Nidra Poller. Cris de guerre XII

Cris de guerre XII

Nidra Poller

20 février

Tu choisiras la vie (suite)

La mort impose son ultime réalité. Le soldat mort sur le champ de bataille ne reviendra jamais parmi les siens. Les enfants grandiront, ls parents mourront, la veuve portera le deuil jusqu’à la fin de sa vie. Il est parti définitivement. 

Comme si la vie ne valait rien, on envoie des hommes au front, on poursuit le combat alors que les captifs meurent à petit feu. Chacun des centaines de milliers de soldats risque sa vie. La douleur des proches des otages est insoutenable. La souffrance des captifs aux mains des bourreaux perce le cœur et les tripes, sans relâche.  

Mais, le seul espoir de libérer les captifs et d’en empêcher d’autres à l’avenir, c’est le combat acharné. 

Le salut même des Gazaouis dépend de la défaite du Hamas ; il ne viendra pas de l’UNRWA, pas des  officiants humanitaires, des instances internationales, des horizons politiques ou des décisions de la CIJ. 

Je tremble devant ces images des soldats qui traversent un champ de gravats, courant droit sur l’ennemi caché dans un bâtiment. Ce sont les petits-enfants de ma génération, exposés à tous les dangers et je ne peux rien pour les protéger. Je détourne le regard et me cramponne à leur magnifique courage. J’ouvre les yeux sur une vision intérieure apocalyptique. Si jamais ils subissent une défaite majeure, par la force des armes ou des trahisons géopolitiques, si le rapport de forces bascule sous la pression de triangles toxiques, de liaisons dangereuses, d’accords soi-disant raisonnables, notre monde deviendra un champ de bataille, plus rien ne résistera, nous serons captifs, soumis à la cruauté monstrueuse des combattants du jihad.

Le sourire lumineux des soldats

Qu’ils sont beaux ces soldats tombés au combat qu’on découvre,  à l’annonce de leur mort, rayonnant d’amour, de leur vivant. Qu’elles sont tendres et viriles, les  embrassades de retrouvailles avec les captifs libérés. 

Des cendres de l’infâme 7 octobre renaît l’esprit de corps d’un peuple courageux, énergique, bienveillant, capable d’organiser des opérations massives d’entraide. L’empathie agit comme l’état-major de ces campagnes qui recouvrent le territoire national et s’étendent aux camps militaires en bordure de la Bande de Gaza.

Yellow is the color of war /Fiamma Nirenstein, à la base de Tze’elim.

On respire auprès de ces soldats la camaraderie des hommes engagés par un devoir essentiel, sûrs d’être là où il le faut pour sauver leur pays, gênés quand tu leur demandes s’ils ont peur, bien entendu ils ont peur et so what ? Ils forment de leur corps un mur de défense. « Mon rêve?  demande Yehuda.  C’est d’entrer dans un bâtiment et de découvrir à mon étonnement des kidnappés. Vivants ! De les embrasser et les ramener chez nous ». 

On attend une mise à jour de la part des généraux à la retraite et autres kibitzers qui nous ont assuré en octobre qu’une armée de jeunes instagrammeurs sans expérience de combat aurait du mal à lutter contre les guerriers féroces du Hamas. 

Les proches des otages et les proches des proches, infatigables, réunis et en marche, sollicitant, priant, exigeant. Les happenings, les affiches, les rassemblements, la musique et les haut-parleurs, les t-shirts, les rubans jaunes, les longues tables de shabbat, le témoignage des libérés…  Et pourtant, un cessez-le-feu serait suicidaire. Leurs cris de désespoir résonnent dans le vide et leur colère tourne en rond. Les négociations ne le sont pas. L’ennemi palestinien vaincu exige la victoire en récompense. Mais l’échange de prisonniers sanguinaires contre nos captifs, c’est fini. On ne peut plus entretenir le cycle d’assauts récompensés, le marché de dupes qui passe la souffrance du libéré d’aujourd’hui au kidnappé de demain.  

C’est tellement cruel que je ne voulais pas l’écrire. 

