Gérard Kleczewski. Accablantes législatives 2022

Photo Stéphane de Sakutin / AFP 17 mai 2022

Quand on suit le cirque politique français, comme je le fais depuis plus de quarante ans, on savait d’avance qu’on allait être peu ou prou consterné par le spectacle au soir du premier tour des Législatives.

Et on ne s’était pas trompé… Entre imprécations, messages comminatoires pour ceux “du camp d’en face”, éléments de langage préparés à l’avance et débités sans discernement par les membres d’une classe politique présentée autrefois comme “la meilleure du monde”, show des “bons clients” et invités multi-plateaux comme l’inénarrable Rachida Dati, etc.

Dans aucun autre pays européen comparable au nôtre, à l’exception peut-être de l’Italie (et encore…), on assiste à un tel “balagan”, à une telle dérive de sa représentation politique. 

Quelques heures avant la soirée électorale, on avait déjà été servi par la médiocrité des nouveaux médias sociaux avec en point d’orgue, si l’on peut dire, le tweet d’Arthur Germain, fils d’Anne Hidalgo. L’aventurier-écolo nageur en eaux troubles se faisait prendre en photo, tout sourire, devant une poubelle verte (et pas jaune) de la capitale saccagée, faisant le geste de jeter tous les bulletins avec ce message : “N’a pas voté ! #legislatives2022 Quand changer les règles du jeu ne suffit plus, c’est le jeu qu’il faut changer.

Comment ne pas penser aux Ukrainiens et aux Russes, aux Syriens et aux Iraniens et à tous ceux qui dans le monde auraient été consternés s’ils avaient vu cet enfant gâté des beaux quartiers de la capitale mettre la démocratie à la benne à ordures…

Mais revenons à ce premier tour, donc snobé par l’aventurier-écolo en peau de lapin, et à l’image consternante qu’a encore donné d’elle la classe politique française. Comme à chaque fois, nous avons eu droit à ce “standard” digne de l’Ecole des Fans : tous prétendaient l’avoir emporté ou être en mesure de le faire au second tour…

La vérité incombe de dire, au contraire, qu’à l’exception du RN, qui progresse fortement tant en voix que très possiblement en sièges, “tout le monde a perdu”, même si certains ont plus perdu que d’autres.

A commencer par LREM qui a perdu beaucoup de voix par rapport à la mandature précédente et par le PS qui, dès avant le 1er tour, avait perdu son honneur en se rangeant avec armes et bagages sous le drapeau LFI.    

A la vérité, c’est le principe démocratique des élections qui aura essuyé la plus grande défaite, comme en témoigne l’abstention-record pour un scrutin législatif !

Une abstention qui permet de mesurer le dépit

A plus de 52%, le chiffre de l’abstention est vertigineux, surtout quand on a la curiosité de regarder dans le rétroviseur. Il y a 20 ans, elle s’élevait à moins de 36% !

Plus d’un français sur deux a cette fois considéré qu’il n’était pas important d’aller voter, quand bien même ces élections allaient avoir un impact majeur sur sa vie au cours des cinq prochaines années (en l’absence de dissolution bien évidemment), dans un contexte de crise économique mondiale, de guerre aux portes de l’Europe et de sortie douloureuse de la crise sanitaire du Covid19. 

Ce chiffre ahurissant montre pour certains du dédain ou du dépit, pour d’autres du mépris, pour d’autres encore le sentiment inconsolable d’être perpétuellement les victimes de politiques ne cherchant pas à assurer leur bonheur, leur sécurité et leur prospérité, mais seulement “à se servir” …  

Ces 52,5% d’abstention c’est à l’évidence le signe d’une défaite de la vie démocratique. Celle-ci a commencé bien avant Macron et se poursuivra sans doute après lui. Mais un Macron dont on perçoit encore plus, à la faveur de ce premier tour des législatives, qu’il a été réélu en mai dernier avant tout grâce au réflexe anti-Le Pen.  

Ayons bien à l’esprit au second tour qu’il nous faut regarder les scores entendus hier soir à l’aune de cette abstention et les diviser par deux car ils sont donnés en “suffrages exprimés”. De ce fait, les deux coalitions arrivées en tête représentent chacune environ un électeur sur huit.  On peut en conclure que quelle que soit la future majorité obtenue au soir du 19 juin, elle aura la plus faible représentativité de toute la Vème République !  

Quelles raisons à ce désastre ?

Les raisons sont aussi nombreuses que variées, sans qu’il soit difficile d’en isoler une qui supplanterait toutes les autres.

