Vers une nouvelle Shoah (?), Gilles FALAVIGNA

Le titre indiqué de nouvelle Shoah doit-il prendre une forme interrogative ou affirmative ?

Cette réflexion fait suite au précédent article des origines du Négationnisme et de sa continuité.

L’interdiction, certes restreinte, de la bande dessinée Maus en est singulièrement un témoignage.

Certains points ne semblent pas clairs. Alors il faut les poser sur les « I ».

Interrogation ou affirmation ? Nul ne connaît l’avenir. C’est la raison unique pour garder la forme interrogative d’une nouvelle Shoah. Mais si la question peut se poser, c’est parce que tout au présent indique que cette possibilité soit évaluée comme incertaine, puis probable, puis certaine en fonction des connaissances.

La différence entre un optimiste et un pessimiste est que le second est mieux informé que le premier, disait Jean Giono. L’auteur du Hussard sur le toit, profondément humaniste, ne pouvait imaginer que l’information soit si corrompue, ni que l’humain soit si disposé à la corruption.

Il est donc important de vérifier cette connaissance. Nous distinguerons la connaissance du sentiment de connaissance.

Nous relèverons également le contexte individuel et le contexte collectif pour évaluer la faisabilité d’une nouvelle Shoah. La réalité de l’affaire Sarah Halimi d’une part et celle de la menace iranienne d’autre part, sont une réponse globalisante.

Le négationnisme et le relativisme comme ordinaire

Pour contextualiser l’évolution, nous devons avoir en tête qu’avant la Shoah, nul ne semblait imaginer qu’elle soit possible. L’impensable a été atteint. Pourquoi ? Parce que certains l’ont pensé.

L’inhumanité ? L’évolution de l’incertain au probable puis au certain suit la même ligne dans la démesure. Avoir pensé la Shoah, l’avoir conceptualisé, planifié et réalisé est la première matérialité de l’inhumanité. Le négationnisme est un niveau pire de l’inhumanité. Il n’y a pas que le même niveau de conscience. Les négationnistes connaissent les conséquences de la Shoah. Ils savent et ont le recul suffisant, même si le négationnisme prend corps dès la fin de la seconde guerre mondiale.

Le premier niveau d’inhumanité prend corps avec la réalisation de l’acte. Le second niveau assimile le premier pour en projeter une nouvelle mécanique, un moyen d’arriver à ses fins. Jamais le négationniste ne nie la possibilité de la Shoah avec l’argument de l’impossibilité humaine de concevoir et de réaliser une monstruosité. Le négationniste se préoccupe uniquement de technique. Le négationniste assume son inhumanité.

Il convient, pour prendre parfaitement conscience de la réalité du négationnisme, de plonger dans l’après guerre. Y-avait-il de la compassion pour les Juifs ?

Pour qui veut bien regarder une carte de 1947, celle de la résolution de l’ONU, la possibilité de survie d’Israël relève du miracle. La guerre en découle. Côté arabe, l’unité la plus puissante des jeunes nations est la légion arabe, commandée par les Britanniques.

L’histoire de l’Exodus, rappelle que l’Occident ne voulait pas permettre aux Juifs de créer un État qui assure la sûreté de ses citoyens.

1956 est l’année d’un film événement, Nuit et Brouillard, réalisé par Alain Resnais, témoignage des camps de concentration. Le mot Juif n’y est prononcé qu’une fois. (1)

Jusqu’à la fin des années 70, on ne parle pas de camps d’extermination. On parle de camp de concentration où étaient déportés les résistants.

Pour prendre le pouls de notre société, nous pouvons identifier sa production culturelle. Elle répond à l’instant sociologique qui l’anime. En 1979 est diffusée la série Holocauste, avec Meryl Streep.

C’est une des premières fois, au monde, que la Shoah est au centre d’un sujet.

Les réactions sont terribles. L’opinion affirme qu’on parle trop de la Shoah. Peut-être est-ce en réaction défensive inconsciente. Mais il y a ce sentiment d’omniprésence du sujet, ce qui a pour effet de relancer un antisémitisme qui n’avait jamais disparu.

Pour y faire face, l’argument le plus utilisé est qu’il ne faut pas utiliser une fiction pour un sujet si grave.

Le film Shoah de Claude Lanzmann sort en 1985.

C’est dans ce contexte que Jean-Marie Le Pen sort le détail de l’Histoire. Dans les faits, la Shoah était bel et bien considérée comme un « détail » de l’Histoire puisque nul n’en parlait jusque-là. Interrogé à l’Assemblée Nationale, le leader du Front National se réfère aux Mémoires de Churchill qui n’en parle pas. Or, ces mémoires sont considérées comme la référence la plus légitime pour la période.

