Le procès de TEVA devant la Cour d’Appel de Lyon

Le 27 janvier 2022, la Cour d’Appel de Lyon doit statuer sur l’appel interjeté par la société TEVA dans une affaire d’appel au boycott de ses produits. Le 18 mai 2021, les premiers juges avaient estimé que les propos du site Europalestine : « TEVA, on n’en veut pas »…« une partie de ses bénéfices renfloue l’armée israélienne », s’inscrivait  dans le cadre de la liberté d’expression. La société TEVA sollicite donc l’infirmation de la décision, et la constatation, par la Cour, de l’existence d’un acte de discrimination. Pour sa part, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (partie civile) qualifie le boycott « D’attitude qui nourrit le nouvel antisémitisme».

Dans un premier temps, la société TEVA avait obtenu la désignation d’un Juge d’Instruction avant que l’affaire ne soit évoquée devant le Tribunal correctionnel de Lyon. Pour relaxer l’éditrice du site au motif que « l’appel au Boycott des produits israéliens constitue une liberté qu’il convient de respecter », les premiers juges s’étaient alors alignés sur la position de la Cour européenne des droits de l’homme, ayant condamné la France pour les restrictions imposées à ce droit, le 11 juin 2020.

Pour autant, l’appel au Boycott des produits commercialisés par TEVA n’a d’autre finalité que d’attiser la haine contre Israël. En effet, et sur un plan strictement pratique, TEVA commercialise ses produits à Gaza et dans les zones A et B de Cisjordanie (sous contrôle palestinien), depuis de nombreuses années. Or, les palestiniens n’ont d’ailleurs jamais boycotté les médicaments israéliens, et, pour sa part, BDS s’est toujours bien gardé bien d’appeler à un tel boycott dans les territoires sous contrôle palestinien.

Bien évidemment, l’appel au boycott des produits TEVA par le mouvement Boycott Désinvestissement Sanction (BDS) l’est pour des motifs purement fallacieux, absurdes et parfaitement contre productifs. Pour BDS, les consommateurs devraient cesser de s’approvisionner en produits de la société TEVA (leader mondial dans la production de médicaments génériques) en raison de ses liens avec la politique israélienne dans ce qui est couramment appelé « les territoires palestiniens occupés ». Or, pour le mouvement pro palestinien, les consommateurs doivent être responsables dans leur démarche et respecter les Droits de l’Homme en n’achetant pas les médicaments de cette société (sic).

Cette position est juridiquement insensée : c’est le Protocole de Paris, intégré aux accords israélo palestiniens de paix d’Oslo (dont le volet de l’industrie pharmaceutique internationale fait partie), qui réglemente les relations financières entre Israël et l’Autorité palestinienne. Or, selon cet accord, l’importation de médicaments en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ne sont autorisée que pour les médicaments enregistrés en Israël. Dès lors, les palestiniens ne sont pas autorisés à importer des médicaments génériques fabriqués en Inde, Chine ou dans les États de l’ex-URSS, mais seulement les médicaments enregistrés en Israël, qui y sont, soit fabriqués, soit importés de l’UE, d’Amérique du Nord et d’Australie.

Aussi, BDS reproche-t-il à TEVA de bénéficier d’un certain monopole dans la distribution des médicaments dans les territoires sous contrôle palestinien, ce qui empêcherait « les entreprises pharmaceutiques palestiniennes de produire leurs propres médicaments génériques ou d’en acheter des moins chers ailleurs ». Pour la Banque Mondiale, il s’agirait même d’un des principaux obstacles au développement de l’économie palestinienne (sic). C’est bien évidemment absurde puisque les palestiniens ne disposent d’aucune industrie pharmaceutique et que l’important, pour eux, c’est de pouvoir être soignés.

Ce sont donc les entreprises israélienne Teva, Perrigo Israel – anciennement Agis, Taro, Dexcel Pharma ou Trima, qui sont chargées de la commercialisation des médicaments, grâce à leur accès au marché palestinien, et ce, sans frais de douane.

En outre BDS reproche aux israéliens d’avoir droit à une prise en charge médicale complète et diversifiée alors que les palestiniens seraient peu ou mal soignés, « d’autant plus à Gaza où les palestiniens vivent sous blocus ». Tout d’abord TEVA n’est pas responsable de la volonté du Hamas de détruire Israël et, inversement des mesures prises par l’Etat juif pour s’en défendre. Si donc les palestiniens préfèrent dépenser leur argent dans la diffusion de l’idéologie anti-israélienne et non dans leur système de santé, TEVA n’est en rien responsable. Notons, en tout état de cause, qu’Israël a toujours pris en charge les opérations médicales complexes des palestiniens, même pour ceux qui nuisent à l’Etat juif.

Enfin BDS reproche à TEVA d’approvisionner les implantations juives qui seraient illégales selon le droit international. Une fois encore, l’argumentation est absurde. Tout d’abord, la zone C (sur laquelle des familles juives sont implantées) est dévolue à Israël en vertu des accords israélo palestiniens de paix d’Oslo. En outre, la société TEVA distribue, de la même manière, ses médicaments aux palestiniens des territoires pour les soigner. Tout récemment (le 26 décembre 2021), la société israélienne Teva Pharmaceutical Industries, a d’ailleurs signé un accord avec Cannbit-Tikun Olam (principal fournisseur de cannabis médical en Israël) pour commercialiser et distribuer des produits à base de cannabis médical dans les Territoires palestiniens.

L’objectif de BDS est donc bien de stigmatiser Israël sur la scène internationale pour attiser la haine à son endroit. Il est donc dommage, sur ce point, que la France ne puisse faire prévaloir sa règle de Droit sur la règle de Droit européenne. 

Pour mémoire, la Cour de cassation avait, le 20 octobre 2015, considéré l’appel au boycott des produits israéliens comme étant constitutif d’un délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée ». Or, la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait sanctionné la France, le 11 juin 2020, en estimant que les actions et propos du mouvement BDS «relevaient de l’expression politique et militante».

La France est donc, théoriquement, tenue de respecter la hierarchie des normes, et donc le principe en vertu duquel le Droit européen supplante le Droit français. Autrement dit, et en cas de contradiction des textes, les Tribunaux français doivent faire primer la règle de Droit Européenne qui lui est supérieure. Ce principe est grandement problématique, notamment s’agissant de la capacité de nuisance de BDS sur le territioire français,  puisqu’il emporte une perte de souveraineté juridique de la France au profit de la Règle européenne. Il n’est donc pas surprenant que certains candidats à la présidentielle française (pour 2022), aient fait part de leur intention de voir modifier cette règle constitutionnelle pour conférer aux principes d’émanation française, une primauté sur les décisions prises par la CEDH.

C’est donc à la lumière de cet enferment idéologique que la Cour d’Appel de Lyon devra prendre sa décision. Soit elle confirme la décision, en adoptant les principes de la CEDH, soit elle reprend l’analyse de la Cour de Cassation selon laquelle : la liberté d’expression peut être soumise à « des restrictions ou sanctions qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui » (et ce, pour éviter l’incitation gratuite à la haine).

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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