Laurence Walbrou. Unis dans la persécution

Au cœur de la Haute Loire et aux confins des Cévennes, le Chambon sur Lignon reste un vivant symbole de la résistance aux lois iniques de Vichy et un idéal d’hospitalité inconditionnelle.

“Terre des Justes” honorée à Yad Vashem, célèbre en France et dans le monde entier, le Plateau Vivarais demeure pour toujours le terroir d’hommes et femmes ordinaires, estimant au soir de leurs vies n’avoir fait “que” leur devoir en suivant leur conscience et leur foi. Ils furent nombreux à s’étonner d’être récompensés et honorés, puisque à leurs yeux, aucune autre option que l’accueil inconditionnel n’apparaissait envisageable.

Secourir l’opprimé et l’indésirable, telle semble demeurer la vocation du peuple Protestant. Ayant vécu lui-même des siècles de persécutions, c’est dans ses gènes et dans son sang que palpite encore l’histoire des années de “Désert”, où ceux qu’on nomma “les Huguenots” vécurent en autarcie sur des terres frugales autour de leurs temples et de leurs pasteurs. Cette mémoire collective vivace forme le terreau fertile du philosémitisme des Protestants français.
De 1680 à 1685, entre la révocation de l’Edit de Nantes et la promulgation de l’Edit de Fontainebleau, les autorités royales sont sans pitié pour ceux qui refusent la conversion au catholicisme. Les baptêmes sont forcés et les enfants ne sont légitimement reconnus qu’après mariage à l’église. Les assemblées clandestines se multiplient dans le secret autour de pasteurs qui risquent la mort. Ceux qui refusent d’abjurer sont emprisonnés ou envoyés aux galères. Il n’est nul Protestant qui ignore l’histoire de Marie Durand, enfermée trente huit ans dans un cachot d’Aigues Mortes mais n’abjura jamais.

Ainsi les “gens de la Montagne” portent-ils en eux la mémoire de la résistance à l’oppresseur, ainsi que l’évidence de la main tendue à l’opprimé, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne.

C’est Philippe Joutard, auteur du cru, qui le premier employa le terme d’”affinités mémorielles”, liant le peuple Juif aux Huguenots persécutés de naguère. Dans leurs prisons, ceux-ci s’assimilaient parfaitement au peuple de la Bible, chantant les psaumes du roi David, lisant avec passion les Prophètes. Ils n’obtiennent un état civil qu’en 1787, puis la Révolution leur donne enfin toute liberté de culte. Il n’est pas une maison qui ne possède sa Bible, toujours ouverte à la place d’honneur. Les prénoms dits “bibliques”, comme David, Elie, Sarah, Rebecca, fleurissent dans toutes les familles.

La solidarité Protestante apparait avec clarté au moment de l’affaire Deyfus, qui divise la France. Le petit peuple Huguenot, ses notables et ses pasteurs se déclarent immédiatement en faveur du capitaine innocent.
Tout naturellement, les persécutions nazies suivies des deux infâmes “statuts des Juifs” de Pétain puis du réveil d’une partie de la population suite à la Rafle du Vel d’Hiv’ vont précipiter vers les Cévennes et le Plateau Vivarais des milliers de réfugiés. Le Chambon et les communes voisines n’ont d’ailleurs pas attendu 1942 pour héberger et cacher ceux qui fuyaient la guerre civile espagnole, ni les juifs Allemands persécutés dès l’accession d’Hitler au pouvoir.

C’est ainsi que l’on verra les pasteurs Trocmé et Theis laisser avec respect leur temple à la disposition de la prière des juifs religieux. De même, les lectures de l’Ancien testament seront privilégiées lors des assemblées de prière chrétienne afin de ne pas froisser ceux qui sont considérés comme des hôtes.

Les Pasteurs
Pasteur André Tocmé et son épouse Magda

Quel Chambonnais d’hier et d’aujourd’hui pourrait-il avoir oublié le “mot de passe” qui se chuchotait le dimanche à la sortie du culte ? : “Nous avons reçu un Ancien Testament”.

Ce à quoi il était répondu : “Je le prends !”

Fronton du Temple. Le Chambon sur Lignon. Photo Eric Allouche

 (©) Laurence Walbrou

Laurence Walbrou

Laurence Walbrou a publié en 2008 “Baudouin IV de Jérusalem: c’est pourquoi je ne faiblirai pas” et en 2020 “Quelques justes parmi les hommes: Des juifs et des chrétiens face à la barbarie” chez Salvator Editions

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

3 Comments

  1. Catholiques ou protestants, ceux qui ont sauvé des Juifs sous l’occupation avaient presque tous en commun d’appartenir à cette “France d’en bas”, rurale et périphérique, sur laquelle notre pouvoir, nos médias et notre show-biz crachent quotidiennement leur mépris. La macronie est à la fois l’héritière des Versaillais de 1871 et des Petainistes de 1940-44.

    • 101% d accord avec Jerome , j ajouterai meme que depuis 100 ans la France est malade de ses elites defaillantes , l effondrement devant hitler, petain, et les pantalonnades grotesques des bourgeois macroniens sont de meme nature : ces fils de la haute societe sont illegitimes aux postes qu ils occupent et l ecrasante majorité du peuple refuse desormais de voter ; c est a dire de choisir parmi nos maitres .
      , la seule issue que l histoire de France ai jamais trouvé a une telle situation c est 1789 ,

  2. @Jérôme Onyx @TAmouyal Merci pour vos commentaires éclairés dans cette époque de ténèbres. Il sera plus facile pour un éléphant de passer à travers le trou d’une aiguille et pour un poisson lune de voyager sur Mars que de recevoir le pardon céleste (y compris le mien) pour les néo fascistes bobos “progressistes” et macronistes qui squattent 95% de l’espace public et transforment ce pays en enfer.
    Le salut vient toujours des classes populaires et plus généralement de ceux que méprisent les bien-pensants.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*