Yves Mamou.Quand la “cause palestinienne” devient un obstacle au développement économique du Moyen Orient

La vieille garde palestinienne aurait-elle fait son temps ? Le rejet d’Israël par les Palestiniens commence à lasser. 

Une fois n’est pas coutume, l’Union européenne a littéralement fustigé les déclarations antisémites tenus par le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas devant le 11e Conseil révolutionnaire du Fatah à la fin du mois d’août 2023.

“De telles distorsions historiques sont incendiaires, profondément offensantes, ne peuvent qu’exacerber les tensions dans la région et ne servent les intérêts de personne. Elles font le jeu de ceux qui ne veulent pas d’une solution à deux États… banalisent l’Holocauste (…), alimentent ainsi l’antisémitisme et sont une insulte aux millions de victimes de l’Holocauste et à leurs familles”, a notamment déclaré l’UE dans un communiqué.

Qu’a donc dit Mahmoud Abbas pour susciter une telle colère ? Rien que de très banal venant de lui : les Juifs n’ont pas été persécutés par Hitler parce qu’ils étaient juifs, a affirmé le président de l’Autorité Palestinienne, mais en raison de “leur rôle social, qui avait à voir avec l’usure, l’argent, etc”. Mahmoud Abbas a aussi affirmé que les Juifs européens, ou ashkénazes, n’ont pas de racines au Moyen-Orient et qu’ils descendaient des Khazars, une tribu nomade d’Asie qui s’était convertie au judaïsme au Moyen Age. « Quand nous les entendons parler de sémitisme et d’antisémitisme – les Juifs ashkénazes, au moins, ne sont pas sémites », a déclaré M. Abbas.

Ces commentaires qui ont pour but de délégitimer la présence d’Israël au Moyen Orient servent à justifier le refus d’une solution à deux Etats. Ils n’ont rien de nouveau. M. Abbas est coutumier du fait. En 2018, il avait déjà tenu des remarques antisémites sur l’usure et les Juifs ashkénazes, et l’année dernière, il a accusé Israël d’avoir commis “50 Holocaustes” contre les Palestiniens.

Ce qui change aujourd’hui, c’est la violence de la réaction européenne. Le ton excédé révèle une forme d’impatience. L’Union européenne ne veut plus qu’un politicien arabe corrompu vienne contrecarrer la réorganisation de son approvisionnement énergétique. Des projets sont en cours qui mettent en jeu la survie économique de l’Union européenne. Et la “cause palestinienne”, aussi noble qu’elle apparaisse aux yeux des Européens, ne doit pas constituer un obstacle.

Les États-Unis, l’Inde, l’Union européenne, l’Arabie Saoudite et les Emirats sont en effet en train de finaliser un projet de construction d’un corridor ferroviaire et maritime long de 6000 kilomètres, qui reliera l’Inde à l’Europe en passant par l’Arabie et éventuellement Israël. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré jeudi que la Maison Blanche accordait une grande importance à ces projets.

“Nous pensons que la connectivité entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe est extrêmement importante et apportera un nombre important d’avantages économiques, ainsi que des avantages stratégiques, à tous les pays concernés”, a-t-il déclaré aux journalistes à bord d’Air Force One.

L’annonce de la création de ce corridor était attendue samedi lors du sommet des dirigeants du G20 à New Delhi, avec la signature éventuelle d’un protocole d’accord entre les États-Unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, l’Union européenne et les Émirats arabes unis.

Tous les signataires de l’accord participeraient au plan de financement, mais les montants attribués à chacun et les délais nécessiteront plusieurs mois de discussion.

Ce projet de corridor maritime et ferroviaire a trois intérêts majeurs : 

  • le premier est qu’il redonne aux Etats Unis l’initiative et leur permet de limiter l’influence chinoise au Moyen Orient. De grands projets d’infrastructures d’initiative occidentale permettraient de contrer les grands projets chinois qui depuis 2010, redessinent la carte du monde. En mai, dans le cadre du G7 au Japon, les dirigeants occidentaux se sont engagés à mobiliser 600 milliards de dollars de financement d’infrastructures.
  • Le second est qu’il crée un couloir d’acheminement énergétique direct entre l’Europe et le Moyen Orient. La guerre en Ukraine oblige aujourd’hui l’UE – et notamment l’Allemagne – à s’approvisionner en gaz ailleurs qu’en Russie. Le parti pris des Européens en faveur de l’Ukraine leur impose donc de ne pas se lier à des fournisseurs comme la Russie susceptibles d’exercer un chantage politique ou militaire un jour.
  • Et c’est à ce stade des opérations qu’Israël se pare de couleurs positives aux yeux des Européens. Israel dispose de gisements de gaz immédiatement mobilisables. Si les Européens souhaitent en profiter, mieux vaut qu’ils observent une position équilibrée à l’égard du conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, Israël pourrait – dans un second temps – être partenaire du futur corridor connectant l’Inde à l’Europe. Une ligne ferroviaire pourrait relier directement l’Arabie Saoudite à Israel. Les marchandises en provenance d’Inde ou du Moyen Orient pourraient cheminer par train du sud d’Israel à Haïfa ou ils seraient ensuite acheminés en Europe par bateau. Et vice versa.

Bien entendu, une reconnaissance diplomatique d’Israel par l’Arabie saoudite devient nécessaire. Elle aura lieu car les Saoudiens rêvent de devenir les parrains d’un Moyen Orient intégré ou Israel aurait sa place et ou son dynamisme économique et ses innovations technologiques contribueraient à l’essor régional du Moyen Orient. 

Dans ce nouveau contexte, la “cause” palestinienne ne doit plus représenter un obstacle. C’est ce que Mahmoud Abbas n’a pas encore compris. Il parait même qu’Emmanuel Macron chercherait un successeur à Mahmoud Abbas.

© Yves Mamou

Yves Mamou est l’auteur de “Le Grand Abandon, les élites françaises et l’Islamisme” (Éd. L’Artilleur. 2018)et de “Dix petits mensonges et leurs grandes conséquences : Auschwitz, Israël, la Palestine et nous” ( Éd. L’Artilleur. 2021)

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