Richard Prasquier. Réflexions sur le 6 juin 1944

Il y a cinq ans, sur les plages de Normandie, l’américain Tom Rice  a sauté en parachute à 98 ans, comme il l’avait fait dans la nuit  du 5 au 6 juin 1944. Aujourd’hui, les quelques survivants viennent en chaise roulante. La page est tournée, mais n’oublions jamais que si le débarquement allié avait été un échec, l’Europe pour laquelle nous allons voter aurait une toute autre allure qu’aujourd’hui, qu’il n’y aurait pas de radio juive pour en parler et, surtout, pas de Juifs pour l’écouter.

Nous avons du débarquement allié les images héroïques de combats  d’où les civils sont absents. Mais le 6 juin, il y eut aussi de violents bombardements sur des villes normandes comme Vire, Coutances ou Lisieux dans le but explicite que les destructions puissent retarder l’arrivée des renforts allemands. Les semaines suivantes, car la bataille de Normandie a duré trois mois, ce fut le tour du Havre, de Caen, Rouen ou Evreux … Des milliers de morts dans la population civile et des motivations militaires pas toujours évidentes. Cela ne retire évidemment  rien au bien fondé du Débarquement. Ceux qui ont protesté alors le plus haut n’étaient pas des organisations pacifistes, mais des collaborateurs du nazisme.

Le Mur de l’Atlantique, la massive défense littorale construite par l’Organisation Todt, n’était pas  achevé et les informations, fournies notamment par la résistance française, ont permis de bombarder les installations, mais là où celles-ci sont  restées intactes, comme à Omaha Beach, le débarquement a été sanglant. Parmi les 150 000 soldats,  anglais, américains ou canadiens qui ont débarqué le matin du 6 juin 1944,  4500 environ sont morts sur les plages.

La résistance a beaucoup aidé les Alliés, mais seuls  les 177  Fusiliers Marins du Commando Kieffer ont débarqué le 6 juin et il faut attendre le 1er Août pour que la 2e DB de Leclerc arrive en France. Le 15 Août en revanche, la 1ère armée française est présente dès les premières heures du débarquement de Provence. En six semaines la France a effacé  aux yeux des Alliés son image de pays collaborateur du nazisme, alors même que la Milice continuait de sévir.

L’accueil enthousiaste fait par la population à de Gaulle à Bayeux le 14 juin, puis la rapidité avec laquelle celui-ci a mis en place une administration efficace des zones libérées l’ont rendu incontournable et ont peut-être évité  une mise de la France  sous tutelle américaine. Mais après la guerre, les séquelles de l’animosité personnelle profonde de Roosevelt envers de Gaulle ont pesé -et pèsent peut-être encore- sur la politique extérieure française. On voit aujourd’hui avec Biden et Netanyahu que les relations humaines entre dirigeants ont aussi  leur importance…

À 1500 km de distance des plages du Débarquement, c’était un jour comme un autre à Birkenau. Entre 6 et 8 000 Juifs étaient gazés ce mardi 6 juin, comme la veille et  comme le lendemain, bien plus chaque jour que de soldats morts sur les plages de Normandie.  Les Alliés étaient au courant: le rapport Vrba -Wetzler du 27 avril, du nom des deux Juifs évadés d’Auschwitz, qui décrivait avec précision l’extermination des Juifs, était  à la disposition des responsables américains. Les services de photographie aérienne possédaient par ailleurs des photos qui n’avaient intéressé personne  sur les installations de Birkenau. Des bombardements susceptibles de freiner l’extermination étaient techniquement possibles. Désormais l’Agence juive aussi les réclamait, elle qui y avait été longtemps réticente. Mais le programme ne fut pas modifié: il donnait la priorité au bombardement de tout ce qui pouvait aider l’effort de guerre allemand. Entre le 15 mai et le 9 juillet, 350 000 Juifs hongrois ont été assassinés. Je ne pense pas que cela ait été un détail de l’histoire…

Le 6 juin, où en étaient les autres fronts? Rome avait été libéré deux jours plus tôt après la difficile bataille de Monte Casino, mais l’Italie était désormais un terrain de campagne secondaire.

Sur le front de l’Est, en revanche, les Soviétiques venaient de finaliser leurs plans pour l’opération Bagration. Presque concomitante à la campagne de Normandie, mais complètement éclipsée par celle-ci dans la mémoire de l’Occident, Bagration est considérée par plusieurs experts comme la plus grave défaite allemande de la guerre. 

En fixant les réserves allemandes, il est indéniable que l’URSS a  contribué au succès, qui fut long à se confirmer, de la campagne de Normandie. Pourtant Poutine n’a pas été invité en Normandie, alors que Zelensky est présent. 

