaidoyer. Nous avons fait remonter des datas françaises, israéliennes, nous avons interrogé des forces de renseignement et de sécurité des deux pays qui nous ont parlé, des politiques, des communautés, des associations, lu des centaines de rapports… pour comprendre la réalité. Et nous avons tout compilé en proposant un maximum de sources ouvertes.
A quelle conclusion, parvenez-vous ?
Nous sommes deux intellectuels habitués à des analyses nuancées et nous aurions préféré ne pas découvrir une réalité si brutale. Car le constat est alarmant. Un choc. D’une part, on voit un antisémitisme qui monte de manière galopante et qui a accéléré depuis le 7 octobre. Mais à l’antisémitisme classique (34 % des sympathisants du RN estiment que « les juifs ont trop de pouvoir ») s’agrège un autre antisémitisme, celui des partisans de l’ultra gauche : ainsi 34 % des sympathisants de La France insoumise (LFI) adhèrent à l’affirmation selon laquelle « les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance ». Et cet antisémitisme-là utilise et est poussé par l’islam politique, autrement dit l’islamisme, avec un risque de fragmentation de la société française dû à la puissance d’expansion de l’islam politique partout dans le monde. Et les juifs en France sont entre l’enclume et le marteau. Ces 0,6 % de la population française subissent 60% des agressions religieuses. Donc dix fois plus que les musulmans alors qu’ils sont vingt fois moins nombreux !
Et comble du ridicule, ce « nouvel antisémite cool » manipule tout le vocabulaire de la persécution passée des juifs dans une concurrence rhétorique victimaire : on parle de sionistes, de peuple génocidaire, d’islamophobie, etc… pour s’en prendre de manière décomplexée en mots et en actes aux français juifs, et fracturer le pacte républicain.
Ces 150 000 Juifs en danger, vous les avez repérés où ?
Nous les avons décomptés lieux par lieux. Ils sont à la périphérie des métropoles. Nous avons isolé les enjeux, les facteurs conduisant à un tel niveau d’antisémitisme. Il y a l’exclusion sociale bien entendu qui cherche des boucs émissaires à son propre malheur, mais la première explication est l’influence de l’islam politique, des islamistes dans les quartiers où sont arrivés de nombreux juifs eux aussi issus du Maghreb.
Nous avons donc essayé de comprendre précisément qui étaient les musulmans de France et l’islam politique. Mon coauteur, est responsable des relations d’Israël avec le monde musulman au JPPI, un think tank israélien. Il est docteur en islamologie et a mené des centaines de discussions avec des groupes musulmans de tous les pays. nous avons donc une vraie estime et affection pour l’Islam, les musulmans et leurs pratiques religieuses. Nous avons donc cherché à comprendre.
Les musulmans représentent 10 % de la population française métropolitaine, selon l’Insee, soit 6,6 millions de personnes qui se déclarent musulmans. Mais en réalité le déclaratif ou la fréquentation des lieux de culte ne disent pas la pratique quotidienne. Nous avons donc choisi de mesurer les ventes de halal, 7 millions de personnes en France qui mangent halal sont musulmans, 80% des musulmans environ mangent halal. Mais aussi les prénoms musulmans – comme l’a établi Jérôme Fourquet : 22% des garçons naissent avec des prénoms arabo-musulmans. On a fait tourner nos modèles et on parvient au chiffre de 15% de musulmans, soit 9 millions de personnes en France. En prenant en compte l’expansion démographique, ce chiffre va grimper à 20-25% de musulmans en France en 2050. Ce n’est certes pas un « grand remplacement » mais c’est significatif. Or les études mondiales du JPPI ne connaissent pas de pays où vivent 25% de musulmans où il reste des juifs.
Le problème n’est pas l’islam ou les musulmans en soi. Le problème c’est que si on met en corrélation les chiffres de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) – qui vérifient le rapport d’Hakim el Karaoui de l’Institut Montaigne il y a 10 ans, on arrive à environ 28 % de musulman qui pratiquent un islam qui vise un sécessionnisme politique et social. 2,5 millions de personnes. Et ce taux monte entre 35% et 50% pour les plus jeunes. 37 % des musulmans français déclarent éprouver de la sympathie pour les Frères musulmans selon l’Ifop. Ça fait plus de 3 millions de personnes… qui désirent l’avènement d’une contre-société sur le territoire national… et au milieu vivent 150 000 juifs. Des politiques locaux nous ont dit tout simplement qu’il fallait les « évacuer ».
Donc, d’un côté, un antisémitisme qui grimpe de manière forte, et de l’autre côté, un islam qui se radicalise. Avec des juifs au milieu. C’est juste un coktail explosif.
Vous avez une vision purement mathématique ?
