Liliane Messika. Les vertus du nationalisme. Un essai à rebrousse-poil des idées reçues sur le bien universel

Les vertus du nationalisme. Un essai à rebrousse-poil des idées reçues sur le bien universel

Yoram Hazony est un philosophe et analyste politique, qui part du particularisme de son pays pour décrypter ce qui se cache sous la tentation de l’universel.

Pour Hazony, le contraire de nationalisme n’est pas universalisme, mais impérialisme. Ces deux conceptions opposées génèrent (ou procèdent de) deux archétypes.

Le nationalisme est pratiqué par des loyalistes tribaux, allergiques aux « aléas des conquêtes de territoires lointains », pour qui les bonnes frontières font les bons voisins. L’impérialisme correspond à des révolutionnaires universalistes, qui croient en « une seule doctrine du vrai », à imposer en tous temps, en tous lieux et à tous les humains. D’où leur aversion agressive du refus ou de la critique de cet idéal : l’universel hait le particulier, alors que celui-ci est beaucoup plus tolérant vis-à-vis des différences, puisqu’il revendique la sienne.

Hazony liste les « nations indépendantes et libres, poursuivant chacune l’idéal du bien commun en leurs propres traditions et perceptions », par ordre alphabétique (en anglais) : l’Inde, Israël, le Japon, la Norvège, la Corée du sud, la Suisse et, depuis le Brexit, le Royaume-Uni. En face, ceux qui rêvent d’un « ordre des peuples unis sous un seul régime de droit, préservé par une autorité supranationale unique » ont abandonné leur souveraineté à l’Europe et considèrent l’ONU comme le Droit international incarné.

Pour cela il leur faut s’aveugler sur le fait que, dans cette assemblée générale démocratique, un État égale un vote, celui de Vanuatu (12 280 km2 et 285 300 habitants) vaut donc celui de la Chine (9,6 millions de km2 et 1,4 milliard d’habitants). Surtout, il faut oublier les chiffres : en 2019, parmi les 193 membres de l’ONU, seulement 76 étaient des démocraties, représentant 48,4% de la population mondiale. Pour mettre les points sur les « i », cela veut dire que nous nous référons à un droit international voté par une majorité de régimes hybrides ou autoritaires, qui gouvernent 51,6% des humains.

Hazony prêche pour « une compétition fructueuse entre les nations, puisque chacune d’entre elles essaie de développer au mieux ses capacités et celles de ses membres » en défendant des « intérêts et des aspirations qui leur sont propres ».

Il n’est pas très éloigné de Mark Twain, qui voyait dans le patriotisme le fait de « soutenir son pays tout le temps et son gouvernement quand il le mérite ».

Le nationalisme d’Hazony n’est pas un angélisme, mais il estime que « se consacrer à la cause de l’empire, à l’idéal de faire passer le monde sous la coupe d’une autorité et d’une doctrine uniques revient à défendre quelque chose de bien pire ». Comment disait Churchill, déjà ? « La démocratie est le pire des régimes, à l‘exception de tous les autres » !

Le livre de Yoram Hazony est paru aux Éditions Jean-Cyrille Godefroy. Hasard ou perversité, une mention anonyme a été subrepticement ajoutée à la page Wikipédia de l’éditeur. Il s’agit d’une phrase susceptible de le conduire à la ruine : « Militant d’extrême-droite proche du FN. A notamment réédité l’Histoire de la guerre d’Espagne de Robert BRASILLACH et Maurice BARDECHE ».

Jean-Cyrille Godefroy

Il suffisait de regarder son catalogue pour voir que c’était faux, mais combien d’internautes procèdent à une vérification avant de vouer aux gémonies un être soupçonné de pareille turpitude ? Une note renvoyait l’accusation au mémoire d’un étudiant de Lyon II, qui avait annexé à sa thèse une « liste non exhaustive des maisons d’édition proches du FN[1] ». On n’y trouvait pas les Éditions Jean-Cyrille Godefroy, mais : « Godefroy de Bouillon – Ont notamment réédité l’Histoire de la guerre d’Espagne de Robert BRASILLACH et Maurice BARDECHE. »

Cette précision erronée ajoutée au site de l’éditeur de Yoram Hazony, du rabbin Philippe Haddad et de Bat Ye’or, est-elle le produit d’un acte manqué par un analphabète, incapable de distinguer entre Godefroy de Bouillon et Jean-Cyrille Godefroy, ou de la manœuvre réussie d’un impérialiste militant de l’universalisme, désireux de faire taire l’éditeur d’un nationaliste ?

© Liliane Messika

[1] http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2009.fontana_a&part=344466


Liliane Messika

Liliane Messika, essayiste, conférencière, traductrice, romancière, publie de nombreux articles sur le Moyen-Orient.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

  1. Très bonne analyse de Liliane Messika du problème du concept de nationalisme, le mal aimé face au bien si correct. Il y aurait tant à dire sur le mensonge par stupidité ou par malignité! Pour wiki, le caractère intentionnel malfaisant ne fait pas le moindre doute. L’indexation de la base de donnée empêche la confusion. Toute réflexion doit être recouverte d’un jugement moral jusqu’à l’inventer le cas échéant.

1 Trackback / Pingback

  1. Liliane Messika. Les vertus du nationalisme. Un essai à rebrousse-poil des idées reçues sur le bien universel - Citron IL

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*