Hagay Sobol – La question de Riss au « futur locataire de l’Elysée » : Penser ou panser le monde ?

Dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle, Riss, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, est venu à Marseille rencontrer ses lecteurs et leur présenter le numéro spécial du journal satirique intitulé « Lettre au futur locataire de lElysée ».

Pour cela, il a choisi le Centre culturel juif Edmond Fleg. En répondant à l’invitation de sa Présidente, Evelyne Sitruk, et de Carine Benarous, sa déléguée générale, il a rappelé que dans le même élan destructeur, les djihadistes ont assassiné sciemment journalistes, dessinateurs, policier et membres de la communauté juive. Malgré la tragédie qui l’a marquée de manière indélébile, il continue inlassablement à témoigner et à militer pour la liberté d’expression, la démocratie et la laïcité.

Le personnel politique manque cruellement de créativité !

Il débute la conférence par une réflexion critique sur son propre travail. Et pointe la difficulté d’identifier dans le feu de l’actualité et le flot incessant des évènements ce qui est important, les faits qui marqueront les années à venir. Par symétrie, il jette un regard lucide et calme sur la classe politique et nous invite à être tous acteurs de la vie de notre pays. Ainsi, il constate que « les professionnels de la politique utilisent tout leur temps et leur énergie pour la conquête du pouvoir et une fois en place, quelle que soit leur orientation, ils appliqueront quasiment le même programme avec une vision à court terme ». C’est donc « à chacun de nous de faire preuve de la créativité qui leur manque, c’est d’ailleurs ce que fait le monde associatif ». Il rajoute que « si durant une campagne, le candidat est un chef de parti, il doit cesser de l’être, pour devenir le Président de tous les français, y compris ceux qui ne l’ont pas choisi, à la seconde où les résultats sont annoncés ». Ce qui n’est pas toujours le cas. Mais pour autant, Riss reconnait que certaines prises de décision politiques ont résisté au temps en marquant durablement leur empreinte, de Napoléon à nos jours, dans le domaine légal, l’éducation, les congés payé ou la dissuasion nucléaire.

L’impensable retour de la violence religieuse !

Ensuite de nombreux sujets ont été abordés. En premier lieu, l’irruption de la violence religieuse, en particulier islamiste, dans notre quotidien et nos démocraties, un danger collectivement occulté : « On la croyait limitée au GIA en Algérie, puis le fait de loups solitaires s’en prenant exclusivement à la communauté juive comme à Toulouse, pour enfin nous frapper tous de plein fouet à Charlie ou au Bataclan, pour ne plus nous lâcher depuis ». Il constate malheureusement que dans ce contexte les français de culte musulman sont pris en étaux entre des idéologues qui instrumentalisent la religion à des fins politiques et des candidats qui surfent sur une vague clientéliste communautariste complaisante avec les radicaux. « Face à cette intolérance, à ce totalitarisme, la laïcité offre un cadre » explique Riss. Tout d’abord, « pour protéger la liberté de culte », ensuite, pour faire cohabiter les religions ensemble, et surtout pour marquer les limites. Ce qui est permis de ce qui ne l’est pas » ! Comme une part du malaise actuel, il reconnait un déficit de connaissance du contexte historique. Ainsi, lors d’interventions dans les écoles, certains élèves croient que la laïcité a été créé contre l’islam : « Pour diminuer les tensions, il est indispensable de remettre les choses en perspective ».

Avec les Gafam, il n’y a plus de séparation des pouvoirs !

                                                             Riss

Riss, averti également, le futur locataire de l’Elysée, du danger des géants d’internet, les Gafam : « ces entreprises internationales nous imposent leur règlement intérieur, et le droit anglo-saxon, en lieu et place du droit français ». « Elles ont leurs propres règles régissant ce qui peut être publié ou pas, sans que les pouvoirs publics puissent intervenir ». « Le plus souvent ce sont des algorithmes qui interviennent et censurent un contenu jugé inapproprié ». En l’absence de tout contre-pouvoir, il y a un risque réel pour nos démocraties avec à terme une limitation de la liberté d’expression.

L’écologie est devenue une urgence par manque d’anticipation politique !

Le temps de l’exercice du pouvoir étant limité, ce qui est encore aggravé par la nécessité de renouveler son mandat, c’est le règne de l’immédiateté, du court terme. Cela explique que l’écologie n’a pas été pris en compte à sa juste mesure en temps réel : « Il a fallu être au pied du mur, l’urgence climatique, pour avoir une réelle conscience du danger ». « Cela dépasse une simple question de température, ou de problématique de pays lointains, cela va impacter nos démocraties, avec des métropoles qui seront submergées, des populations entières à reloger, des économies dévastées etc.. » Riss s’adresse alors aux différents candidats leur enjoignant de s’approprier cette réalité proche avant qu’une catastrophe n’advienne qui imposerait des mesures radicales.

Quand on a été victime d’un attentat, on est marqué à jamais !

A la fin de la conférence, lors des questions avec la salle, un participant a demandé à Riss de quelle manière il avait surmonté ce drame. Après un long silence, le visage immobile, le regard comme tourné vers le passé, il lâche sur le ton de la confidence : « quand on a été victime d’un attentat, quand on rentre dans cette salle… on n’en ressort pas, on est marqué à jamais » ! « Seuls ceux qui l’ont vécu peuvent se comprendre. Et je le vois bien dans les témoignages des rescapés du Bataclan ou d’ailleurs, c’est la même chose ». « Je ne souhaite à personne de faire partie de ce club ».

Le public nombreux a témoigné par sa présence, non seulement un soutien à Riss ou à Charlie Hebdo, pour leur action courageuse, leur ayant couté le prix du sang, mais c’était également l’engagement pour un combat de tous les jours. Celui contre le totalitarisme, quel que soit sa forme, et l’impérieuse nécessité de défendre des causes aussi essentielles que la liberté d’expression ou de penser l’avenir, afin de préserver le futur des nouvelles générations.

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