Pierre Lurçat. L’enjeu essentiel de la réforme judiciaire : rétablir les droits de la majorité

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera au cours d’une conférence la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de celle de la Cour Suprême, le mardi 28 février à 19:00 dans les locaux de la Wizo

L’enjeu essentiel de la réforme judiciaire : rétablir les droits de la majorité, Pierre Lurçat

Au vu du pouvoir hégémonique sans précédent que la Cour suprême israélienne a acquis au cours des trois dernières décennies, il est difficile de faire revenir les choses en arrière, au statu quo ante. Les juges de la Cour suprême israélienne ont acquis un pouvoir auquel ils ne semblent pas prêts de renoncer. C’est pourquoi le changement ne peut pas venir de l’intérieur du système judiciaire. Il ne peut venir que de la Knesset et du gouvernement. La vox populi a montré son impuissance lors des grandes manifestations du public ultra-orthodoxe dans les années 1990, qui n’ont amené aucun changement, pas plus que les différentes initiatives venant d’autres milieux (comme le projet de Constitution par consensus de Ruth Gabizon et de Yaakov Madan).

Comme je l’écrivais en 2020, “pour rétablir les droits du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, ce sont le gouvernement et la Knesset qui doivent eux-mêmes se faire l’instrument d’une contre-révolution démocratique. C’est ce qu’avait commencé à faire Ayelet Shaked lors de son mandat au ministère de la Justice. Il est indispensable qu’un grand parti politique adopte pour cheval de bataille le rétablissement de l’équilibre des pouvoirs et des prérogatives de la Knesset”.

Ce qui est en jeu dans la réforme judiciaire actuelle en Israël est emblématique du débat politique dans de nombreux autres pays occidentaux, comme la France ou les USA. Ici comme là-bas, des “minorités tyranniques” ont réussi à imposer leurs vues, sur bien des sujets très divers, contre les conceptions majoritaires de leurs concitoyens. Sur des thèmes comme l’immigration ou l’identité nationale en France comme en Israël, mais aussi sur le droit de la famille, etc., ces minorités actives se sont servies du pouvoir judiciaire pour imposer leurs vues.

Ce n’est pas un hasard si la Cour suprême israélienne, autrefois considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne, est aujourd’hui devenue une institution hyper politisée, qui a perdu son aura et sa réputation d’impartialité. Dans le sillage de la Révolution constitutionnelle, la Cour suprême israélienne est en fait devenue le principal obstacle au jeu des institutions démocratiques. En réalité, comme nous avons tenté de le montrer, le juge Aharon Barak, tout comme ses élèves et successeurs, est tout le contraire d’un démocrate.

Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat
Aharon Barak

En bon élève de Lénine, il a utilisé les institutions démocratiques et le langage du droit pour asseoir son pouvoir. En Israël comme ailleurs dans le monde occidental, les deux pouvoirs qui se sont érigés en “maîtres du jeu” démocratique sont précisément les deux pouvoirs non élus, qui ne rendent de compte à personne : le pouvoir judiciaire (expression dont nous avons montré le caractère problématique) et le pouvoir médiatique.

En vidant de son sens la notion d’État juif et démocratique, la Cour suprême israélienne, depuis Aharon Barak, a porté atteinte au fragile équilibre sur lequel repose la société israélienne, constituée de secteurs multiples, porteurs de valeurs diverses et souvent contradictoires. Il importe aujourd’hui de rétablir cet équilibre, en restaurant un indispensable consensus national et en renforçant le caractère juif de l’État. Contrairement aux conceptions radicales d’Aharon Barak, le caractère juif de l’État ne menace pas la démocratie israélienne, il en est le ciment. C’est le vide engendré par le rejet du projet de droit israélien fondé sur les sources hébraïques qui a ouvert la voie à la situation actuelle.

Le but du sionisme politique a en effet toujours été de créer un État juif (avec certes des divergences quant au contenu de cette notion). Le caractère démocratique de cet État allait de soi, mais n’a jamais été un objectif en soi. Paradoxalement, c’est l’atteinte au caractère juif de l’État qui a affaibli de manière dangereuse le jeu démocratique des institutions, en imposant au peuple israélien des valeurs étrangères. Réaffirmer le caractère juif de l’État permettra de préserver la démocratie israélienne. La contre-révolution constitutionnelle a commencé, mais est loin d’être achevée. L’enjeu, en Israël comme ailleurs, dépasse de loin le seul problème institutionnel et politique. Il s’agit aussi et surtout de préserver l’idéal démocratique et de rendre au peuple le droit de choisir son destin.

© Pierre Lurçat

Extrait adapté de l’article de l’auteur “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël”. Revue Pardès. N° 67 2021
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LES ENJEUX DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN ISRAËL 

Mardi 28 février 2023. 19 heures. Locaux de la Wizo. 35, rue King Georges. Tel Aviv

Pour connaître les enjeux de la réforme judiciaire actuelle, il est indispensable de connaître son contexte historique et notamment celui de la “révolution constitutionnelle” menée par le Président de la Cour Suprême Aharon Barak dans les années 1990.

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera au cours d’une conférence la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de celle de la Cour Suprême, le mardi 28 février à 19:00 dans les locaux de la Wizo: 35, rue King Georges. Tel Aviv

PAF : 30 shekels. 

(Sans réservation)

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http://vudejerusalem.over-blog.com/2023/02/l-enjeu-essentiel-de-la-reforme-judiciaire-retablir-les-droits-de-la-majorite-pierre-lurcat.html


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1 Comment

  1. « Rétablir les droits de la majorité », Pierre Lurçat ?
    Laquelle ? L’actuelle ou celle d’il y’a six mois qui lui était opposée ?
    Ou celle qui sera là dans six mois (un an ?) et qui sera peut-être opposée à l’actuelle ?

    Sachant que le système électoral israélien (proportionnelle intégrale, comme la notoirement instable quatrième république française mais pire) est responsable de 5 élections les 4 dernières années. Et que le dernier gouvernement à avoir tenu les quatre années règlementaires remonte à au moins trente ans.

    Et que la « majorité » israélienne repose sur des micro-partis qui soutiennent le gouvernement par intérêts sectoriels ; et qui inverseraient leur soutien si leurs intérêts (souvent inavouables) les y incitent.
    Et que cela ressemble plutôt à des minorités qui exercent du chantage sur la majorité.

    De quelle majorité parlez-vous donc, Pierre Lurçat ?
    Si la structure fondamentale de la gouvernance en Israël et la nature profonde du pays sont « révolutionnées » maintenant moyennant la « réforme judiciaire », pourquoi ne le seraient-elles pas en sens inverse lors d’un changement de majorité (à la faveur d’un changement d’humeur d’un micro-parti), changement dont la fréquence en Israël est annuelle ?

    Auquel cas il faut figer des principes fondateurs dans le marbre, les rendre intouchables, inaccessibles à 61 politicards.
    Et surtout, dans l’absence d’une constitution, éviter de toucher à la primauté de la cour suprême.
    L’alternative étant un yo-yo politico-législative qui ébranlerait les fondements et fissurerait les remparts. Intenable. Suicidaire.

    Mais Lurçat semble ne pas le comprendre.

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