Le 20 octobre dernier dans un message sur X effacé par la suite, Pascal Boniface a semble-t-il accusé le maire de Saint-Ouen de silence coupable concernant Netanyahou pour s’assurer un succès médiatique[1]. Outre le qualificatif insultant de “muslmim d’apparence” adressé à Karim Bouamrane, le sous-entendu à la tonalité antisémite classique des “Juifs maîtres des médias” et “sournois corrupteurs” n’étonne pas forcément de la part du directeur de l’IRIS réputé depuis plusieurs années pour son hostilité à l’égard d’Israël. Mais c’est aussi cette allusion à une faute impardonnable qui consisterait à ne pas critiquer Netanyahou, qui est tout à fait symptomatique de la nouvelle vulgate antijuive.
L’antisionisme contemporain revêt trois modalités qui se renforcent mutuellement, créant un environnement et une culture propices à la diffusion et à l’imprégnation de l’antisionisme antisémite : un programme et des actions violentes visant à abolir, à anéantir, à annihiler l’État d’Israël afin de lui substituer une “Palestine libre du Jourdain à la Méditerranée” ; un mouvement international visant à boycotter Israël dans tous les domaines, économiques, universitaires, publicitaires, diplomatiques… ; un discours largement partagé visant à discréditer, à délégitimer, voire à nazifier les Juifs et Israël en valorisant en miroir les Palestiniens, en pleurant leur “malheur”, en exaltant leur “résistance” et en justifiant leur revanche. C’est dans cette stratégie d’ensemble que vient désormais s’inscrire comme un rituel obligé la stigmatisation de Netanyahou.
La stratégie consistant dans la nazification d’Israël et par extension des Juifs en général est à l’œuvre depuis au moins trois décennies, et elle s’est paradoxalement amplifiée depuis les massacres génocidaires perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023. Depuis le jour même du méga-pogrom perpétré par le Hamas, et avant même toute riposte, c’est l’État hébreu qui a été présenté comme l’agresseur conduisant depuis des années une “colonisation” et une politique “d’occupation”. L’agression féroce du Hamas n’aurait été que méritée, de même que seraient justifiées les attaques lancées sur Israël depuis Gaza, le Liban, l’Iran, la Syrie et même le Yémen. Et il ne suffit pas de dénier aux Juifs leur situation de victimes au motif que des “dominants” soumettant les Palestiniens à un violent régime “d’apartheid” ne peuvent avoir ce statut, il fait aller jusqu’à accuser Israël de commettre “un génocide à Gaza”.
Israël ne serait pas en situation de légitime défense mais profiterait, prendrait prétexte en somme, des attaques lancées sur son territoire pour mener une guerre injuste à Gaza comme au Liban. Alors, en cette époque médiatique des “punchlines”, de personnification à outrance et des réseaux sociaux de l’invective, des fakes et des slogans, Benjamin Netanyahou est devenu la figure emblématique d’un Israël guerrier qui refuserait la paix avec les Palestiniens et sur qui il serait donc légitime de concentrer toutes les agressions verbales comme physiques (d’où le drone armé lancé tout récemment sur la résidence du premier ministre[2]).
Pour les militants propalestinistes (qui visent Israël sous couvert de défendre les “Palestiniens”) mais plus généralement, pour les médias mainstream et la bien-pensance politico-intellectuelle, le premier ministre israélien est ainsi définitivement coupable non seulement d’abandonner les otages pour continuer à bombarder Gaza, mais de vouloir “la guerre totale” (terme repris de Josef Goebbels) et de provoquer un embrasement, une “escalade” de la violence au Moyen-Orient (comme l’en accuse notamment le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres[3]). Netanyahou serait ce sanguinaire fauteur de guerre sans fin faisant peu de cas de la vie des otages non seulement parce qu’il serait l’incarnation ou du moins le porte-voix de l’extrême droite, mais qui plus est, parce qu’il échapperait ainsi à ses tracas judiciaires.
