Pierre Saba. Politiques, Ne trompez pas l’électorat!

Politiques, Ne trompez pa l’électorat!

La France s’apprête pour le second tour de l’élection de son Président de la République (PR).

L’élection du PR se déroule au scrutin uninominal (une personne à élire) majoritaire (plus de 50%) à deux tours.

Des dirigeants politiques diffusent à l’envie des assertions erronées sur des sujets importants et susceptibles de tromper l’électorat.

1- Le député Mélenchon affirme deux erreurs

Mélenchon est le chef du parti politique La-France-insoumise (LFI). Candidat à l’élection, il a bénéficié des voix de ses adhérents, partisans, sympathisants et des voix provenant d’autres mouvements de Gauche qui souhaitaient lui permettre d’accéder au second tour.

Arrivé troisième sur le podium du premier tour de l’élection, il est écarté du second tour.

Première erreur de Mélenchon

Depuis, Mélenchon appelle à la mobilisation électorale en vue d’un “troisième tour” qui lui permettrait d’accéder au poste de premier ministre.

Mélenchon appartient à la génération ancienne de la Vème république. Il y a exercé les fonctions de député, sénateur, ministre, etc. Il en connaît tous les recoins. Il sait qu’il n’existe pas en France de troisième tour à l’élection présidentielle. Il transforme l’élection parlementaire des députés qui suit l’élection présidentielle en dernier “round” de l’élection présidentielle.

N’en déplaise à Mélenchon, l’élection du Président de la République s’effectue au scrutin majoritaire uninominal à deux tours… et non à trois tours. Il ne saurait être toléré quelque interprétation fallacieuse même sous forme d’ “exercice de style”. L’élection présidentielle n’est pas un exercice de style. Il ne faut pas leurrer l’électorat, et précisément sa partie qui n’est pas ou peu informée.

Or, et afin de garantie de la démocratie, la Constitution française sépare les pouvoirs exécutif et parlementaire. La procédure électorale sépare idem les élections présidentielles et parlementaires.

Seconde erreur de Mélenchon

L’hypothèse d’une victoire électorale ou d’une majorité constituée autour de LFI à l’Assemblée nationale conduirait probablement mais pas obligatoirement le PR à appeler Mélenchon au poste de Premier ministre. (“Le président de la république nomme le Premier ministre (…) ” article 8)

Même en cas de victoire parlementaire de LFI, rien n’oblige le chef de l’Etat à nommer son leader au poste de Premier ministre (PM). Le PR peut dissoudre l’assemblée et convoquer de nouvelles élections parlementaires.

En toutes hypothèses, le PM relève exclusivement et indirectement de l’élection parlementaire. En aucun cas, l’élection parlementaire et la nomination du PM ne sauraient constituer un quelconque troisième tour de l’élection présidentielle.

La meilleure démonstration réside en la liberté de nomination du PM par le PR.

2- La députée Marine Le Pen invoque une révision constitutionnelle…inconstitutionnelle !

Se détourner de l’article 89

Candidate à la présidence de la république, Le Pen a accédé au second tour de l’élection présidentielle.

Elle diffuse qu’elle souhaite diriger le pays en insistant sur l’usage référendaire, y compris sur les sujets qui nécessitent des modifications constitutionnelles.

Elle préconise la modification de la constitution par voie référendaire sans utiliser l’article 89 de la constitution.

L’article 89 prévoit trois strophes.

La première est la présentation au parlement du texte de révision constitutionnelle.

La seconde est le vote du texte ” (…) par les deux assemblées en termes identiques” (…)

La troisième est l’approbation définitive de la révision par referendum.

Le Pen affirme et annonce se passer de la procédure constitutionnelle, utiliser un autre article relatif au referendum, que ce ne serait pas la première fois, etc…

Il est stupéfiant qu’une candidate à l’élection présidentielle fasse fi de la Constitution, organe sacré de l’institution nationale sous sa forme républicaine et ose le publier !

Conséquences

Dans cette hypothèse, les Présidents des deux Chambres saisiraient le conseil constitutionnel en invalidité. Interrogée sur cette éventualité, Le Pen disqualifie par avance le Conseil Constitutionnel !

En cas de persistance, Le Pen se verrait reprocher de violer l’article 5 de la constitution qui l’assigne justement “au respect de la Constitution”.

Au-delà des conséquences institutionnelles, les violations de la Constitution par Le Pen engageraient un chaos politique et institutionnel avec les dépendances financières, commerciales et économiques connues. Ce serait une crise de régime.

