Regard chrétien sur les Juifs et les Musulmans : Strabisme et déconnexion entre l’image et le cerveau (auto-décapitation ?)

1ère partie

Lucy Aharish and Tsahi Halevi pose for a photo at their wedding party in Hadera, Israel October 11, 2018. REUTERS/Meggie Vilensky – RC1F43A3E550

L’année 2021 aura été marquée par de lourdes et délirantes analogies entre Juifs et Musulmans pour se terminer en apothéose avec Anne Hidalgo pour qui le quotidien des Musulmans, aujourd’hui, se confond avec celui des Juifs de la seconde guerre mondiale. Le sujet se doit d’être approfondi.

Le pape François a exprimé son « admiration et (sa) gratitude » à Anne Hidalgo pour son action envers les réfugiés.

Le pape François a exprimé son « admiration et (sa) gratitude » à Anne Hidalgo pour son action envers les réfugiés. | PHOTOS

Le pape François, pour l’occasion de Noël 2021, a prononcé sa bénédiction au monde, bénédiction dite urbi et orbi. Les Chrétiens souhaitent la paix dans le monde, vœu pieux qui veut que charité bien ordonnée commence par les autres, logique oblique qui oblige. (1)

Bien sûr, ces vœux portent sur la paix entre Israéliens et Palestiniens, paix dont dépend celle du monde. C’est la bénédiction orbi.

Le second vœu, urbi, porte sur l’accueil des Migrants, charité bien ordonnée car le Vatican n’accueillera pas les Migrants sur son sol pour les nourrir et les loger.

Une idéologie litière de l’antisémitisme

Bref, il ne peut y avoir de hasard si trois religions monothéistes se partagent une vision du monde en Occident. Si la première, étant la première, ne se pose pas trop de questions existentielles sur les suivantes dont elle ne dépend pas, la dernière, la mahométane, se veut la seule car la dernière.

La seconde, la religion chrétienne, est le fruit de l’universalisation du Judaïsme. Elle se considère investie de son accomplissement. La nature de son regard sur les deux autres est empreinte de paternalisme condescendant pour le suivant et de misérabilisme pour son prédécesseur. Son sentiment de supériorité autorise sa tolérance. L’amour est son credo. Il n’est, bien sûr, question que de fondamentaux idéologiques que le pragmatisme et la réalité géopolitique viendront suspendre et contredire durant le cours des siècles.

L’influence cultuelle est indissociable de l’influence culturelle qui dirige nos modes de pensées. Durant des siècles et des millénaires, les traditions ont régi les sociétés dites organiques. Il s’agit d’un des plus vastes sujets d’étude qui pourrait se résumer par les questions :

Qu’est-ce qu’être Juif ? Qu’est-ce qu’être Musulman ? Qu’est-ce qu’être Chrétien ?

Mais un des paradoxes des rapports sociaux est d’opposer la raison à l’émotion, semble-t-il.

Est-ce vraiment le cas ?

Les rapports entre dominants et dominés ne sont pas qu’un rapport entre raison et émotion. Nous le voyons par l’exemple de la connotation péjorative du « mâle blanc dominant ».

La question sera alors : « Qu’est-ce qu’être Juif pour le Chrétien ?» « Qu’est-ce qu’être Musulman pour le Chrétien ? » Nous pourrons également élargir la considération sur les trois pans de l’édifice qui déterminera si cet édifice est, ou n’est pas constitué de six pans. Un Juif se différencie-t-il d’un Musulman pour un Chrétien ou un Juif et un Chrétien pour un Musulman et ainsi de suite.

L’Église catholique, dans la foulée du pape François, place la fin de l’année 2021 sous le fondamental chrétien de l’antiracisme. Les prêtres, durant les messes du premier dimanche de l’année, prêchaient qu’être Chrétien est s’opposer au racisme. L’émission télévisée hebdomadaire « Le jour du Seigneur » transmettait une messe depuis la banlieue parisienne d’une communauté africaine choisie pour ce discours consistant à accepter l’autre comme son frère.

Pour cadrer cet antiracisme, valeur première du Christianisme devenue valeur morale première de l’Occident, il peut être utile de s’intéresser à sa teneur. Quel est le regard porté par le Chrétien et plus largement l’Occidental sur le Juif et le Musulman ?

Comme cas d’école, nous pouvons reprendre une analyse d’un article des Échos parue dans Jforum, par Gilles Falavigna, en juillet 2020 :(2)

Ce journal titrait : « L’extrémisme de Droite étend son emprise en Allemagne. »

L’article était articulé en deux points.

