Daniel Sarfati. De Naïma à Ida. De John Coltrane à Pawel Pawlikowski 

“Naïma” de John Coltrane est un des morceaux de jazz le plus bouleversant.

Même sa version rock par Chrissie Hynde des Pretenders me fait à chaque fois frissonner.

Je suis entre bonheur absolu et chagrin infini.

Le film polonais “Ida” de Pawel Pawlikowski est en gris et blanc.

Gris comme les zones d’ombre de l’histoire contemporaine de la Pologne et blanc comme cette lumière crue de la neige de cet hiver interminable dans les années soixante.

Les Juifs ont quasiment disparu en Pologne. Exterminés. Ou perdus.

Comme Anna, cachée dans un couvent lorsqu’elle était encore une enfant juive.

De son vrai nom Ida, elle s’apprête à prononcer ses vœux de nonne.

Comme Wanda, sa tante, juge, au service du pouvoir stalinien, et qui n’a plus foi en rien.

Les deux, tante et nièce, ne se connaissaient pas mais elles vont s’associer pour un voyage au bout de leur identité.

A la recherche du lieu de sépulture des parents d’Ida, assassinés par des paysans polonais.

Des paysans qui occupent maintenant la maison de leurs victimes.

Les assassins n’ont aucun remord. Ils ont juste peur.

Ils n’acceptent de révéler à Wanda l’endroit où sont enterrés le père, la mère et le frère d’Ida, qu’à la condition de garder la maison.

Ida ne cherche pas à se venger, ne cherche pas à récupérer son bien, ne cherche même pas une pierre tombale.

Juste un lieu de mémoire.

Au pied d’un arbre au milieu de la forêt, où elle peut se recueillir et prier. Pour ses parents, pour les Juifs assassinés. Avec les seules prières qu’elle connaisse. Celles apprises au couvent.

On traverse le film, un road movie, entre émotion et rage froide.

Un moment de grâce.

Des musiciens dans un bistrot de village rangent leurs instruments, les derniers clients sont partis.

Le saxophoniste qui croit être seul, joue “Naïma” de John Coltrane.

Ida l’observe cachée derrière un poteau.

Elle n’a jamais entendu du jazz et elle est bouleversée.

Écouter “Naïma” rend à la fois heureux et peut vous faire fondre en larmes.

Le film “Ida” est l’histoire d’un apprentissage.

Ida ne savait pas quel avait été le sort des Juifs de Pologne. Des siens.

Elle sait maintenant d’où elle vient.

Comment retourner au couvent et se taire ?

Comment juste prier un ciel gris et blanc ?

© Daniel Sarfati

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