La réalité et le sentiment de cette réalité sont deux choses distinctes.

Plus la réalité de la Shoah est relativisée, plus il sera difficile de concevoir qu’elle puisse se reproduire.

La menace iranienne

A handout picture provided by the office of Iran’s Supreme Leader Ayatollah Ali Khamenei shows him during a meeting in the Iranian capital Tehran on January 15, 2020. (Photo by HO / IRANIAN SUPREME LEADER’S WEBSITE / AFP)

L’Iran est le premier État qui, officiellement, nie la réalité de la Shoah. Ce négationnisme associe le mensonge de la Shoah aux intérêts de l’Entité sioniste. Le mythe de la Shoah aurait été inventé par les Sionistes pour dominer et opprimer les Musulmans. Il serait donc de salut universel d’éliminer cette entité sioniste ségrégationniste,  colonialiste et illégitime.

Le premier colloque négationniste s’est tenu à Téhéran en 2006. Le fond importait peu. L’objectif était de tourner en dérision la Shoah. Des prix étaient mis en place pour récompenser la meilleure caricature ou le meilleur humoriste. C’est à ce titre que Dieudonné M’bala  M’bala était invité.

Officiellement, la République Islamique vise les ressources nucléaires à des fins civiles. Dans le même temps, la course aux lanceurs d’engins sur le principe qu’une arme existe pour être utilisée , ne peut laisser de doute, quant à l’utilisation du vecteur nucléaire, qu’à ceux qui ne veulent pas prendre conscience des réalités.

La principale force politique et militaire palestinienne est le Hamas. Cette organisation terroriste, que beaucoup veulent en interlocuteur, est financée par l’Iran et à ses ordres. Le soutien aux Chi’ites yéménites par une organisation qui se déclare sunnite en témoigne. Le Hamas œuvre depuis Gaza, au Sud d’Israël. Au Nord, le Hezbollah obéit à l’Iran. Personne ne le conteste.

Israël est en guerre depuis sa déclaration d’indépendance. Jamais la menace envers son existence n’a été aussi pesante. L’armement de ses ennemis atteint une évolution technologique phénoménale. L’opinion internationale s’en désintéresse dans le meilleur des cas, dans un discours lunaire de la Paix dans le monde, à l’instar du Pape, et dans la plupart des cas, prend fait et cause pour les ennemis d’Israël. A l’ONU, la seule démocratie du Moyen-Orient est le pays au monde le plus condamné pour violation des droits de l’homme. La majorité des médias véhiculent les mensonges d’occupation, de colonisation et d’apartheid.

Le négationnisme a servi de moteur à l’idéologie d’Extrême Gauche. C’était le plus court chemin vers l’Islamo-gauchisme. Tout naturellement des milliers de cadres du régime nazi sont allés servir dans le monde arabo-musulman durant les vingt ans qui suivirent la seconde guerre mondiale.

Un antisémitisme généralisé et exponentiel

Le cadre le plus pertinent pour évoquer l’antisémitisme de la société est celui de Sarah Halimi Z’’L en ce qu’il ouvre la porte à une nouvelle inhumanité.

En 1998, 81 cas de délit à caractère antisémite étaient répertoriés par le Ministère de l’Intérieur. Malgré la loi Gayssot, ils étaient au nombre de 681 en 2019. Pour la même année, ils étaient de 1052 faits contre les Chrétiens et 154 faits à caractère « islamophobe ». Dans le sens de celui qui le subit comme dans le sens de celui susceptible de le commettre, ces données sont à considérer brutes et relatives aux proportions de population.

A populations équivalentes en nombre, on considèrerait 1 million d’actes antisémites en France en 2019.

Quand on parle de délit répertoriés, il n’est pas question du racisme ordinaire qui ne peut que suivre ces mêmes proportions.

Les minorités agissent et les majorités sont silencieuses. Il ne faut pas faire d’amalgame. Tous les Musulmans ne sont pas antisémites. C’est certain. Il demeure que la quasi-totalité des actes antisémites sont perpétrés par des Musulmans.

Dans l’affaire Sarah Halimi, nous devons retenir les interventions de son frère, William Attal.

Il donne les détails glaçants aux journalistes qui réagissent sans la moindre émotion et qui iront jusqu’à rappeler que l’affaire est jugée. Cette absente totale d’émotion est elle-même une porte vers la submersion antisémite.

