Meyer Habib. Cela n’émeut plus la gauche qu’une juive se fasse massacrer par un islamiste?

Meyer Habib. Photo © Jacques Witt/SIPA

Une page se tourne dans l’affaire “Sarah Halimi”. Presque 5 ans après le meurtre d’une retraitée juive par l’islamiste Kobili Traoré en avril 2017, une commission d’enquête parlementaire lancée à l’initiative de Meyer Habib, député UDI, a rendu son rapport : aucun dysfonctionnement de la part de la police ou de la justice dans l’affaire Sarah Halimi.

Un verdict que l’élu de Français établis à l’étranger attribue aux blocages, refus et dénis de certains membres de cette commission. Non-intervention de policiers sur place au moment des faits, non-considération d’éléments de préméditation du meurtre, non-investigation de la téléphonie du meurtrier et de ses proches, absence de reconstitution, non-audition des témoins clés de l’affaire, caractère antisémite du meurtre confirmé seulement 8 mois après le décès…

Maintes fois exposées dans les médias, les zones d’ombres de la mort de Mme Halimi sont toutes inscrites dans la contribution d’Habib au rapport parlementaire. Rien qui ne puisse toutefois modifier le twist de ce long feuilleton judiciaire : l’irresponsabilité pénale de Traoré. Le meurtrier d’abord déclaré apte à comparaître devant une Cour d’Assises par un premier expert psychiatrique, Daniel Zagury, la juge a ensuite décidé de nommer un nouveau collège dirigé par son opposant : Paul Bensussan, dixit Me Szpiner, qui s’est empressé d’invalider ce diagnostic. Résultat : la Cour a tranché pour l’abolition totale et non plus partielle du discernement du meurtrier le soir du crime.

L’élément déclencheur de cette crise de folie, décrite comme une « bouffée délirante » ? Une forte consommation de cannabis… Fort controversée à l’époque, cette décision pèse encore de tout son poids sur une possible évolution de l’affaire : du fait son état psychologique, “l’accusé” ne peut toujours pas être jugé. Et tout porte à croire qu’il ne le sera jamais. « En France, on ne juge pas les fous », dit-on.

Un dénouement incompréhensible pour le député, qui doute profondément de la “folie” présumée du tueur. Quoiqu’en disent les experts, la commission a prouvé que Traoré a prémédité minutieusement son crime et sciemment choisi sa victime, qu’il agonisait d’ailleurs depuis des années d’insultes antisémites.

Le franco-israélien n’en démord pas : « Deux jours avant le drame, Mme Halimi s’était confiée à sa voisine, également policière, de la peur récurrente qu’elle ressentait pour Traoré », nous confie-t-il, dans son bureau à l’Assemblée nationale. La thèse de la « bouffée délirante et soudaine » du tueur ne tient pas.

Valeurs actuelles. Pourquoi vous êtes-vous engagé à ce point dans l’affaire Sarah Halimi ?

Meyer Habib. Je tiens d’abord à dire que j’aurais préféré qu’il n’y ait ni commission d’enquête parlementaire, ni rapport et que les choses se soient déroulées différemment. J’aurais souhaité que l’assassin aille devant une Cour d’Assises de la République. C’est cette Cour d’Assises qui aurait dû attester ou invalider l’idée d’une prétendue bouffée délirante ! En avril 2017, une directrice de crèche, médecin de 65 ans, a été torturée et massacrée à mort par un islamiste dans son propre appartement. Qu’a-t-elle pu bien faire pour que Kobili Traoré, son bourreau, la roue de coups et la défenestre de chez elle au cri de « Allah Akbar, sale pute » ? Rien. Si ce n’est de naître juive et de ne pas s’en cacher, dans la France de 2017. Avant de muer en affaire aux contours politiques, cette histoire est avant tout une tragédie humaine. Mais surtout une tragédie qui n’aurait jamais dû avoir lieu… Je l’ai déjà dit, je le répète : Sarah Halimi aurait dû être sauvée, aurait pu être sauvée. J’en ai l’intime conviction après les nombreuses auditions de cette commission.Le soir du meurtre, Kobili Traoré, non armé, a tué Mme Halimi a poings nus. La défunte a hurlé pendant près d’un quart d’heure, au point d’avoir réveillé une bonne partie du voisinage qui n’arrêtait pas d’appeler la police. Mais la dizaine d’agents arrivés immédiatement sur place, prétendent tous avoir entendu des cris d’homme mais aucun cri de femme. Impossible ! J’ai donc décidé, afin d’en avoir le cœur net, d’inviter tout le bureau de la commission d’enquête à se rendre sur les lieux, la nuit, dans les conditions du meurtre. Malgré mon insistance, aucun membre issu de La République En Marche du bureau n’a voulu venir, pas même le rapporteur. Pourquoi ? C’était le seul moyen de savoir de façon certaine si les policiers mentaient ou non. J’ai fait crier une de mes assistantes sur le balcon de Mme Halimi… Les quatre députés présents, Constance Le Grip, François Pupponi, Sandra Boëlle et moi-même, ainsi que les sept autre personnes présentes ont entendu distinctement ces cris ! Les fonctionnaires de police ont menti sous serment. Ils ont sans doute été tétanisés, compte tenu di climat terroriste ambiant, par les cris « Allah Akbar » et les sourates du Coran récitées par Traoré. Et cela s’entend : le tueur avait fait ce soir-là ses ablutions et s’était changé avant d’aller chez Sarah Halimi. Nous avons aussi établi que le brigadier-chef avait demandé des moyens lourds pour ouvrir la porte, quand bien-même il possédait les clés envoyées par la fenêtre dès leur arrivée par la famille Diarra, voisins de Mme Halimi. Ce trousseau de clés leur aurait permis de s’introduire immédiatement dans leur appartement, chez qui se trouvait alors le tueur avant de s’introduire chez Sarah Halimi par son balcon. J’aime notre police et je ne veux pas accabler les primo-intervenants. Mais à la différence de l’intervention héroïque du Bataclan, il y a eu des dysfonctionnements graves dans l’intervention.