L’épistémologie de cette guerre

 J’écoute, je lis, je passe des heures à suivre des débats approximatifs, je m’interroge, j’écris, je parle aux uns et me tais auprès d’autres, je me remets en question, j’entends des propos indéfendables versés sur les ondes comme des coulées de boue. Je ne veux pas céder à l’émotion. Il me faut fixer le réel. Résister à toute pression née de la confusion des esprits. Ne pas sombrer dans une douleur victimaire, ne pas être obsédée par le discours avarié. Je ne suis pas une optimiste je suis une espératrice. Quel que soit le malheur qui me touche, dans ma vie personnelle comme dans le monde qui m’entoure, je m’accroche à l’espoir. 

Kafka à la Cour Internationale de Justice – Tablet Magazine

Ruth Wisse

Non, ce n’est pas kafkaïen. Le Procès était l’angst ; le Hamas c’est le Mal. 

Le massacre sauvage perpétré par le Hamas le 7 octobre, à la différence des pogroms européens improvisés, a été planifié avec des informations cruciales fournies par des Gazaouis employés par des Israéliens.  C’est la première campagne militaire conçue pour aboutir à la torture, au viol, à la décapitation de victimes prédéterminées. Les tentatives de détruire Israël militairement ayant échoué, la nouvelle stratégie est de détruire la volonté des Juifs de demeurer parmi des antagonistes voués à ne jamais les laisser en paix. Plus que pour intimider, c’était pour démoraliser. 

Des lauréats du prix Nobel publient une demande de libération des otages

Faudrait-il être un génie pour comprendre que le seul message qui vaille est simple et sans ambiguïté ? 

Huit lauréats juifs du prix Nobel ont adressé aux chefs des Nations unies, du CICR et de l’OMS une demande urgente de livraison des médicaments aux otages israéliens à Gaza, suivie de leur libération immédiate et sans condition. 

Au lieu de quoi, une opinion internationale aveugle opte pour le pire des messages, le paquet cadeau crise humanitaire / cessez-le-feu / État palestinien. 

Non !

Ne vous inquiétez pas pour les Juifs, pensez à vos intérêts propres. On doit foudroyer d’une mise en garde implacable les ennemis de la liberté. Il faut montrer, concrètement, aux monstres qui veulent exterminer la vie, que la riposte, s’ils lâchent leur haine sauvage contre nous, sera impitoyable. 

NHK Path to Peace : la délicatesse de la fleur de cerisier 

[Cherchant un reportage sur la tempête de neige à Tokyo, je tombe sur une émission politique. Ah, mes nihonjin aux passions refoulées… c’est de l’origami.] 

Global Agenda / Gaza Crisis: the path to peace / 4 février

Un panel réuni par Ebara Miki– Yossi Belin, Hiba Husseini, Charles Dunne et Tanaka Koichiro, avec une intervention de Jan Egeland—penche sur la question. Sans fracas.

Et pourtant, ça démarre avec une déclaration inattendue de Yossi Belin qui défend à contrecœur l’opération militaire israélienne à Gaza. On ne peut pas faire autrement. Israël ne peut pas vivre avec un territoire contrôlé par le Hamas à ses côtés.

A partir de ce constat inattaquable, on plie et replie les propos pour faire une œuvre d’origami… qui montre, contre tout évidence, la culpabilité d’Israël. Le plus virulent dans l’exercice c’est Jan Egeland, Secrétaire général du Norwegian Refugee Council. 

Pour terminer en beauté, Belin et Husseini façonnent des colombes en papier diaphane fleurie: c’est la Holy Land Confederation. Les convives sont séduits par cette vision de deux États aux frontières à la fois définies et poreuses, un va et vient de Palestiniens en Israël, d’Israéliens en Palestine. Du hip-hop ! Le vivre ensemble, mon pote.

La preuve ?  Voici Hiba Husseini qui hurle sa colère contre les Israéliens, coupables, elle le croit, du bombardement de l’hôpital Al Ahli.  Cinq cents morts !

Même quand elle développe en long et en large une charge contre les dirigeants palestiniens qui privent leur peuple des droits démocratiques, c’est la faute d’Israël.

 SOS Etats-Unis

Des spéculations sur une éventuelle arrêt de l’aide à l’Ukraine au cas où Trump serait réélu s’avèrent bien en-dessous de la réalité. Le parti autrefois Republican appartient aujourd’hui à Donald Trump, il choisit les candidats, gère les  finances et dicte sa loi aux législateurs. Contournant les primaires comme les élections, il se comporte déjà en président élu. Il faut comprendre la nature de l’emprise de Trump sur sa base, les pulsions qu’il nourrit et la synergie avec d’autres, encore plus louches. Tucker Carlson, par exemple.

