Gérard Kleczewski. Débat… et des hauts, ou l’importance non pas de remporter le duel mais de ne pas le perdre !

Débat… et des hauts, ou l’importance non pas de remporter le duel mais de ne pas le perdre ! 

Alain Duhamel, grand connaisseur et commentateur de la vie politique française depuis si longtemps qu’on a du mal à se souvenir depuis quand, le rappelle à chacune des élections présidentielles : « on ne gagne pas la Présidentielle en remportant le débat, mais on peut clairement la perdre à cette occasion. »

Lui qui a présenté le premier débat d’entre deux tours il y a presque 50 ans (en 1974), en compagnie de Jacqueline Baudrier – débat qui opposait Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand – sait de quoi il parle…

En 1974, le premier débat télévisuel d’entre-deux tours est organisé et oppose Valérie Giscard d’Estaing et François Mitterrand. – AFP

Il a vu à cette occasion Mitterrand, que l’on disait alors favori quelques semaines après la mort de Pompidou et quelques années après la fin de l’ère Gaullienne, ne pas avoir suffisamment de répondant face à un Giscard frais et disruptif en apparence. Notamment ne pas savoir quoi répondre à sa « punchline » (« vous n’avez pas le monopole du cœur Monsieur Mitterrand, vous ne l’avez pas. »)  

Tous les débats qui ont suivi au cours de la cinquième république ont été marqués peu ou prou par la défaillance d’un des deux candidats face à l’autre.

Il y eût de nouveau en 1981 Giscard défendant maladroitement son bilan (et son « passif ») face à un Mitterrand beaucoup plus pugnace et servi par les affaires de fin de septennat (les diamants de Bokassa, les avions renifleurs, etc.).

Puis un Chirac inutilement agressif face à un Mitterrand redevenu serein après la cohabitation (le fameux ping-pong autour de l’affaire Gordji et Mitterrand renvoyant son opposant à ses mensonges réels ou supposés, et son rôle de Premier Ministre de cohabitation).
Sept ans plus tard Chirac, dans la position symétrique, atomisa un Jospin sympathique mais bien pâle, incapable de porter des attaques précises et ciblées contre lui (un manque de préparation ont dit plus tard certains de ses soutiens du premier cercle).
Puis vint 2002 où nous n’eûmes pas de débat, Chirac refusant catégoriquement de débattre avec Le Pen père, opposant inattendu au 2ème tour, après la déconfiture Jospinienne au premier.
En 2007, Sarkozy l’emporta haut la main face à une Royal bouillonnante d’une colère mal maitrisée et, pour certains, feinte. Les instituts de sondage ont mesuré à l’époque qu’elle avait perdu avec ce débat de 10 à 30% des indécis qui auraient pu voter pour elle au second tour mais qui ont préféré s’abstenir.

Cinq ans plus tard, qui ne se souvient de l’incapacité de ce même Sarkozy à répondre à l’anaphore préparée minutieusement et apprise par cœur du « Moi, Président… » d’Hollande. Les indécis une fois de plus firent payer à Sarkozy, déjà mal en point dans les sondages à l’heure du débat, cette incapacité à faire front et à contre-attaquer.

Enfin, il y a cinq ans, Emmanuel Macron, plus précis et serein, fit payer à Marine Le Pen son agitation frénétique, ses rires (hors plans de coupe) et ses délires (sous champagne ?) du « Ils sont partout… dans les villes et les campagnes… ».

Qu’adviendra-t-il cette fois ? Plusieurs médias affirment que Marine Le Pen est ultra-prête au débat, ayant appris de ses erreurs passées, capable de porter le fer dans les plaies ouvertes d’un bilan quinquennal marqué par les crises successives des retraites, des gilets jaunes et du CoVid19.

Reste qu’elle ne gagnera pas l’élection quand bien-même remporterait-elle (éventuellement) le débat. C’est donc Emmanuel Macron qui pourrait la perdre ce soir-là si de son côté il n’était pas à la hauteur de la confrontation. Excès de confiance ou ton méprisant, enfermement dans les réponses tactiques aux attaques qui ne manqueront pas du côté MLP sur son bilan, oubli de renvoyer Mme Le Pen aux affres de son parti et ses casseroles, à son soutien à Poutine, à l’inanité économique ou sociale de son programme calé sur le pire exemple qui soit en Europe (Orban) et aux conséquences d’un inévitable Frexit si elle mettait en œuvre ses mesures promises sur l’Europe.

Nul doute que les courbes d’audience pour ce débat vont s’envoler très haut, même si les Français dans leur immense majorité disaient il y plus d’un an ne pas vouloir d’une telle affiche au second tour des Présidentielles. 

Et comme à chaque fois qu’il y a eu débat depuis cinquante ans, les soutiens respectifs des deux candidats diront qu’il ou elle a « plié » son adversaire. Les indécis, qui vont faire la différence (surtout dans une perspective d’abstention ou de votes blancs record) auront eu quant à eux tout le temps de se faire une idée, non pas sur celui (ou celle) qui a plié, mais sur celui (ou celle) qui a été plié(e)…

Dans une élection qui va se jouer sur le fil du rasoir, ce débat sera donc majeur et va décider de notre avenir, pour bien plus que cinq ans, c’est une certitude !  Malheur au perdant et peut-être à nous, mais c’est une autre histoire…

© Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski est Citoyen et Journaliste

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