Cette non-invitation est normale. Les medias russes accusent continuellement les Ukrainiens d’être des nazis. Or, tous les témoignages indépendants concordent sur la faible influence aujourd’hui de l’idéologie nationaliste de type bandériste, d’après le nom de son chef le plus connu, Stefan Bandera, cette idéologie qui a effectivement conduit ses émules à l’alliance avec les nazis et à une responsabilité accablante dans certains des pires crimes commis contre les Juifs pendant la guerre. Traiter les dirigeants ukrainiens d’aujourd’hui de nazis n’est pas une opinion, c’est une diffamation. Et nous qui entendons  tous les jours Israël se faire traiter d’Etat nazi, nous savons comme cette diffamation est ignoble…

L’homme qui pendant presque deux ans a été le meilleur allié de Hitler et qui aurait volontiers continué ce compagnonnage si le Fuhrer n’avait pas envahi son pays le 22 juin 1941 s’appelait Joseph Staline et c’est un des maitres à penser de Poutine. Tous les témoignages concordent sur la stupéfaction de Staline quand le pacte qu’il avait conclu avec Hitler a été violé par celui-ci. Cette partie de l’histoire est aujourd’hui entièrement occultée en Russie au profit de l’exaltation, glorieuse, terrible et d’ailleurs en grande partie vraie aussi, d’une URSS qui aurait porté l’essentiel de la lutte contre le nazisme.

Staline, qui n’était pourtant pas un naïf, a appris à ses dépens et plus encore  aux dépens de son pays qu’il était dangereux de se fier à une alliance avec le nazisme. C’est peut-être ce qu’apprendront un jour ceux qui font les yeux doux au nazisme d’aujourd’hui, à savoir  l’islamisme des Frères Musulmans. L’ancien  laïcard Jean Luc Mélenchon croit qu’il est malin de s’acoquiner avec eux, malgré l’absolue contradiction entre leurs idéologies.  Il devrait y réfléchir à deux fois…

© Richard Prasquier
richard.prasquier.fr

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4 Comments

  1. “Cette non-invitation est normale…C’est une diffamation”

    Non. Le régime ukrainien fait officiellement l’apologie de Bandera. La partie de l’histoire qui est complètement occultée c’est que l’URSS a été le grand vainqueur de l’Allemagne nazie. Plus de 25 millions de Russes ont été tués par les Allemands et les Alliés. Dont des millions de civils, et les femmes russes tombant aux mains des Allemands étaient parfois utilisées comme esclaves sexuelles dans des camps.

    La France, le Royaume-Uni et à peu près tous les pays participant à ces célébrations sont déjà des dictatures islamo-nazies. En somme, ce sont des collabos qui fêtent le débarquement !…Consternant, écœurant et pathétique.

    Autre remarque : ce sont les va-t-en guerre europeistes qui ont parlé d’un “génocide ukrainien” que commettrait la Russie…Or il n’existe pas plus de “génocide ukrainien” commis par la Russie que de “génocide palestinien” commis par Israël. En fin de compte, la propagande russophobe ressemble à la propagande antisémite et anti-
    israélienne : invention de génocides inexistants, réécriture de l’Histoire, diabolisation 24 h sur 24…

    Bref, René Seror a tout faux.

  2. Ajoutons que pendant la 2e guerre mondiale, de nombreux Ukrainiens ont collaboré avec l’occupant allemand en participant activement à la Shoah.

  3. Ce rejet de la Russie discrédite et ridiculise une fois de plus le “camp du bien” pour les raisons évoquées par @Kinski Ch. Ainsi que l’a formulé Emmanuel Todd, ce qui se passe avec l’Ukraine est un “test de réalité”. Malgré tous ses défauts, la Russie (partie européenne) est une société apaisée alors que l’Europe de l’ouest et l’Amérique du Nord sont en situation de pré guerre civile.
    Notre économie s’effondre tandis que l’économie russe se porte mieux malgré les sanctions. De plus, les étrangers sont très bien reçus en Russie alors qu’en Europe la xénophobie anti russe la plus écœurante et nauséabonde bat son plein. C’est peut-être un détail pour certains, mais pour moi cela veut dire beaucoup…Ce qui se passe est une défaite morale des pays ligués contre la Russie.
    Au sujet du rôle capital de l’URSS dans la victoire sur l’Allemagne nazie, il est fort possible que les macronistes soient trop NULS en histoire pour le savoir. Macron, qui croit que la Guyane est une île, et ses homologues ne sont pas des Lumières.

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