Pas seulement. Nous sommes d’abord partis de 200 entretiens de personnes un peu partout en France. Ça commence toujours par « Ici, jusque-là tout va bien ! » comme dans le film La haine. C’est le type qui tombe d’un immeuble de dix étages et qui dit « jusque-là tout va bien » ; le problème ce n’est pas la descente. C’est l’atterrissage. La plupart finissent par nous dire : « … mais on ne finira pas notre vie ici », « Mes enfants ne pourront pas vivre en France comme juifs ». Les juifs se sentent seuls et tristes. Ils vont mal.
Je prends juste un exemple, parce qu’il est emblématique : Sarcelles. Les juifs ont fui Sarcelles au cours des vingt dernières années. Ils sont partis vers Créteil pour ceux qui avaient le moins d’argent, et ceux qui ont réussi ont atterri à Levallois ou dans le 17ème arrondissement de Paris. La présence des Frères musulmans est très importante sur ce territoire, à travers le Millî Görüs, la confédération islamique sous obédience turque – qui est aussi l’organisation islamiste la plus influente d’Allemagne, et fédère maintenant tous les courants musulmans de la ville. Ceux-ci ont milité contre l’ancien maire et tracté pour faire élire le maire actuel comme nous l’ont rapporté des témoins sur place, puis l’élu fraichement en poste leur a cédé un terrain pour construire un « Centre culturel » en face du collège, alors que le permis avait été attaqué par la préfecture à la demande du Ministère de l’intérieur. Tout cela quelques jours après la tuerie du 7 octobre. Le Millî Görüs avance en costume cravate avec des fleurs pour les fêtes juives… mais les textes de ses fondateurs sont très clairs sur le sort réservé aux juifs. Le « Milli Görüs » ou « Vision nationale » de Necmettin Erbakan, son fondateur, désigne l’islam politique. Il appelle au rejet radical des valeurs laïques « occidentales », à une islamisation de la société mêlée d’un antisionisme et d’un antisémitisme profonds.
Et ce qui se passe à Sarcelles où vivent 12 000 juifs n’est pas un cas isolé.
Dans ces territoires perdu de la république, l’État recule. Ce n’est pas tant que les Frères musulmans avancent, c’est que l’État se retire. Les Frères musulmans prennent en charge les jeunes, ils font du soutien scolaire, font des clubs de femmes pour s’entraider et pratiquer, montent des clubs de boxe ou de foot, font de la prévention… et ils grignotent du terrain. Ils sont en costumes-cravates, très gentils avec les Juifs, on a l’impression qu’ils s’intègrent dans la République, ils dialoguent parlent de « vivre ensemble ». Mais, derrière cette apparence tactique, il y a un tout autre programme stratégique.
Dans tous les pays du monde les Frères musulmans ciblent clairement l’Etat comme nous l’ont dit les juges antiterroristes, mais les juifs sont dans la ligne de mire. Nous les avons vus en action et les rapports mondiaux du JPPI où travaille le docteur Dov Maïmon mon coauteur sont assez clairs. Ce sont des faits.
Comment ?
Cela ne date pas d’hier. J’étais moine dans un monastère entre 1985 et 1995. Nous nous intéressions au dialogue interreligieux avec les bouddhistes tibétains à cause de nos fondations en Asie. Et en ce début des années 1990 nous avons reçu à l’Abbaye de la Pierre Qui Vire des représentants de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) qui s’était installé près de Château-Chinon – à l’initiative de François Mitterrand, dans son fief. Tous ces imams et fidèles, dans la mouvance des frères musulmans étaient algériens, ils sont arrivés avec des filles de Lyon, des converties qui étaient voilées et qui disaient entre elles que nous étions des « kouffars ». Ils bénéficiaient de capitaux algériens puis du Qatar pour former de imams. Il y a 35 ans déjà !
L’islam politique est un problème non pas pour les juifs… mais pour les démocraties et pour la France qui est infiltrée depuis 35 ans alors que cet islam politique est interdit dans de nombreux pays arabes.
Pouvez-vous nous préciser votre parcours ? Vous êtes un ancien moine bénédictin converti au judaïsme ?
J’étais moine avec des frères qui étaient passionnés par le judaïsme, qui étaient des amoureux de la tradition juive à la suite du Concile Vatican II. Ainsi j’ai écrit de nombreux livres sur le Jésus juif. Et, chemin faisant, un jour j’ai retrouvé mes origines juives, dans la famille de ma mère en Corse. Et j’ai rencontré en 2010 un truculent rabbin âgé de 80 ans, né dans le Mellah de Marrakech, le Rabbin Haïm Harboun. Il était docteur en histoire et docteur en psychologie clinique. Et c’est comme cela, grâce à l’enseignement de cet homme de foi et de science que j’ai voulu devenir juif. Un juif de Corse. Aidé par le Grand Rabbin Haïm Korsia.