Mais comment ne pas voir que notre vie politique française est devenue au fil des années de plus en plus inaudible auprès d’un public de moins en moins patient, avec des blocs qui ne se parlent plus, ne savent pas débattre et préfèrent s’invectiver sur tous les sujets plutôt qu’éventuellement chercher des sujets de consensus au profit des Français ?

Comment ne pas saisir que beaucoup de nos compatriotes s’abstiennent en masse parce qu’ils savent, ou ont l’intuition, que les programmes proposés par les extrêmes sont quasiment inapplicables et que leurs priorités (une sécurité physique, économique et sociale) ne sont pas prises en compte ?

Et combien, parmi ceux qui restent, pensent également que le pragmatisme réel ou supposé du Président, et du parti qui l’accompagne, n’est pas à la hauteur des immenses enjeux qui se présentent à notre pays ?

Soyons clairs : dans cette dernière élection, au-delà des abstentionnistes dont on vient de parler, le vote s’est dessiné autour du Président réélu, la NUPES et son dirigeant fort en gueule ayant été assez habiles pour transformer le scrutin législatif en un pur référendum pro ou anti-Macron.

Combien au fond auront été dupes de la fumeuse proposition d’élire en régime présidentiel un premier ministre… qui ne se présentait pas qui plus est… ?!  

Tous ont perdu, certains ont refusé le combat

Hier soir, on a eu l’impression que c’était plutôt Macron qui avait perdu que Mélenchon qui avait gagné (la NUPES n’a même pas fait aussi bien que la somme des voix de gauche aux Présidentielles).

Il faut dire que la nature a horreur du vide. On a assisté pendant ces législatives à l’invisibilité de Macron, à la nomination d’une première ministre qui n’inspire pas d’adhésion populaire tout comme son gouvernement, et au lancement d’emblée de rustines purement techniques comme les chèques inflation, voire l’annonce de l’arrivée imminente de mesures massivement rejetées par les Français (comme la retraite à 65 ans).
Comment mener une campagne efficace pour les candidats LREM dans ces conditions ? D’autant qu’il y a eu par-dessus le marché des polémiques à foison (l’enfer sécuritaire du Stade de France, les viols présumés de Damien Abad, …) !  

Absence de campagne d’un côté – qui suivait déjà une non-campagne lors des Présidentielles, bombardement sur tous les médias de la NUPES, avec l’aide providentielle des journalistes du service public et l’aveuglement total et le laisser-faire de l’ARCOM… Il n’en fallait pas plus pour assister à l’affaissement (certes relatif) du parti du Président.

Mélenchon ne sera pas premier ministre mais…

Et maintenant ?

S’il est certain que Mélenchon ne sera pas premier ministre de cohabitation de Macron, on peut toutefois être encore plus inquiet depuis hier pour l’avenir de notre pays, si l’on considère que toutes les propositions de LFI et de ses alliés sont au mieux irréalistes économiquement, au pire destructrices.  

Quant à nous, Juifs Français, nous sommes nombreux à nous sentir encore plus minoritaires et en danger. Les électeurs de gauche qui ont voté pour la NUPES n’ont aucune sensibilité à ce qui rend notre vie ici sinon impossible du moins compliquée.

L’épisode Corbyn le montre avec acuité. Bien que nous ayons été nombreux à crier au scandale, cela n’a eu strictement aucun effet : Obono a été réélue triomphalement à Paris et Simonnet est en passe de l’être au second tour face à une dissidente socialiste. Idem pour l’avocate médiatique Caroline Mecary (dites “Madame camomille”) dont nous ne sommes pas prêts d’oublier l’un des tweets… Celui où, reprenant l’article dans lequel le mouvement Human Rights Watch prétendait – je cite – qu’Israël “commet le crime d’apartheid”, elle avait osé écrire cette dégueulasserie : “#Viedavocate On se souviendra du battage médiatique fait autour de l’assassinat antisémite de Sarah Halimi et reconnu comme tel par la chambre de l’instruction & le silence abyssal des mêmes sur le crime d’apartheid commis par l’Etat d’Israël dans les territoires occupés !

Celle qui a écrit cette horreur a de grandes chances de siéger prochainement au Palais Bourbon, comme Obono, Simonnet, Caron, Autain et tant d’autres hostiles à ce que nous sommes et à nos frères à 4 500 km d’ici… C’est dire si nous n’en sommes même plus au stade de la colère ou de la tristesse… Nous sommes au stade de l’accablement !  

Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski est Citoyen et Journaliste

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