  • l‘antisémitisme a progressé de 17% en 2019.
  • Le courant drainé par Afd n’a jamais été aussi vivace.

Pour se conclure avec un amalgame entre l’antisémitisme et l’islamophobie.

En l’occurrence, le journal Les Échos réalise le syllogisme parfait.

Selon l’article et ses sources allemandes, le déterminant de l’Extrême Droite est l’antisémitisme. L’antisémitisme augmente. Donc cela signifie que la pensée d’Extrême Droite augmente.

Il se trouve que, sur la question, la caractéristique la plus frappante de l’Allemagne de ces toutes dernières années est l’accueil des Migrants. Il est pourtant évident que la progression de l’Extrême Droite est une conséquence de cette politique.

Il se trouve que, tout aussi naturellement, la progression de l’antisémitisme est liée au phénomène des Migrants par l’accroissement d’une population formatée par l’antisémitisme. Du moins, cette option est largement retenue.

On peut toujours se demander si la malhonnêteté intellectuelle prime sur la bêtise ou l’inverse.

L’utilisation du syllogisme permet de conjuguer les deux.

Le journal les Échos, pour valider sa démonstration de la menace d’Extrême Droite, rappelle l’attentat contre la synagogue à Halle, pour Yom Kippour. Le terroriste n’a pas pu entrer dans la synagogue, et a ensuite tiré sur un restaurant turc. L’antisémitisme serait donc de même engeance que l’Islamophobie.

Dans un contexte de culpabilisation par la réécriture de l’Histoire, la victimisation de l’Islam ne repose sur rien de concret. Associer l’antisémitisme à l’Islamophobie permet de faire d’une pierre trois coups. Il y a association de la culpabilisation qui permet de victimiser l’Islam. Il y a détournement des vrais auteurs des crimes et délits antisémites. Il y a négation de la spécificité juive.

Une spécificité du raisonnement judéo-chrétien sera que le prédicat y est, avant tout, un postulat.

La première caractéristique du postulat est l’absolutisme sur lequel est fondée la pensée. Il se déclinera sur un cadre moral, le Bien et le Mal, qui prévaut sur la loi. Depuis le concile Vatican II, la messe est dite dans la langue du pratiquant. Le discours est ainsi mieux ancré. Le prêtre fait son homélie et les fidèles répondent  : « cela est juste et bon » aux actions de grâce, que le prêtre reprend en écho.

La conjugaison du juste et du bon place le bon au niveau du juste en tant que loi.

Il ne peut y avoir de juste que ce qui est bon et le bon est naturellement juste. C’est l’homme à l’image de dieu au sens le plus strict. L’homme est un dieu. Jésus est homme. Jésus est Dieu. Il n’y qu’un sens possible. C’est tout ou rien et sans nuance. Cette interprétation est à l’opposé du texte hébreu, en premier lieu par son caractère idolâtre, et en second par sa lecture unique quand la lecture juive en comptera quatre parmi une infinité. Deux Juifs, trois points de vue, dit-on.

Un deuxième niveau accompagne le premier dogme. C’est l’injonction au bon à laquelle il est obligatoire d’adhérer. Le préjugé au bon, une sensation, savoir c’est sentir qu’on sait relevait Hume, développe une illusion : l’objectivité.

Suivant cette injonction, nous devenons passifs aux événements et à la raison. Pour rappel encore, le Judaïsme voudra au contraire, sortir de ses limites, Misraïm en hébreu symbolisé par l’Égypte. Sortir d’Égypte est se libérer de ses limites. La faute du veau d’or est également interprétée, nous dit Rachi dans ses commentaires de Bereshit, comme la volonté du peuple hébreu d’être un peuple comme les autres. Le taureau est le symbole représentatif le plus usité par les peuples à l’époque et en particulier par les Égyptiens avec Apis, le dieu taureau.

La conjugaison du juste et du bon relève de l’attrait de la conformité. Elle renforcera le préjugé. Un des premiers critères d’identification de la bonne mesure occidentale est de s’assurer qu’elle se conforme à ce que font les autres.

Cette pensée d’influence chrétienne vise l’assimilation en doctrine. La suite logique est l’universalisme. Cette pensée conduira au colonialisme, pour le bien du colonisé qui découvrira ainsi le bonheur de l’assimilation, puis au décolonialisme, toujours pour le même bonheur du colonisé qui pourra coloniser l’ancien colonisateur. Cette posture à géométrie variable conforte le sentiment de supériorité.