Pour les fidèles trumpistes, l’accusation de collusion avec les Russes, au début de son mandat, était l’ouverture d’une campagne de persécution poursuivie jusqu’aujourd’hui. Or, dans la foulée de l’entretien complaisant de Poutine par Tucker Carlson, Trump se vante de la vengeance qu’il prendrait contre les mauvais payeurs européens de l’Otan. « Je dirai aux Russes d’en faire ce qu’ils veulent putain de merde ! » (Selon John Bolton, Trump n’a jamais compris la différence entre les contributions des États-membres au fonctionnement de l’OTAN et l’engagement de chacun au niveau du budget défense).

On ne peut pas juger ces prises de position sans tenir compte de l’affect qui est exprimé, remué, alimenté auprès d’une masse de disciples–pour la plupart ignorants– et des élites subjuguées. La haine qui gronde dans leurs propos, la moquerie vulgaire de tous ceux qui refusent de se plier à leur volonté, ne sont pas anodines. 

Déjà à la mi-octobre, Tucker Carlson condamne l’action israélienne à Gazaqui mènera inévitablement à la guerre totale avec l’Iran. C’est la vieille rengaine :  les Juifs nous entrainent dans des guerres désastreuses. Pour dénoncer la prise de position de Nikki Haley, dernière rivale de Trump, Carlson puise dans des clichés bas de gamme : Son soutien d’Israël n’est pas réfléchi. D’ailleurs elle ne réfléchit jamais. C’est une crise de nerfs mais personne ne lui donne la gifle qu’elle mérite. 

Il n’y a aucune chance que Poutine perde la guerre en Ukraine, selon Elon Musk. Tiens, c’est exactement ce que Poutine a dit à Carlson. Le milliardaire imprévisible a réuni quelques Republicans dans un «space»organisé le 12 février sur son réseau X, qui confirment sa conviction. Pour le sénateur du Wisconsin Ron Johnson, ceux qui croient à une victoire ukrainienne «vivent dans un monde imaginaire ». L’ancien candidat à la candidature, Vivek Ramaswamy, abonde dans le même sens. Musk est opposé, comme ses invités, à la fourniture de 60 milliards d’aide à l’Ukraine, effectivement bloqués par la Chambre de représentants. «Ces dépenses n’aident pas l’Ukraine. Prolonger la guerre ne les aide pas».

Rafah : Coitus interruptus

Pas Rafah, pas ça, surtout pas ça. Une cacophonie de vierges effarouchées. C’est le point de bascule de tout le commentariat, des leaders, des responsables, des concernés, des préoccupés, des puissants et surtout des impuissants. Ils perdent la raison. Pas d’opération militaire à Rafah. Ça, non. 

En quoi serait-elle différente de tout ce qui se passe sur le front depuis quatre mois ? Le déplacement de civils, la crise humanitaire ? Inévitables. Ou bien n’importe quelle force barbare peut nous battre en se cachant derrière une population civile malléable à merci, ou bien on se défend et on gagne. 

Tsahal développe, avec une grande intelligence, des stratégies innovantes en se défendant contre le Hamas. Et on voudrait qu’il s’arrête aux portes de la victoire ? Pour quoi faire, à qui plaire ? 

Ce n’est pas la poursuite de la guerre qui serait indécente, c’est de renoncer, sans justification, à vaincre.

Ça coince. Notre liberté, notre bien-être, l’avenir de notre descendance exige une réponse héroïque et logique contre les forces déterminées à nous détruire. De la réponse de G.W. Bush à l’atrocité du 9/11—« L’Islam est une religion de paix »– à la mise en garde d’Emmanuel Macron au début de l’invasion de l’Ukraine—« Il ne faut pas humilier la Russie »–en passant par les cris incessants de « pas d’escalade », nos démocraties chancelantes se retiennent. Elles reconnaissent le danger. Elles se mobilisent avec courage. Elles apprennent de l’expérience. Et au lieu de conclure, elles se retirent. 

Les Ukrainiens et les Israéliens mènent un combat existentiel. Priver les premiers du soutien plein et entier, accuser les derniers de crimes en mobilisant les instances internationales corrompues pour les arrêter en vol, se plaindre du coût et des risques de ce soutien, c’est se condamner aux conflits bâclés et interminables. 

Comme si la vie ne valait rien.

© Nidra Poller

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