Richard Prasquier. Volodymir Zelensky. Même les pros font des erreurs de communication

24 mars: la guerre en Ukraine dure depuis un mois. Ceux qui imaginaient que l’armée ukrainienne résisterait aussi longtemps à la machine militaire russe étaient rares, et assurément Vladimir Poutine n’en faisait pas partie. 
Le monde où nous avons vécu jusqu’au 24 février, c’est déjà le monde d’hier, celui où l’idée d’une guerre en Europe était sortie de notre imaginaire.

Le monde où nous entrons, c’est celui d’avant-hier, là où la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, sauf que Clausewitz, le grand théoricien de la guerre et l’auteur de cette phrase, ignorait le nucléaire.

La Russie a engagé en Ukraine une guerre épouvantable sous un de ces  prétextes fumeux mais indémodables que mettent en avant les autocrates narcissiques (c’est un pléonasme), à savoir l’humiliation qu’on leur a infligée dans le passé et le besoin d’empêcher une agression dans le futur. 

Volodymir Zelensky incarne son pays. J’admire sa réponse churchillienne aux Américains qui voulaient le mettre à l’abri: il demandait  des armes et pas un taxi.

On dit qu’il a gagné la guerre médiatique et que Poutine est incapable de gagner la guerre militaire. Je ne sais pas. En tous cas, les meilleurs peuvent avoir des défaillances….

Zelensky a parlé de Pearl Harbour, de Martin Luther King et de leadership du monde libre aux sénateurs américains, du Mur de Berlin aux Allemands, de Hamlet et de Churchill aux Anglais, de la grandeur de Rome aux Italiens et  aux Français de Verdun et de Belmondo. Tout cela ne mange pas de pain…

Devant la Knesset, il a cité Golda Meir, “Nous voulons vivre, mais nos voisins veulent nous voir morts, ce qui ne laisse guère de place au compromis”. La même Golda dont les premiers souvenirs d’enfance à Kiev étaient ceux de son père barricadant leur maison dans la crainte d’un pogrom venu des voisins…
Puis il a comparé la menace  sur l’Ukraine à celle qui pesait sur les Juifs pendant la guerre.

Mais les Juifs ne possédaient pas la moindre arme de défense,  et les Ukrainiens, aussi dramatique que soit leur situation, ne sont pas menacés d’une extermination physique totale. 

Surtout, il  a parlé de l’Ukraine comme d’une nation de sauveurs de Juifs. De fait, elle a reçu de Yad Vashem  le quatrième contingent national de médailles de Justes après la Pologne, les Pays Bas et la France.

Mais comment  Zelensky a-t-il pu passer sous silence l’antisémitisme forcené des nationalistes ukrainiens, les régiments SS ukrainiens et les gardiens ukrainiens des camps d’extermination? Demander à Israël de se conduire envers l’Ukraine aujourd’hui comme les Ukrainiens se sont conduits envers les Juifs pendant la guerre n’était pas particulièrement subtil….

Les observateurs soulignent que le patriotisme ukrainien d’aujourd’hui dont il est le vivant symbole n’a plus rien à voir avec l’ultranationalisme antisémite. Cela me semble certain. Certains disent que même dans le bataillon d’Azov, qui a été fondé par des néo-nazis, cette idéologie est aujourd’hui marginale. Espérons-le.
Mais pourquoi Zelensky a-t-il tenu à la Knesset un discours révisionniste aberrant, contre-productif et  indigne de sa réputation de “pro de la com politique?”

Probablement lui aussi est-il tombé dans le piège de la personnalisation de ses apparitions médiatiques jusque-là très efficaces et s’est-il abstenu de demander avis à ceux qui auraient pu le conseiller sur les arguments à tenir et à ne pas tenir. La pression du combat et l’habitude du succès durcissent les attitudes et effacent les nuances. A sa façon, et sans le comparer à Poutine, Zelensky le démocrate ne paie-t-il pas aussi la tentation de l’hubris qui obscurcit la lucidité?

Les ennemis d’Israël se partagent entre les soutiens déclarés de la Russie et les soutiens hypocrites de la résistance ukrainienne comparée à celle du peuple palestinien. Tous regrettent que les sanctions appliquées à la Russie ne soient pas dirigées aussi contre Israël, comme si le comportement d’Israël avait quoi que ce soit de commun avec le comportement de la Russie. Mais les comparaisons permettent d’agiter l’accusation  du “deux poids, deux mesures” à laquelle le politiquement correct réagit au quart de tour.