Vous avez en effet dénoncé « beaucoup de dénis, de démissions, de refus et de couvertures dans ce rapport ». Pouvez-vous nous donner quelques exemples supplémentaires d’éléments obscurs du dossier et nous expliquer ce que vous entendez par « couvertures » ?

Ce ne sont pas les faits troublants qui manquent. La veille du meurtre, Traoré a déposé ses neveux pour la première fois de sa vie chez les Diarra. Il y a également apporté des affaires et une serviette. Une visite idéale pour inspecter les lieux… Le même jour, bien avant sa pseudo « bouffée délirante », ce dernier allait répétant : « Demain, tout sera terminé. » Et ce n’est qu’un début. Il s’est rendu ce même jour à trois reprises dans une mosquée salafiste, dont ni la police ni la juge n’ont jamais interrogé aucun des fidèles. La juge n’a même jamais fait de reconstitution ! Incroyable dans une affaire de meurtre. Pire, la juge ne s’est jamais rendue sur les lieux. Elle aurait pu constater en le faisant que Traoré n’a pas pénétré le domicile de sa victime “par hasard” en se faufilant par une fenêtre ouverte, tel que narré dans la version officielle. Mais qu’il a bien prémédité et forcé l’entrée de sa baie-vitrée, comme l’a ultérieurement confirmé le constat d’un expert judiciaire près la Cour d’Appel de Chambéry. Je souligne ici que cet homme est un expert en intrusion et en technologies du renseignement, à bon entendeur. Mais ce document n’a évidemment pas été joint dans le rapport.Je pourrais continuer ainsi pendant des heures. Mais je vais me contenter ici de délivrer un des éléments les plus marquants de l’affaire : le tissu de mensonge confectionné par Traoré sur la question du motif antisémite du meurtre. Ce dernier a affirmé ignorer que la défunte était d’origine juive, avant de découvrir un chandelier juif et une Torah dans son appartement. Or, Mme Halimi n’a jamais possédé de tels objets ! Il est avéré qu’il connaissait parfaitement sa victime, qu’il savait comme tout le monde qu’elle était juive puisqu’il la harcelait depuis des années, la qualifiant de « sheïtan du quartier ». Comment ne pas déduire de ces éléments que le meurtre a été prémédité ? Je me le demande encore… A moins que certains ne cherchent en fait à se “couvrir”, pour répondre à votre question. Traoré a prémédité son meurtre. Je le répète : la théorie de la bouffée délirante soudaine ne tient pas. Nous savons d’ailleurs aujourd’hui que l’assassin sort régulièrement de l’unité pour malades difficiles où il a été placé, pour fanfaronner avec les dealers de son quartier lors des permissions. Face à une telle accumulation d’erreurs, la police et la Justice ont sans doute voulu classer cette affaire dans les plus brefs délais, afin qu’elle soit rapidement oubliée de tous. Habile manière de dissimuler leurs manquements…

Le déroulement de la commission d’enquête a-t-il été, au contraire, l’occasion de rassembler les parlementaires par-delà les partis ?

L’affaire Sarah Halimi n’est pas une affaire politique. Je m’attendais à ce que chacun dépasse les clivages partisans, au moins pendant un temps. Or, aucun élu de gauche n’a daigné nous faire l’honneur de sa présence. PCF, France Insoumise, Parti Socialiste… Aucun d’entre eux n’est venu à la commission, ne serait-ce qu’une minute. Ils n’ont d’ailleurs pas non plus signé la demande de commission d’enquête, signée par 80 parlementaires, alors que beaucoup de députés du Rassemblement national, dont Marine Le Pen, n’ont pas hésité à le faire. Seulement trois députés de LREM l’ont à l’époque signée… Cela n’émeut-il donc plus la gauche qu’une femme juive se fasse massacrer par un islamiste ? Où étaient les socialistes, héritiers de Jean Jaurès et de George Clémenceau ? Hérauts la justice et de l’antiracisme ? Où étaient les communistes ? Les insoumis ? Sont-ils à ce point insensibles au rétablissement de la vérité dans l’affaire de la mort d’une juive ? La recherche de vérité et la lutte contre l’antisémitisme sont des impératifs dans lesquels chacun se doit d’être investi. Et ce quelle que soit sa sensibilité politique. A gauche, il semble qu’il existe une sorte d’hémiplégie lorsqu’il s’agit du meurtre d’une femme juive. Désertion de la gauche mise à part, je me désole que l’on ait essayé de délégitimer et de casser cette commission en m’accusant de porter atteinte à la séparation des pouvoirs. On m’a accusé de refaire l’enquête, mais à quoi sert une commission d’enquête sinon à enquêter ?

