
Parfois je rêve de n’avoir que ce genre de discussions avec mes voisins :
«- L’air est frais, vous ne trouvez pas ? J’ai sorti les couvertures et le duvet.
– Soleil qui tape en février, amène grain et giboulées.
– Ce n’est pas du temps ça, c’est une humeur changeante !
– Si peu de pluie en hiver, c’est une catastrophe pour la terre et les cultures, c’est la sécheresse !
– C’est prévu pour demain.
– Ils se trompent toujours.
– Un ciel rouge le soir, bel espoir. Un ciel rouge le matin, c’est la pluie en chemin… ».
Je peux imaginer encore des centaines de phrases lyriques. Ne parler que de météo, d’éclaircies et d’intempéries. La poésie de la Nature. Malheureusement, pas chez nous. Nous ne connaissons point ce privilège dans la région. L’air est en ébullition constante et la tempête gronde. Un attentat ce matin, des blessés graves. Notre Souverain Maître Suprême au pouvoir depuis deux décennies (avouez qu’il vous avait manqué) est allé rencontrer le canard rouquin (notre nouveau Messie depuis qu’il a fait libérer des otages) puis retrouver notre Souveraine Sarah-Antoinette et le Dauphin (le Requin plutôt, vu ses messages conspirationnistes sanglants). Une enquête a été ouverte contre Sarah-Antoinette, suspectée d’avoir harcelé des témoins dans le cadre des procès de son époux. Il parait que c’est la raison pour laquelle, en pleine guerre, elle préfère s’absenter si longtemps. Les religieux ultra-orthodoxes menacent de quitter le gouvernement si la loi obligeant leur enrôlement est respectée. Ils veulent changer la Loi. Le ministre de l’Économie menace de faire tomber la coalition si on continue la seconde phase de l’accord de cessez-le -feu avec le hamas. Depuis le 7 octobre 2023, je me représente Israël comme un animal blessé qui tente de cicatriser ses blessures. Nous saignons encore. Nous ne sommes plus dans le cyclone mais le maelström n’est pas très loin.
Aujourd’hui , au cours de gym, la professeur poétesse dit de bouger ses bras, les mains posées derrière la nuque, « comme les ailes d’un papillon ». Je change de place et je découvre que la salle de gym touche une étable (« Habitez à la campagne » qu’ils disaient…). Je comprends, enfin, pourquoi ça sent mauvais dans ce gymnase. Ce n’était pas notre faute …
Onze nouveaux otages sont revenus. Il reste 79 otages. 34 ont été assassinés. Nous attendons. Nous espérons. Nous pansons nos plaies.
J’aurais tant aimé ne parler que du beau temps et de la pluie …
© Rachel Darmon
Née à Paris, Rachel Darmon vit en Israël depuis plus de 30 ans. Professeur de français, éducatrice, guide touristique, elle a toujours écrit. Lauréate du « Prix des arts et des lettres » pour sa nouvelle « Le mur du bruit », elle a publié deux romans chez Folies d’encre : « Le gâteau de Varsovie » et « Tâter le diable ».


Mais oui! il fait très beau aujourd’hui!