Il y avait pourtant une autre comparaison que Zelensky aurait pu faire, qu’il a failli faire et qui aurait mieux parlé au coeur des députés israéliens: les Ukrainiens luttent  contre un adversaire qui prétend que l’Ukraine n’existe pas. Les Israéliens luttent contre des ennemis qui refusent d’écrire le nom d’Israël sur leurs cartes. Ukrainiens et Israéliens ont de quoi se comprendre…

© Richard Prasquier

Richard Prasquier chronnique le jeudi sur Radio J

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25 Comments

  1. Les nazis minoritaires dans le bataillon Azov ? Qui peut croire cela ? Les antisémites sont autant présents chez les pro ukrainiens que chez les pro russes. Les tabloïds atla6 Le Monde et Libération ne sont pas connus pour leurs sympathies pro israéliennes. Idem pour Jadot ou Macron.

    • Il semblerait que la démocratie en Ukraine n ‘ a guère été respectée lors du coup d ‘ État de Maïdan. Le problème vient peut-être de là.

      • “coup d’état”, c’est le mot qu’employait Ianoukovytch, l’homme de main de Poutine, accusé par le parlement ukrainien de violation massive des droits de l’homme, d’assassinat de masse lors de ces manifestations et de détournements de fonds. Il a été destitué par le Parlement ukrainien le 24 février 2014 et a été “exfiltré” par son maître russe … ce que vous appelez sans doute la “démocratie” version poutinienne …

        • @ Nirih

          Il me semble que Ianoukovytch avait été légalement élu; que des sénateurs américains ont participé aux manifestations de Maïdan; que les snipeurs qui ont tirés sur la foule n ‘étaient pas des pro-russes; qu ‘ à Odessa par contre c ‘était bien des pro-russes qui ont été brûlés vifs dans la maison des syndicats. Je ne sais pas si le terme coup d ‘ État est le bon, en tout cas ça y ressemble.

          • Les contes et légendes poutiniens habituels … le fait est que la plus grande réussite de votre idole et son “opération militaire spéciale” (sic) est d’être parvenue à souder durablement le peuple ukrainien dans la défense de sa liberté et de son indépendance, y compris les tièdes qui n’étaient pas spécialement “anti-russes” … pour un coup de génie, c’est un coup de génie !

          • @ Nirih

            Vous ne voyez pas une chose : le problème des Russes , en tant que nation, est existentiel. Pas comme pour Israël, pour prendre cet exemple,
            car pour Israël le problème est existentiel au sens strict du terme, c ‘ est à dire un problème de vie ou de mort pour les Israëliens, voire pour les juifs de la diaspora.
            Pour la Russie le problème est existentiel dans un autre sens.Les Américains veulent bloquer totalement leurs frontières via l’ Otan, veut les réduire à un pays qui ne sera apte qu ‘ à exporter des matières premières et qui sera considéré comme une nation inférieure ( cf. par exemple le comportement des américains, via l ‘ Otan, vis à vis de la Serbie en 1999 , Serbie allié traditionnel de la Russie ). On veut réduire la Russie à une nation de troisième zone ( la détruire économiquement comme disait Lemaire, faute de pouvoir la détruire militairement car elle a l ‘ arme atomique ).

            A mon avis on ne peut comprendre cette guerre si l ‘ on ne comprend pas ça.

            Pour faire simple, vous ne comprenez pas le problème.

  2. Cher Joseph, il semble que vous connaissiez très mal la situation de la Russie qui n’était déjà pas brillante avant cette folle entreprise et va devenir bien pire, selon l’avis même de la banque centrale russe qui prévoit un recul de 8% du PIB
    Cette folie sans avenir ne valait vraiment pas le coup/ coût ! Et les USA (ce “grand satan” -sic-) n’y est vraiment pour rien !

    • @ Nirih

      Il me semble que la situation économique de la Russie n ‘ a pas grand chose à voir avec cette guerre.
      Durant ces 20 dernières années les U.S.A. on fait beaucoup plus de morts que la Russie.

      • Vous êtes vraiment obsédé par les USA ! Le FSB vous paie bien au moins ?
        Vous ne convaincrez pas grand monde ici parce qu’il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour savoir que le régime de Poutine est un régime autocratique, fasciste et liberticide, qui réprime par les moyens les plus abjects toute libre parole et toute opposition. Comme de nombreux russes, si j’avais le choix entre vivre en Russie ou aux USA, je choisirai sans hésiter une seule seconde de vivre aux USA, c’est à dire dans une démocratie.
        Comme disait Churchill, avec son ironie habituelle, la démocratie est un mauvais système mais c’est le moins mauvais de tous les systèmes !