Comment interprétez-vous la relative indifférence médiatique à l’égard de la mort de Sarah Halimi ? S’est-on “habitué”, à force de répétitions, aux crimes antisémites en France ?

J’espère que ce n’est pas le cas. Même si je crois déceler dans le subconscient de certains une inquiétante banalisation de l’antisémitisme… “Après tout, il y a un conflit au Moyen-Orient”, ented-on parfois. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle des grands médias dans l’invisibilisation de l’affaire. Pourquoi ce quasi-silence médiatique durant toute la commission d’enquête ? Comment comprendre que La Chaîne parlementaire n’y ait jamais consacré la moindre minute, le moindre reportage, le moindre débat ? Quelle différence avec la commission sur les violences policières, l’affaire Benalla ou sur les groupuscules d’extrême-droite ? Le meurtre d’une femme juive en plein Paris est-il si anodin pour mériter cette indifférence médiatique ?

Pensez-vous que nous ne reparlerons plus jamais de l’affaire Halimi ?

Non, nous allons continuer à en parler. La communauté juive et le peuple français dans son ensemble continueront à sortir dans la rue. Je le sais. La famille a d’ailleurs décidé de poursuivre l’affaire par l’intermédiaire des Me Goldnadel et Majster, notamment pour non-assistance à personne en danger. Elle souhaite aussi engager de nouvelles poursuites contre le meurtrier sur la base de la commission d’acte de cruauté, ne se confondant pas dans le temps avec la défenestration qui seule a été poursuivie. Quant à François Pupponi et moi, nous réfléchissons à la possibilité d’informer le Procureur de la République en saisissant l’article 40 du code de procédure pénale sur différents mensonges sous serment que nous avons constatés durant les auditions de notre commission. Aujourd’hui, la bataille est aussi médiatique. Il faut que cette affaire soit remise au centre des attentions. L’intérêt que nous porte Valeurs Actuelles, l’interview que vous réalisez aujourd’hui est importante. J’invite chacun à regarder les auditions publiques, à lire notre avant-propos du rapport, ainsi que notre contribution. Tous les dysfonctionnements y sont listés et détaillés, point par point, preuve par preuve. Cette vérité saute aux yeux. Je vous le dis, cette histoire est loin d’être terminée. Cette affaire est une affaire franco-française, je ne me résous pas à ce qu’elle soit jugée en Israël.

Avez-vous un message à adresser aux Français de confession juive, sans doute inquiets par la tournure qu’a pris cette affaire ?

D’abord, je suis certain que la mort de Sarah Halimi n’a pas seulement ébranlé nos concitoyens de confession juive. Tous les Français se sont sentis évidemment concernés par ce nouveau meurtre islamiste, idéologie qui n’a que trop souvent endeuillé notre pays ces dernières années. Mais j’aimerais tout de même dire à tous mes coreligionnaires français juifs qu’il ne faut pas abandonner l’idée de vivre en France. Une alyah (montée en Israël) est un choix qui doit se faire par engagement sioniste, non par fuite ou par peur. Certes, il est de plus en plus difficile pour les juifs de vivre en sécurité dans ce pays : alors qu’ils ne représentent même pas 1% de la population française, les juifs sont à eux-seuls la cible de 50% des actes racistes sur le territoire… Comme je l’avais dit en 2013 à l’Assemblée nationale, on commence par tuer des Juifs et on finit par tuer des journalistes, des prêtres, des fidèles chrétiens, des professeurs ou des Français lambda. Après le DJ Sellam, Ilan Halimi, les enfants de l’école Ozar Hatorah de Toulouse et l’Hypercasher, et avant Mireille Knoll, Sarah Halimi s’ajoute à une liste trop longue de victimes de la barbarie antisémite en France. Je n’abandonnerai jamais. Je me battrai sans relâche pour que la vérité éclate enfin. C’est le serment que j’ai fait devant la tombe de Sarah Halimi à Jérusalem, où je me suis rendu lundi dernier aux côtés de son fils Yonathan et de son frère M. Attal. Ne désespérons pas. Un jour, nous pourrons à nouveau dire : « Heureux comme un juif en France. »

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1 Comment

  1. Ca fait plus de 2000 ans que cela dure…..
    Le Christiannisme porte en lui la violence et “en même temps” une compassion véritable pour tout ce qu n est pas Juif. Et aussi une compassion hypocrite et cynique réservée au Peuple de la Bible qu il veulent toujours convertir….
    L Europe Chrétienne : Un enfer pour les Juifs.

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