Renée Fregosi: “L’alliance du PS avec LFI serait une trahison”

«En se soumettant aux “Insoumis”, les socialistes perdront leurs électorats locaux», Renée Fregosi.
“En se soumettant aux “Insoumis”, les socialistes perdront leurs électorats locaux”, Renée Fregosi. ALAIN JOCARD / AFP

Le Parti socialiste et La France insoumise ont trouvé un “accord de principe” en vue des élections législatives. Pour la philosophe de gauche Renée Fregosi, cette potentielle alliance signe la fin d’un PS social-démocrate, laïque et européen.


FIGAROVOX. – Le PS et LFI ont trouvé un «accord de principe», qui doit encore être validé par le conseil national du PS, en vue des prochaines élections législatives des 12 et 19 juin. En tant qu’ancienne membre du PS, que vous inspire projet d’alliance ?

Renée FREGOSI. – On pense généralement que je ne suis plus membre de ce Parti, étant donné mes critiques constantes depuis de longues années à l’égard du PS et de ses dirigeants, et de mon livre paru l’an dernier (où j’explique «comment je n’ai pas fait carrière au PS» notamment parce que la social-démocratie y a toujours été empêchée). Or, jusqu’à cette année, j’avais gardé ma carte, par sentimentalisme en souvenir de Léon Blum à qui je voue depuis toujours admiration et affection, mais aussi parce que je refusais de quitter un parti que je considérais comme le mien «depuis trois générations», mes grands-parents et mes parents y ayant été adhérents. Et bien, avec cet accord, je dois désormais me résoudre à déchirer ma carte car le PS a ainsi achevé de rompre le fil ténu qui le reliait encore à son passé. Cette alliance certes opportuniste n’en est pas moins une trahison sinon à ce qu’était le PS du moins à ce qu’il aurait dû être, c’est-à-dire social-démocrate, laïque et européen.

Jean-Christophe Cambadélis, ancien patron du parti, a pris la tête de ce groupe de socialistes refusant le rapprochement avec les Insoumis. «Olivier Faure estime qu’il faut tenter de sauver coûte que coûte une partie des élus socialistes quitte à manger son chapeau sur le plan programmatique», a-t-il dit. Partagez-vous son point de vue ?

Jean-Christophe Cambadélis n’a pas fait mieux que ses prédécesseurs et son successeur pour donner une véritable colonne vertébrale au PS, et il n’est pas plus légitime qu’eux à mon sens, pour se poser en donneur de leçons. Je me souviens par exemple de son cynisme à l’égard du régime chaviste au Venezuela, refusant de condamner sa dérive autoritaire avérée pour ne pas s’aliéner -déjà- les gauchistes du parti et d’ailleurs. Il ne s’agit pas de «défendre des valeurs» mais de regarder le réel en face, de ne pas éluder ou nier les problèmes comme le déclassement, l’immigration sans assimilation, la sécession des élites ou le caractère dictatorial de certains régimes, et de s’en tenir à une ligne de conduite cohérente. Alors oui, cette alliance électorale  est pour le PS, non seulement une faute politique puisque les socialistes s’alignent de fait sur la ligne idéologique de LFI (islamo-gauchiste, tangentiellement “wokiste” et poursuivant l’abandon de la classe ouvrière), mais aussi une grossière erreur tactique.

Un accord avec LFI n’est-il pas la seule solution pour éviter au PS de disparaître ?

Précisément pas ! En se soumettant aux «Insoumis», les socialistes perdront leurs électorats locaux attachés non seulement à des élus qu’ils ont choisis par le passé pour leur proximité avec eux, mais attachés aussi à une certaine idée du socialisme français des territoires, pragmatique, sachant trouver des compromis satisfaisants pour préserver les emplois, l’école de la République et leur cadre de vie, à la ville ou à la campagne. En passant sous la bannière d’un «bloc populaire» plus proche des antifas que des classes populaires et moyennes, ces candidats anciennement socialistes n’auront plus aucun attrait et leurs électeurs s’éparpilleront entre le populisme macronien et le populisme du RN.

