Ils peuvent essayer de nous effacer de la surface de la terre, tuer nos frères et nous menacer d’extinction, la fleur du judaïsme ne mourra jamais…

Cette chronique est une réponse à un ami…

Il se reconnaitra…

Une maman tondue, ça frôle le prix littéraire… ( allusion au livre de Cécile Desprairies, “La propagandiste”, en lice pour le Goncourt, et dont le thème est celui d’assumer une mère collabo).

Si tu veux gommer tout judaïsme , il faut éviter la référence au boubeleh, kneidlekh, boulbes, kroupnik, gefillte fish…

Tous ces mots qui fleurent la Pologne, la Russie, la Roumanie, la Hongrie…

Tous ces mots qui redessinent la silhouette d’une mère  ou d’une grand mère, ceinte d’un tablier dans une cuisine surchauffée et s’essuyant le front d’un revers de bras, munie d’un couteau, d’une moulinette fixée à un coin de table, d’un hackmesser, ou même d’un marteau les jours de fête pour assassiner sauvagement une carpe innocente qui frayait tranquillement dans les eaux de la baignoire familiale ( quand il y en avait une).

Évoque plutôt la daube, ce plat aux racines si francaises qui mijotait plusieurs heures en embaumant la cuisine des effluves de viande marinée et de vin cuit, la blanquette de veau emmaillotée d’une sauce crémeuse que le riz aux champignons épongeait avec délice, ou le boudin aux deux pommes,  qui malgré son aspect parfois rebutant s’associait à la pomme dont le jus acidulé faisait twister la viande,

Parle de ton école que tu ralliais tous les matins après 4 km de marche que tu effectuais les pieds nus dans de lourds sabots de bois,

Et essuie discrètement une larme nostalgique en repensant à la vache conduite à la foire  par ton grand-père qui ne parlait que le patois et exsudait de fierté de voir sa bestiole primée couverte de décorations comme un vaillant général ayant conduit ses troupes à la victoire..

Attention, hein!

Te trompe pas:  le patois!

Pas le yiddish, sinon t’es foutu!!

Vu! Repéré! Labellisé !!

Et n’efface pas de ton visage le léger sourire qui t’éclaire en revoyant la marmite jamais lavée de ta grand-mère dans laquelle cuisait et recuisait la soupe quotidienne qui confisquait à chaque fois les restes de légumes des jours précédents, ce qui lui donnait ce goût inimitable que tu n’as jamais retrouvé…

  Moi, petite, je frimais avec ma mère française au parler pointu comme Arletty, qui usait d’expressions très imagées que n’aurait pas écartées une petite gouape mafieuse des films de Jacques Becker, et qui gommait un peu l’embarras dans lequel me plongeait l’accent de papa.

 Qui au final aima tellement le français et sa littérature qu’il m’emmena voir des pièces de Sartre qu’il me décortiquait comme un agrégé de lettres…

Tandis que Maman la française chantait à tue-tête des chansons de Luis Mariano qu’elle tenait pour le plus grand poète du XX e siècle…

  Elle chantait très juste, ne l’ignorait pas et espérait redonner ainsi ses lettres de noblesse à un art populaire mis en rivalité avec le côté cérébral de papa.

  Elle y ajoutait parfois des airs de Georges Guetary, Georges Ulmer, Patachou, Mick Micheyl, Lucienne Delyle, Edith Piaf, Cora Vocaire…

Le dernier Georges n’eut pas ses faveurs, elle le trouvait vraiment trop mal élevé, et trop répétitif sur le plan musical…

Maman était une exégète avertie de l’art musical de la seconde moitié du XXe siècle.

Enfin  quand je dis française…

  D’origine ukrainienne, elle parlait russe avec papa en prononçant des consonnes liquides qui me berçaient les oreilles…

Je ne peux entendre un échange en russe sans avoir les oreilles qui pointent…

Certaines de mes copines avaient leurs Deux parents lestés d’un accent à couper à la tronçonneuse, eux parlaient yiddish à la maison pour assurer une compréhension  mutuelle sûre et rapide, fallait bien gérer le quotidien, et répondre à ta mère qui voulait savoir pourquoi t’avais pas terminé le 21 ème latkes qu’elle avait déposé dans ton assiette, et me voici aujourd’hui jalouse de ces amis capables de prononcer cette langue divine qui me remue cœur et boyaux…

Tu vois!!

J’ai essayé de m’en éloigner, de décrire un passé français tout juste extrait du terroir, mais je suis revenue au yiddish, toute seule, comme ça, sans m’en rendre compte…

Ce qui revient à dire que le judaïsme, c’est comme la couleur des cheveux…

Tu peux y coller des tonnes de teinture, de toutes les couleurs, des balayages, des mèches, la vraie couleur d’origine, avec ses racines voyantes, repousse toujours comme du chiendent.

  Je devrais plutôt dire comme une fleur des champs, une marguerite ou une pâquerette qui signe la beauté et la délicatesse de la nature…

Alors ils peuvent essayer de nous effacer de la surface de la terre, tuer nos frères et nous menacer d’extinction, la fleur du judaïsme ne mourra jamais…

   Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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