Pas question de prendre en considération la volonté éradicatrice et génocidaires des islamistes à l’encontre d’Israël et par conséquent du caractère existentiel de la lutte que mènent les Israéliens (de toutes origines et confessions d’ailleurs). La riposte d’Israël au 7 octobre puis aux assauts du Hezbollah et aux salves massives iraniennes, après avoir été jugée “disproportionnée”, est qualifiée désormais de “barbarie” (selon les propos récents du président Macron[4]). On parle de vengeance et de visée “colonisatrice” en oubliant les deux semaines d’avertissement de la part de Tsahal avant de lancer sa riposte aérienne, ou les délais laissés aux Gazaouis, assurant même leur protection contre les snipers du Hamas, pour quitter la zone nord qui allait être visée par les futurs bombardements, annoncés préventivement contrairement à toute logique de tactique militaire. Rien non plus sur les convois humanitaires sous protection de Tsahal, sauf à critiquer leur nombre insuffisant, ou la participation des autorités israéliennes aux campagnes de vaccination contre la polio des enfants gazaouis[5]. Et tandis que l’action militaire menée par Tsahal dans la Bande de Gaza parvient à limiter considérablement les morts civils[6], on accuse Israël de viser spécifiquement les femmes et les enfants.
Il conviendrait donc de conspuer sans répit Netanyahou l’empêcheur de cessez-le-feu, l’empêcheur de paix, l’empêcheur de la “solution à deux États”, pour s’en distinguer radicalement sous peine d’être soi-même assimilé à l’extrême droite et de subir insultes et ostracisme. A fortiori si on émet la moindre critique à l’égard du Hamas, du Hezbollah et/ou de l’Iran, si on ose évoquer les horreurs du 7 octobre et la souffrance des otages, de leurs proches et des populations israéliennes sous le feu incessant des roquettes, des drones d’attaque et des missiles de plus ou moins lourde charge explosive, il faut pour être un tant soit peu entendu, accompagner ses propos de condamnations à l’encontre de Benjamin Netanyahou et de “l’extrême-droite israélienne”.
Pourtant, quelle autre possibilité que de poursuivre la contre-offensive jusqu’à la réduction drastique de la puissance exterminatrice du Hamas et du Hezbollah permettant peut-être l’instauration d’un nouveau rapport de force avec l’Iran plus favorable à Israël ? Que signifierait un cessez-le feu tant que les ennemis d’Israël conservent une capacité de nuisance et de reconstitution rapide de leurs forces pour repartir à l’assaut ? Comment parvenir à la création d’un État palestinien lorsque les leaders des mouvements censés le représenter ne font aucune proposition de tracé territorial sinon une Palestine “From the River to the Sea” ? Avec ou sans Netanyahou, le problème reste entier.
© Renée Fregosi
Notes
[1] https://www.lepoint.fr/postillon/muslim-d-apparence-ce-que-revele-le-tweet-de-pascal-boniface-22-10-2024-2573357_3961.php
[2] https://www.nouvelobs.com/monde/20241022.OBS95307/residence-de-netanyahou-visee-par-un-drone-le-hezbollah-revendique-l-attaque.html
[3] https://news.un.org/fr/story/2024/10/1149371
[4] https://www.tf1info.fr/international/liban-israel-guerre-pas-sur-qu-on-defende-une-civilisation-en-semant-soi-meme-la-barbarie-denonce-emmanuel-macron-2330328.html
[5] https://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/artc-deuxieme-campagne-de-vaccination-contre-le-virus-de-la-polio-pour-les-enfants-de-la-bande-de-gaza
[6] le ratio entre les morts civils et les morts combattants est remarquablement bas contrairement à ceux hélas habituels dans les conflits modernes : entre deux et trois civils tués pour un ennemi en armes éliminé (17 000 combattants du Hamas versus 40 000 civils selon les calculs du Hamas lui-même) alors que le quotient est généralement bien pire : environ neuf civils pour un militaire.
Renée Fregosi. Philosophe et politologue. Présidente du CECIEC. Dernier ouvrage paru : Cinquante nuances de dictature. Tentations et emprises autoritaires en France et ailleurs. Éditions de l’Aube 2023
Merci pour ce texte et votre lucidité. La gauche islamophile frappe breauoup en France…
Heureusement qu’il y a un Netanyahu pour défendre Israël contre la Barbarie islamiste qui veut détruire Israël et dominer le monde vu la mollesse voire la complaisance de certains dirigeants aveugles ou corrompus !