La pensée chrétienne, toujours des plus intuitives et inconscientes manières, validera la conformité par son aboutissement. Les hébreux avaient leur Torah, et Jésus serait venu l’accomplir. Si les Juifs doivent se conformer à la mesure, œil pour œil, vache pour vache, c’est par le devoir de contrôler leur animalité et c’est encore une des premières lois de la Genèse. L’homme aurait tendance à réclamer plus que son dû, réparation et intérêt. Le pendant chrétien au talion est de tendre la joue gauche au coup reçu sur la joue droite. Cela signifie que le premier coup porté était un revers, geste humiliant. Ce n’est pas une attitude d’amour vis-à-vis de son tortionnaire, délire de Stockholm avant l’heure. Le sens est pour eux celui de la réalisation de la Torah. Il n’y a plus à contenir son âme animale. Elle a disparu. Il n’y a plus que l’Homme avec Dieu. C’est l’ère messianique, la supposée réalisation de la Torah.

Il est donc naturel que le chrétien ait cette attitude paternaliste et condescendante du détenteur du Bien, valeur suprême. Son regard sera le même pour le Juif et pour le Musulman. Ce sera, en premier lieu, un regard sur lui-même comme nous avons pu le voir avec l’article des Echos, énoncé plus haut.

Le regard de culture d’influence chrétienne verra le Juif sous le prisme de l’antisémitisme et verra le Musulman sous le prisme de l’islamophobie, sentiment de supériorité oblige.

En psychophysique, la loi de Weber-Fechner décrit la relation entre une sensation mentale et la grandeur physique d’un stimulus.

Dans l’expérience de Weber-Fechner, le seuil différentiel désigne une capacité à distinguer 2 objets quand leurs caractéristiques sont relativement très proches.

Les spécificités juives et musulmanes, sont la constante de Weber-Fechner appliquée au regard chrétien dont le rapport sentiment de supériorité sur intérêt ne permet pas de distinguer l’un de l’autre.

Si un Juif est semblable à un Musulman, alors un Juif est semblable à un Arabe. Ce sont d’autres critères que leur spécificité qui permettra de les distinguer. En particulier, l’intérêt sera marqué par une référence à ses propres valeurs. Si on prend parti pour David contre Goliath, ce n’est pas en fonction de l’identité de l’un et de l’autre mais en fonction de l’identité qui fait écho, en l’occurrence le faible contre le fort.

Un autre facteur va accentuer l’indistinction entre Juifs et Musulmans aux yeux de l’Occidental : son universalisme. Dans ce contexte égalitaire, un homme en vaut un autre. L’universalisme est le collectif de l’individualisme. Une exégèse chrétienne veut que les dix commandements bibliques soient gravés sur deux tables pour exprimer un contrat en deux exemplaires que l’homme signe et remet en contrepartie. Au-delà du fait que la Torah soit donnée à un peuple et non pas à des individus, et qu’un peuple ne puisse signer, le contrat doit être établi en conscience éclairée des conséquences. Or, le livre du Lévitique qui formalise les règles, vient après celui de l’Exode qui notifie les Dix Commandements. L’Exode éclaire le Lévitique et non l’inverse.

La conscience éclairée ne revêt pas ce paradigme temporel de cause à effet dans la pensée chrétienne. La conscience chrétienne pousse à rechercher le bien commun. Elle est individuelle. Elle est éclairée à la lumière des évangiles. La conscience éclairée ne signifie, en christianisme, que la séparation du Bien et du Mal (3).

Le regard sur l’autre, Juif ou Musulman, ne répond pas à la raison des faits mais à ce sentiment subjectif du Bien et du Mal. Lorsque le pape revendique la paix entre Israéliens et Palestiniens, l’historique n’est pas pris en compte. Il importe peu. Il n’y a qu’une morale à l’instant donné qui se réfère à tendre l’autre joue. Il sera à ce titre juste et bon que le Juif souffre pour que le Palestinien donne la sensation de moins souffrir.

(1) Guillaume d’Ockham, un syllogisme nécessite deux prémisses pour une conclusion, comme une position ne peut se déterminer en trigonométrie, que par deux autres prédéterminées. La validité du syllogisme oblique dépend de la « grammaire » utilisée.

(2) https://www.jforum.fr/les-echos-le-pretexte-antisemite.html

(3) https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Jusquou-suivre-conscience-2019-02-13-1701002261

Par Gilles Falavigna

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