William Attal rappelle que sa sœur, Sarah Halimi Z’’L, était juive orthodoxe dans le quartier de Belleville. (2)

 Son supplice, malheureusement, était presque dans l’ordre des choses. Elle a été torturée pour qu’aucun os de son visage ne soit intact. Ses cris de douleur retentissaient dans tout le quartier qui n’intervenait pas. Elle a été mise sur son balcon, à genoux dans les positions les plus humiliantes, puis jetée par-dessus.

Question : un tel supplice avait-il lieu en Allemagne durant les années nazies dans le quotidien civil ?

Le crime antisémite ne fait pas le moindre doute. L’assassin utilisait le pseudo, sur réseaux sociaux, de l’assassin d’Ilan Halimi, Fofana. Et la Justice et les médias s’interrogent sur l’équilibre psychologique d’un individu présumé innocent mais qui pouvait clamer Allah wakbar (plus de 10 fois selon les nombreux témoins) entre chacune des sourates qu’il récitait du Coran.

Ne revenons pas sur les circonstances atténuantes des bouffées délirantes qui autorisent à tuer les Juifs. Mais revenons sur la libération du tueur qui n’est plus en hôpital psychiatrique. Est-il guéri ? Il n’a suivi aucune thérapie. A-t-il des regrets ? Il refusait des soins qui émanent d’une soignante juive.

Quelle a été l’attention portée par les autorités ? Le tueur, dès son entrée en unité de soins psychiatrique, mettait en place un trafic de stupéfiants. Il a commencé à sortir tous les jours. Il est libre, guéri donc de son déséquilibre. Il peut retourner à la mosquée Omar, rue Jean-Pierre Timbaud, une mosquée qui n’est pas répertoriée radicalisée, une mosquée ordinaire.

Ne retenons pas uniquement l’insulte faite à la Justice. La Justice se prononce au nom du peuple. La Justice possède une dimension politique. L’insulte est faite à la composante juive du peuple. Elle est faite par la grande majorité du peuple qui se désintéresse du sujet ou valide la décision de justice.

La dimension antisémite du meurtre n’est pas seulement minorée au regard des droits du criminel. Elle n’est pas considérée. Elle est niée. Elle n’a pas d’importance puisqu’elle n’est pas retenue.

Cette situation est conséquente du négationnisme de base.

Le meurtre de Sarah Halimi est justifié parce que juive orthodoxe dans un quartier sous domination musulmane. Sa seule existence, sa perruque identifiable de tous sur son lieu de vie, était considérée comme une insulte.

Le regard porté sur Sarah Halimi par la société est le même que le regard porté sur Israël.

Pour mettre en place une Shoah, une institution est nécessaire. Nous voulons croire à l’éternité de la Démocratie et de ses valeurs. Cette croyance est une illusion.

Cette institution forte, capable d’extermination, ne peut exister que si les opinions publiques l’acceptent. Les minorités agissent. Les majorités se taisent. Les mêmes croyances illusoires imaginent la possibilité d’un coup de force, un coup d’État, toujours cette bonne vieille lune de bonne vieille Extrême Droite. Elles se trompent car le plus probable n’est pas que le pouvoir se prenne de force contre le peuple. Le pouvoir s’offre. Le silence de la majorité signifie « qui ne dit mot, consent ».

Alors nous ne voulons pas y croire mais une nouvelle Shoah est bien en chemin. Il nous appartient de nous battre pour nous engager sur un autre chemin. Quelle est notre combativité ?

(1) http://shoah.free.fr/nuitbroui.htm

(2) https://www.youtube.com/watch?v=1PfgYKdMLSQ (William Attal interrogé sur un « drame familial »)

Gilles FALAVIGNA

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2 Comments

  1. Cher Mr Falavigna , il existe un chemin , celui qui a rempli les reves de nos ancetres communs durant 20 siecles : ce chemin est a la portée de chacun d entre nous , un bel oiseau blanc frappé d un beau sigle hebraique se tient pret a nous le faire vivre ….. alors pour chacun selon ses possibilités bien sur , je preconise le retour a notre terre au milieu des notres …..pour ma part c est fait apres tant de temps (🥲)
    Tout le mal que je souhaite a chacun de mes freres vivant en exil , c est de nous rejoindre et d entendre , comme moi , chaque jour , l employé de banque ou le boulanger ” berouhim habahim” 🍾🇮🇱

    • Fuir sans se venger de 2000 de crimes chrétiens et Musulmans ??Est ce respecter la mémoire des millions de martyrs de la barbarie ????
      Il y a certainement d aitres voix qui certes réclament plus de courage et de sacrifice mais plus confirme à cette situation :
      La Loi de Talion…..

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