3- La France n’est pas gérée en régime présidentiel

La France dispose par sa constitution du 4 octobre 1958 et son exercice d’un régime parlementaire rationalisé par les pouvoirs du PR, appelé également semi-présidentiel.

L’étendue considérable des prérogatives présidentielles ne font pas de la France un régime présidentiel pour au moins deux raisons.

La première est l’existence d’un PM qui “dirige l’action du gouvernement” (article 21)

La seconde est la possibilité de disjonction politique entre le PR et le PM. En ce cas, le régime insiste sur les pouvoirs du PM au détriment de ceux du PR. La nature du régime est alors parlementaire stricto-sensu.

En cas de conjonction politique entre les deux chefs de l’Exécutif, les pouvoirs du PM se confondent dans ceux du PR. Le PM est alors primus inter pares / premier parmi les pairs, selon la formule de De gaule, c’est à dire le premier des ministres, ni plus ni moins.

Ces erreurs de lecture de la constitution ne sont pas anodines

Il convient de rejeter les déformations et désinformations, les mensonges et les interprétations dont le but demeure le leurre de l’électorat national.

Ces manigances relèvent du mépris en lequel l’électorat est tenu à distance par des confusions qui sèment le doute et le désintérêt.

Les exemples issus de déclarations et développements des députés Mélenchon et Le Pen sont un exemple parmi d’autres.

© Pierre Saba

21 avril 2022

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8 Comments

    • Faux. L’article 11 ne concerne pas la constitution. Son utilisation politique par de Gaulle fut et reste contesté par les constitutionnalistes comme une forfaiture. Cet abus de droit n’est passé qu’en raison de la guerre que la France menait en Algérie et des manipulations gaullistes pour accéder au pouvoir dans une confusion militaire juridique et politique. La procédure de révision n’avait pas été respectée. mieux vaut se reporter à la jurisprudence constitutionnelle sur répéter sans les comprendre les fantaisies de candidat à l’élection,!

  1. …de surcroît l’utilisation frauduleuse d’un article de la constitution a des fins politiques et sans contrôle légal de constitutionnalité ne constitue nullement un précédent a réitérer mais au contraire à éviter.la simple comptabilité permet de comprendre que 2022 n’est pas 1962.Le simple examen institutionnel permet de rappeler l’existence du conseil constitutionnel. Le fait que la candidate lepen annonce n’en pas tenir compte indique son irrespect de la légalité republicaine et une méconnaissance de ses pouvoirs de réaction

  2. …enfin et finalement l’idée en vertu de laquelle la révision constitutionnelle serait exonérée de contrôle de constitutionnalité est une idiotie juridique. La procédure de révision de la constitution est encadrée par la constitution. Il convient a cet effet de relire la constitution, les préventions y relatives rédigées par degaulle et debrey sur le sujet. Tout le reste n’y changera rien! FIN

  3. Depuis 1962, le Conseil d’état a établi que l’article 11 ne pouvait plus être utilisé pour modifier la Constitution et aucun autre président n’a essayé depuis. Ce serait un coup d’état pur et simple. Voilà à quoi s’attendre de la part de leader populiste autoritaire …

  4. En outre, les sujets sur lesquels un référendum peut être proposé sont limités à 3 domaines : organisation des pouvoirs publics, réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale ou ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions :
    https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241004/
    De plus, le risque de vouloir gouverner par référendum est aussi celui d’être massivement désavoué par les électeurs en cours de mandat …

  5. …en toutes hypothèses, la simple lecture des destinations du referendum prévues à l’article 11 (..”.projet de loi relatif portant sur l’organisation des pouvoirs publics”…) et celles prévues à l’article 89 du titre XVI “de la révision” permet la distinction entre ” l’organisation des pouvoirs publics” et “la révision de la constitution”.

    donc, électeurs, électrices, quelles que soient vos légitimes convictions, ne vous laissez trompez ni par la manipulation politique, ni par la manipulation linguistique, ni par la manipulation de la constitution, ni par des antécédents peu glorieux et peu respectueux de la constitution.

  6. À mon avis ce serait encore mieux si un référendum sur un projet de loi pouvait être soumis par le peuple si 500000 signatures avaient été réunies par le peuple comme c’est le cas en Suisse.
    Plus de démocratie mais pour cela il faut modifier la constitution et c’est la que le serpent se mord la queue.

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