        • @ Nirih

          Le problème ce ne sont pas les modalités de vie en Russie, mais qui est l ‘ initiateur véritable de cette guerre; en d ‘ autres termes quel est en particulier le rôle des USA ( via l ‘ Otan); quel est le rôle de ces USA dans l ‘ affaire de Maïdan.
          Que la Russie soit une dictature ou le paradis est une autre affaire.

          Quant aux USA en général, leur politique extérieure , puisque c’ est de cela dont il s ‘ agit, est contestable. Leur politique d’utilisation de l ‘ Otan en est un exemple ( cf. par exemple l ‘ attaque contre la Serbie en 1999 )

          • L’initiateur de cette guerre est sans aucun contexte Vladimir Poutine. C’est lui qui a fait franchir la frontière ukrainienne à ses chars et qui lancent des bombes sur les civils.
            L’Otan n’a pas envahi la Russie et n’a jamais cherché à le faire. Cessez donc de raconter des sornettes. C’est la Russie et exclusivement elle qui menace les états limitrophes à son pays en créant de l’agitation sécessioniste avec ses milices Wagner et autres.
            Si tous les pays qui ont connu l’occupation soviétique ont voulu intégrer l’Otan, c’est bien parce qu’ils savent qui les menacent et qu’ils ne veulent pas revivre ce cauchemar.

        • De même que les médias mentent au sujet d’Israël et des USA (entre autres), ils mentent avec la Russie au moins en partie. J’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec des Russes ou des Français installés en Russie et tous disent que ce que montrent les médias français, Européens ou nord américains de la Russie est largement caricatural. La plupart d’entre eux préfèrent vivre en Russie qu’en France ou en Europe de l’ouest (surtout en voyant ce qu’elles sont devenues) et a fortiori qu’aux États-unis. Ils ne nous envient pas du tout.

          • Nirih
            28 MARS 2022 À 19 H 36 MIN

            “Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.”

            Attribué à Montesquieu.

  3. Par contre ce qui est inquiétant c’est que parmi les nombreux admirateurs de Poutine en Afrique figurent tous les racistes et xénophobes qui haïssent la France et l”Occident. Très actifs sur les forums. En Algérie, au Mali etc..Individus haineux et ignares qui n”ont évidemment jamais entendu parler de la traite arabo-musulmane ni du massacre d’Oran etc…Avec de tels amis, Poutine n’a plus besoin d’ennemis ! Mais on trouve aussi des individus comparables (les indigénistes et wokistes) dans le camp pro Biden. Conclusion : le vingt et unième siècle est un champ de mines !

    • Certains islamistes et antisémites pro palestiniens aiment Poutine.
      Poutine : “C’est dur d’être aimé par des cons.”
      Certains islamistes et antisémites pro Palestiniens aiment Biden.
      Biden : “Nous sommes le monde libre.”

  4. Joseph – 29 mars 5h43 mn heure de Moscou
    C’est un peu trop facile de se dédouaner ainsi de sa responsabilité en laissant entendre que l’autre a rendu la guerre “inévitable” (sic!) mais ça fait partie de la mentalité paranoïde de Poutine (c’est toujours la faute de l’autre qui me veut du mal !)
    C’est moche et c’est lâche de ne pas assumer ses actes et ses intensions, pourtant clairement exprimés ! Après il ne faut pas s’étonner que l’armée russe soit en pleine débâcle puisque selon cette “théorie” elle ne sait même pas ce qu’elle fait en Ukraine …

    • “Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.”
      Le genre de propos qui me font invariablement penser au gros beauf mal dégrossi ou à l’islamiste même pas déguisé qui considère qu’il est normal qu’une femme se fasse violer parce qu’elle porte des jupes courtes et donc qu’elle “incite” …

  5. “Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.”

    La guerre contre l ‘ Irak en 2003 était elle évitable puisque fondée sur un mensonge ( les armes de destruction massive) et une doctrine ( la guerre préventives).
    Au cas particulier de la guerre actuelle nous avons des faits : attaque de la Serbie par l ‘ Otan en 1999, coup d État de Maïdan entraînant le départ d ‘ un président légalement élu, extension depuis plus de 20 ans de l ‘ Otan, volonté de l ‘ Ukraine de la rejoindre ( inscrit dans sa constitution), langue russe bridée, attaque militaire depuis 8 ans contre le Donbass etc.

    Dans ce dernier cas la Maxime :
    “Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables.”
    est susceptible d ‘ être appliquée.

    • Je précise que j’avais demandé que mon commentaire du 30 mars 15h42 ne soit pas publié à cause d’un élément problématique (propos antiisraeliens qui m’avaient échappé à la première lecture) du texte dont j’ai transmis le lien.

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