Votre livre est porté par vos convictions religieuses à tous deux ?
Oui, nous sommes Juifs tous les deux. Mais nous sommes avant tout des chercheurs spécialiste de sociologie et de dialogue interreligieux. Nous partons des chiffres et des faits. Face à ce que nous avons vu nous ne pouvons pas ne pas témoigner, pas seulement pour les juifs mais pour ce pays que nous aimons. Pour les musulmans qui eux-mêmes sont les premières victimes de l’islam politique dans le monde. Ce « soft power » qui rejette mais aussi parfois s’accommode du « hard power » violent. 72% des musulmans sont de formidables français dont 100 000 sont morts pour la France !
Nous sommes des lanceurs d’alerte. Nous disons ce que les politiques ou les institutions ne peuvent pas dire et que nous ne pouvons pas ne pas révéler. Nous sommes convaincus que les 150 000 Juifs qui sont menacés en France vont devoir partir si rien n’est fait, et mécaniquement les autres suivront. Il est tard mais jamais trop tard. Nous ne sommes pas des extrémistes, nous sommes pour que les Juifs qui le désirent restent en France. Surtout qu’il n’y a guère de solution pour eux en Israël. Les 150 000 personnes concernées sont le plus souvent pauvres, dépendantes de l’aide sociale, âgées. Il n’y a pas de logements sociaux en Israël. Ils se retrouveraient avec 3 jobs, dans un petit appartement. Notre objectif est donc de faire en sorte que ces 150 000 personnes fassent leur Alyah si possible… en France.
La montée de l’islam politique, de la violence, de l’antisémitisme et la peur conduisent au départ des Juifs de France de manière inéluctable. Comme le disait Alfred Sauvy : c’est la démographie qui pilote. Il faut savoir que, d’après nos calculs, entre 60 000 et 80 000 juifs ont déjà quitté la France depuis l’an 2000, en 25 ans. A cause de l’antisémitisme principalement qui n’a fait que proliférer et qui a tué : Ilan Halimi, les trois enfants Sandler et leur père à Toulouse, quatre français juifs à l’Hyper-Cacher de Vincennes, Sarah Halimi, Mireille Knoll… juste parce qu’ils étaient juifs; un antisémitisme aujourd’hui instrumentalisé par des extrémistes politiques irresponsables prêts à faire exploser la société française pour passer au second tour des élections en gagnant 450 000 voix musulmanes !
Si nous ne lançons pas l’alerte, il n’y aura plus de Juifs en France en 2050. Et nous aurons un pays qui comptera 25 % de musulmans, soit, mais avec une forte présence de mouvements comme les Frères Musulmans. Avec quelle place pour les femmes ? Les juifs ? En France l’islam politique avance là où l’Etat recule.
Mais mettez-vous à la place d’un jeune des quartiers, si le choix se fait entre le narcotrafic et l’islam politique et ses associations chaleureuses d’entraide. Vous feriez quoi ? Si vous ne rencontriez que des narcos ou des pseudo-imams, vous iriez vers le « frérisme » ou vers la fraternité républicaine qui n’a plus de représentants ?
À qui s’adresse votre livre ?
Ce livre s’adresse aux autorités de l’État et aux français, aux institutions juives qui font ce qu’elles peuvent et aux Français juifs qui se disent qu’il y a un problème et qu’il faut agir. Ce qui est en jeu ce ne sont les juifs mais la République qui est en jeu.
Les Juifs sont comme le canari dans la mine : quand le canari arrête de chanter, c’est qu’il y a un danger d’explosion. Depuis le 07 octobre les juifs ont cessé de chanter en France.
Comme le disait Frantz Fanon : « C’est mon professeur de philosophie, d’origine antillaise,
qui me le rappelait un jour : ‘‘ Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous’’ » (Peau Noire, Masques Blanc, Seuil 1952, pg 98).
Que des juifs vivent encore en France ne signifie pas qu une communautė organisée , structurée et reconnue y subsiste .
Les institutions juives sont aujourdhui l ombre du peu de chose qu elles etaient dans le passė .
Les medias aux ordres du gouvernement multiplient les saillies antijuives sans qu un membre du Crif ose lever la voix .
LFI et ses alliès ont ete elus avec la pleine collaboration de l ensemble du spectre politique a l exception du RN , ces immondes voyous propagent la haine dans la plus totale impunité , sans que les » lois de la republique » ,dûments votés pourtant , ne s appliquent .
Donc; oui des citoyens de ce pays sont bien juifs , non la communauté, que nous avons connue respectée et integrée ,n existe plus dans les faits , et oui les juifs sont bien desormais des citoyens entre parenthese .