En 2020, Olivier Faure estimait que le chef de file de La France Insoumise «devrait être plus clair» sur la laïcité. «Je l’ai connu entièrement républicain, laïc convaincu, et je veux croire qu’au fond de lui-même, il l’est resté ». Faut-il y voir un recul de la gauche dite de gouvernement sur les questions de laïcité ? Les visions de ces deux partis sur cette question sont-elles selon vous compatibles ?

Hélas, depuis plusieurs années, le PS s’est peu à peu rapproché des positions défendues par LFI. La position qu’il est désormais convenu d’appeler «islamo-gauchiste» assimile l’islamisme à l’islam, l’islam aux populations immigrées maghrébines et africaines, et les immigrés aux nouveaux «damnés de la terre». Jean-Luc Mélenchon ne contredit pas ce discours, et qu’il soit ou non convaincu en son for intérieur importe peu. Quant au «Parti socialiste d’Épinay», s’il n’a jamais été très allant pour défendre les principes laïques, dans la dernière période, son «aile gauche» s’est montrée particulièrement rétive à lutter contre les ennemis de la laïcité. Idiots utiles des islamistes -violents ou sournois comme les Frères musulmans- les socialistes entonnaient volontiers la rengaine de la «laïcité ouverte» c’est-à-dire de la tolérance à l’intolérance au lieu de défendre la libre pensée et la libre disposition de son corps. Ainsi, le candidat calamiteux du PS à la présidentielle de 2017, était un parfait représentant de la ligne islamo-complaisante. Or le départ du petit groupe de Benoît Hamon n’a pas purgé le PS de ce penchant fatal, et le prêchi-prêcha bien-pensant de «la diversité qui enrichie» a maintenu les socialistes dans le déni. C’est pourquoi aujourd’hui, ils sont sur cette question devenus finalement LFI-compatibles.

Par ailleurs, sur les questions économiques, les deux formations semblent avoir de nombreux désaccords. D’un côté une gauche anticapitaliste et de l’autre une autre plus gestionnaire…

Tout à fait ! La social-démocratie est un véritable projet de transformation sociale: sans briser la dynamique du capitalisme, il s’agit de trouver des voies pour le domestiquer, le réguler, le contraindre à une plus juste répartition des richesses tant matérielles que culturelles. Le fondement de la social-démocratie c’est l’établissement d’un rapport de force entre le capital et le travail qui permette un compromis favorable aux couches populaires et moyennes, c’est-à-dire leur garantissant une mobilité sociale ascendante, tout en garantissant la paix sociale favorable à la croissance économique. Aujourd’hui, ce compromis ne peut plus se construire uniquement dans le cadre des États-nations mais doit impérativement utiliser des nouveaux mécanismes internationaux. Cette dimension internationale novatrice, l’anticapitalisme ne peut y accéder et se cantonne donc à une agitation sociale sans perspectives, foncièrement préjudiciable aux couches sociales qu’il prétend défendre. Les propositions électorales démagogiques comme la retraite à 60 ans ou le revenu universel, vont alors de pair avec cette irresponsabilité anticapitaliste congénitale.

© Renée Fregosi

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/renee-fregosi-l-alliance-du-ps-avec-lfi-serait-une-trahison-20220504?fbclid=IwAR1roSxmjCRcWwUywuDftTLuxyg9g63sVfInvXJrple2a6akb7yT__fNzsk#l2sgaeivbvdrfngh0yv

Philosophe et politologue, membre de l’Observatoire du décolonialisme (http://decolonialisme.fr/), Renée Fregosi a publié en 2019 “Français encore un effort… pour rester laïques” chez L’Harmattan et La socialdémocratie empêchéeComment je n’ai pas fait carrière au PS,chez Balland, en mai 2021.

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1 Comment

  1. Mais LFI compatibles ils le sont depuis 1981 ! Années 80 : création de SoS racisme. Le discours victimaire, l’apologie du repli communautariste, le racisme inversé (qui est le racisme tout court) et la haine de la France encouragée…Depuis mon enfance je n’ai vu et entendu que cela comme tous les gens de ma génération. C’était aussi l’époque de Bernard Tapie qui a lui seul réunissait les tares de Macron et Mélenchon. Et ensuite la loi Taubira sur l’esclavagisme qui réécrit l’Histoire…et dans quel but ? Le même. Donc peut-on parler de trahison ? C’est leur vraie nature mise à nu!

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